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Concurrence, politique de la

La politique de la concurrence désigne la législation fédérale permettant d'éliminer les entraves au commerce imposées par des entreprises privées et de favoriser la concurrence.

Concurrence, politique de la

La politique de la concurrence désigne la législation fédérale permettant d'éliminer les entraves au commerce imposées par des entreprises privées et de favoriser la concurrence. Créée en vertu de la Loi sur la concurrence et de la Loi sur le Tribunal de la concurrence, entrées en vigueur le 19 juin 1986 et modifiant la Loi des enquêtes sur les coalitions, qui remonte à 1889, la législation fédérale sur la concurrence vise à « assurer l'efficacité et l'adaptabilité de l'économie canadienne en favorisant la concurrence au Canada » et s'applique à toutes les activités économiques (biens et services) à l'exception des activités nommément désignées (NÉGOCIATION COLLECTIVE, sports amateurs, souscriptions à forfait) ou à des activités régies par d'autres législations comme les industries où la production et le prix des biens et des services sont réglementés par les gouvernements fédéral ou provincial.

La Loi sur la concurrence vise infractions pénales et pratiques civiles sujettes à examen. Habilité à intervenir en matière de concurrence dans les audiences convoquées par les tribunaux de réglementation fédéraux et les organismes de réglementation provinciaux, le directeur peut enquêter sur les infractions présumées à la demande formelle de six adultes canadiens, du ministre de la Consommation et des Affaires commerciales ou de sa propre initiative.

La plupart des enquêtes dérivent des plaintes déposées par les consommateurs et les gens d'affaires. Certes, le directeur peut saisir le Tribunal de la concurrence pour obtenir une ordonnance interdisant une pratique commerciale assujettie au contrôle judiciaire. Toutefois, le ministère de la Justice se charge des poursuites criminelles devant la cour. Il existe cinq infractions criminelles clés : 1) ententes concernant l'offre, la fabrication, la production, etc. d'un produit visant à empêcher indûment la concurrence; 2) ententes entre banques pour fixer, par exemple, les taux d'intérêt appliqués aux prêts et aux dépôts bancaires (en vigueur depuis 1986); 3) tentatives de la part des fournisseurs d'augmenter le prix annoncé d'un produit ou d'empêcher la réduction de ce dernier, ou encore, tout refus d'approvisionner un client en raison de son régime de bas prix; 4) pratiques discriminatoires à l'endroit des fournisseurs concurrents d'un acheteur moyennant des rabais ou d'autres incitatifs (primes de publicité, etc.) qui ne leur sont pas également proposés ou encore, pratiques de prix abusifs visant à varier sensiblement les prix d'une région à l'autre ou à vendre les produits à des prix abusivement bas en vue de réduire sensiblement la concurrence ou d'éliminer un concurrent; 5) déclarations ou publicités mensongères. D'autres dispositions de la Loi sanctionnent le double étiquetage, la publicité-leurre, et la vente pyramidale ou par dénoyautage.

Organisé en trois formations d'audience et composé de non-spécialistes et de quatre juges de la Cour fédérale du Canada, le nouveau Tribunal de la concurrence, et non les tribunaux, se charge de juger les pratiques civiles sujettes à examen, et ses décisions peuvent faire l'objet d'un appel auprès de la Division d'appel de la Cour fédérale. Les pratiques civiles en question regroupent un ensemble de pratiques commerciales à effet anticoncurrentiel : détermination du prix de la marchandise livrée (en vigueur depuis 1986), refus d'approvisionner, vente par voie de consignation pour contrôler le prix des revendeurs, ventes liées et restriction du marché. À celles-ci s'ajoutent trois nouvelles pratiques clés : fusions, abus de position dominante et accords de spécialisation.

Pour obtenir du Tribunal une ordonnance qui dissout une fusion précédente ou interdit une fusion anticipée, le directeur doit démontrer que, selon toute probabilité, la fusion risque « d'empêcher ou de réduire sensiblement la concurrence ». Les nouvelles dispositions traitant de fusions tant verticales qu'horizontales se substituent au droit criminel précédent jugé totalement inefficace. En effet, de 1910 à 1976, ce dernier ne permet d'engager que très peu de poursuites et de n'obtenir qu'une seule condamnation après reconnaissance de culpabilité. Depuis le 15 juillet 1987, les fusions impliquant de grandes entreprises disposant d'actifs et d'un chiffre d'affaires supérieurs à 400 millions de dollars ou de grandes acquisitions comprenant des actifs ou un chiffre d'affaires excédant 35 millions de dollars doivent se conformer aux exigences d'avis préalable.

Les dispositions concernant l'abus de position dominante remplacent le droit criminel relatif aux monopoles. Jugé inefficace, ce dernier ne permet en effet que très peu de condamnations au terme de 16 procès entre 1910 et 1986. Afin d'obtenir une ordonnance interdisant des comportements anticoncurrentiels, le directeur doit démontrer que la ou les entreprises en question 1) contrôlent le marché complètement ou dans une large mesure, 2) se sont livrées ou se livrent à des « agissements anti-concurrentiels » et que 3) ces agissements ont eu ou ont pour effet ou risquent « d'empêcher ou de réduire sensiblement la concurrence ». Autrement dit, le Tribunal doit déterminer si une pratique commerciale à effet anti-concurrentiel « résulte d'un rendement concurrentiel supérieur ».

Malheureusement, en matière de fusion et d'abus de position dominante, la nouvelle loi ne propose aucune définition des mots ou des phrases clés. En 1986 et 1987, malgré plus de 1300 fusions dont 80 impliquent une valeur transactionnelle supérieure à 100 millions de dollars, durant les 18 premiers mois depuis l'entrée en vigueur de cette loi, deux fusions seulement donnent lieu à une audience devant le Tribunal, et aucune plainte relative à l'abus de position dominante n'est déposée. C'est dire que l'efficacité de cette nouvelle loi n'a pas encore été établie.

Pour favoriser l'efficacité, la Loi sur la concurrence prévoit l'enregistrement des accords de spécialisation auprès du Tribunal de la concurrence. Au nom de ces accords, deux entreprises au moins peuvent abandonner la production de certains biens et services et se les procurer exclusivement auprès d'une partie à l'accord. De la sorte, les entreprises concernées peuvent atteindre un niveau de spécialisation accru et réaliser d'importantes économies grâce à un cycle de production plus long. Ces accords, s'ils respectent la Loi et sont enregistrés auprès d'un tribunal, échappent aux dispositions sur les complots et les accords d'exclusivité.

La nouvelle Loi présente d'autres modifications notables : 1) l'abrogation des dispositions sur les complots en réponse aux interprétations défavorables de la Cour suprême du Canada; 2) la prise en compte des activités commerciales des sociétés de la Couronne et d'État provinciales; 3) l'amende maximale pour complots relatifs à la fixation des prix ou à la répartition des marchés passée de 1 à 10 millions de dollars; 4) l'obligation d'adresser à la cour tout recours aux pouvoirs d'enquêtes officielles (perquisitions, déclarations écrites, interrogation des témoins sous serment) conformément aux dispositions de la Charte canadienne prévue dans la Constitution de 1982.

Entreprise avec le projet de loi C-256 en 1971 et sa modification en 1976, la réforme de la législation sur la concurrence dure plus de deux décennies. En 1977, le gouvernement fédéral dépose les projets de loi C-42 et C-13 sans les faire adopter face notamment à l'opposition des entreprises. En 1984, le projet de loi C-29 franchit la première lecture sans être adopté en raison de la dissolution du Parlement et de la tenue des élections en septembre. En mai 1985, après avoir fait connaître ses propres positions de principe, le gouvernement de Brian Mulroney dépose le projet de loi C-91 en décembre. Six mois plus tard, après quelques modifications, ce projet de loi devient la nouvelle Loi sur la concurrence.