Les conditions sociales liées à la santé, au revenu, à l’éducation, à l’emploi et à l’appartenance communautaire contribuent au bien-être de toutes les personnes. Les conditions sociales des peuples autochtones au Canada (Premières Nations, Métis et Inuits) sont affectées par la rupture forcée avec leurs traditions culturelles, l’inégalité sociale, les préjugés et la discrimination. Les conditions sociales varient considérablement selon certains facteurs tels que le lieu de résidence, le niveau de revenu et le contexte familial et culturel. Bien que l’on constate à présent des améliorations à ce sujet, un écart perdure entre les conditions sociales et économiques des Autochtones et celles des non autochtones au Canada.
Financement des services sociaux
Au Canada, le gouvernement fédéral organise et finance traditionnellement presque tous les programmes et services sociaux à l’intention des peuples autochtones. En vertu de la Loi sur les Indiens, les membres de Premières Nations détenant le statut d’Indien reçoivent du financement fédéral pour les programmes sociaux ayant lieu dans les réserves. Les fonds sont dirigés vers les administrations de bandes des Premières Nations. La Loi sur les Indiens présentait autrefois des dispositions discriminatoires interdisant l’accès aux services sociaux à certaines personnes, surtout les femmes dont le conjoint ne détenait pas le statut d’Indien. (Voir aussi Les femmes et la Loi sur les Indiens.) Les personnes inuites, métisses ou membres d’une Première Nation sans statut d’Indien reçoivent des fonds par l’intermédiaire de Services aux Autochtones Canada, créé en 2017.
Les organisations telles que l’Assemblée des Premières Nations, le Ralliement national des Métis, le Congrès des Peuples autochtones et l’Inuit Tapiriit Kanatami représentent des peuples autochtones à l’échelle nationale, provinciale et territoriale. Disposant souvent de mandats liés à l’amélioration de la condition sociale, elles agissent au nom de leurs membres et défendent leurs intérêts. Plusieurs d’entre elles reçoivent du financement du gouvernement fédéral. Les Centres d’amitié (structures non gouvernementales) offrent aussi divers programmes et services aux personnes autochtones vivant dans des contextes urbains.
Population
En 2016, outre les 1 673 785 personnes (4,9 % de la population canadienne) qui ont déclaré avoir une identité autochtone, 977 203 personnes ont indiqué être membre d’une Première Nation (ayant un statut d’Indien ou non), 587 545 personnes ont déclaré être Métis et 65 025, Inuit. La population autochtone a augmenté de 42,5 % depuis 2006, ce qui représente un taux de croissance quatre fois plus élevé que celui de la population non autochtone.
Au Canada, les Autochtones continuent à habiter principalement des zones urbaines. Selon le recensement de 2016, 867 415 personnes autochtones (soit plus de la moitié au pays) vivaient dans une ville regroupant plus de 30 000 habitants. La même année, les populations autochtones les plus importantes vivaient à Winnipeg (92 810), Edmonton (76 205), Vancouver (61 460) et Toronto (46 315).
Niveaux de revenu et de scolarité
En 2019 au Canada, le taux d’emploi de la population autochtone (57,5 %) était inférieur à celui de la population non autochtone (62,1 %); il s’élevait à 53,8 % chez les membres des Premières Nations, 61,3 % chez les Métis et 49,0 % chez les Inuits. (Voir aussi Autochtones : conditions économiques.)
Le niveau de revenu des personnes autochtones a tendance à être en deçà de la moyenne canadienne. En 2016, le revenu médian après impôt pour les personnes non autochtones était de 31 144 $; celui des personnes s’identifiant comme étant Métisses, Inuites ou membres d’une Première Nation, était de 29 068 $, 23 635 $ et 21 253 $, respectivement.
En 2016, 68,3 % des Autochtones et 70,4 % des non autochtones âgés de 25 à 64 ans détenaient un certificat ou un diplôme d’études postsecondaire. Des recherches contemporaines révèlent que le revenu d’une personne est directement lié à son niveau de scolarité. Les programmes d’éducation à l’intention des peuples autochtones jouent un rôle essentiel dans le rapprochement des salaires gagnés par la population active occupée des Autochtones et celle des non autochtones. (Voir aussi Éducation des Autochtones au Canada.)
Logement et conditions de vie
En 2016, le logement de 19,4 % des personnes autochtones et de 6 % des personnes non autochtones nécessitait d’importantes réparations. Les membres de Premières Nations vivant dans les réserves font face à divers problèmes, dont la moisissure, les infestations d’insectes, le chauffage inadéquat et l’eau contaminée (voir aussi Grassy Narrows).
Le surpeuplement a aussi des répercussions sur les conditions de vie des Autochtones. En 2016, 18,3 % des Autochtones (40,6 % des Inuits et 8,6 % des Métis) et 8,5 % des non autochtones vivaient dans une demeure surpeuplée. Des membres de Premières Nations, 36,8 % habitaient sur une réserve dans un logement surpeuplé, et 18,5 %, ailleurs au Canada.
Santé
Femme autochtone (Doris Tait) appliquant un bandage sur le bras d'une autre femme dans le cadre du Programme de formation des agents de santé communautaire, Coqualeetza, Colombie-Britannique.
En général, la santé des peuples autochtones s’est améliorée au cours des dernières années. Toutefois, elle demeure inférieure à celle de la population globale du pays, présentant notamment une espérance de vie plus courte de 10 à 15 ans et un taux de mortalité infantile deux à quatre fois plus élevé. En outre, la prévalence de la tuberculose dans la population inuite est plus de 290 fois celle de la population non autochtone.
Par rapport à la moyenne nationale, le taux de suicide est cinq à six fois plus élevé chez les jeunes membres de Premières Nations et environ dix fois plus élevé chez les jeunes Inuits. Ces fortes proportions sont attribuables à plusieurs facteurs, dont la dépression due à la séparation sociale, culturelle et générationnelle, l’abus de drogues et de substances et le manque de logement, de nourriture et d’accès aux possibilités. (Voir aussi Suicide chez les Autochtones au Canada.)
L’urbanisation de la population autochtone a augmenté chez elle la prévalence de maladies typiques de la société moderne, comme les troubles cardiovasculaires, le cancer et le diabète de type 2. Les cas de VIH/sida ont aussi augmenté parmi les Autochtones : on comptait 217 nouvelles infections par le VIH en 2014 et 245 en 2016.
Les collectivités autochtones font face à des problèmes d’accès adéquat aux soins de santé, comme le démontre le cas de Jordan River Anderson, un jeune membre de la Nation crie âgé de cinq ans qui est décédé à l’hôpital pendant qu’il attendait de recevoir des soins médicaux à domicile. (Voir aussi Principe de Jordan.)
Insécurité alimentaire
Les ménages autochtones ont davantage tendance à vivre dans l’insécurité alimentaire que les ménages non autochtones. En 2019, tandis que le taux d’insécurité alimentaire national était de 8,4 %, 48 % des ménages de Premières Nations ne disposaient pas d’un revenu suffisant pour couvrir leurs dépenses alimentaires.
Il est plus difficile pour les membres de collectivités éloignées ou nordiques d’accéder à la nourriture et aux moyens de l’acheter. Par exemple, en 2016, 46 % des ménages du Nunavut souffraient de l’insécurité alimentaire. Certains comestibles, comme les fruits, les légumes et le lait, doivent être transportés sur de longues distances. Les prix élevés, l’accès limité et la qualité inférieure des denrées contribuent à l’insécurité alimentaire.
Les activités de récolte traditionnelle (la pêche ainsi que la chasse au phoque, au caribou, au canard, et à la baleine) permettent à certaines collectivités à compenser en partie le manque d’accès à la nourriture. Toutefois, plusieurs collectivités continuent de demander davantage de soutien auprès des gouvernements. (Voir aussi Nourriture traditionnelle au Canada.)
Système de justice pénale
Dans le cadre du système de justice pénale, les Autochtones sont surreprésentés parmi les contrevenants et les détenus, et sous représentés parmi les agents, les officiers, les avocats et les travailleurs auprès des tribunaux. Le taux d’incarcération parmi les peuples autochtones continue d’augmenter. Les adultes autochtones formaient 23,2 % des personnes admises aux services correctionnels fédéraux en 2013 et 27 % en 2016-2017. Les personnes autochtones sont aussi surreprésentées dans les établissements de correction fédéraux : elles constituent 4,9 % de la population canadienne, mais 20 % de la population carcérale au pays. En 2016-2017, les jeunes autochtones représentaient 8 % de la population des adolescents au Canada, mais 46 % des jeunes détenus.
La surreprésentation des peuples autochtones dans le système juridique peut être attribuée à plusieurs facteurs sociaux, notamment : la rupture d’individus avec leur collectivité traditionnelle, les conditions défavorables, la discrimination, l’assimilation culturelle forcée, les répercussions du système de pensionnat indien, la pauvreté, les problèmes liés à l’abus de substances, la victimisation et la perte de l’identité culturelle et spirituelle. (Voir aussi Trouble de stress post-traumatique : Transmission intergénérationnelle du traumatisme.)
En 1999 dans le cadre de l’affaire Gladue, la Cour suprême du Canada a rendu un jugement historique avisant les tribunaux inférieurs qu’ils devront prendre en compte les origines des contrevenants autochtones et passer des jugements en conséquence, conformément à l’alinéa 718.2 (e) du Code criminel. Les peuples autochtones développent de nombreuses initiatives dans le secteur de la justice alternative, dont les cercles de guérison et les cercles de sentence. Toutefois, plusieurs questions se posent encore sur l’injustice et la cruauté auxquelles font face les personnes autochtones dans les prisons modernes.
Dans les années 1970 et 1980, les collectivités autochtones ont commencé à mettre sur pied leurs propres services de police, car les forces policières de l’époque n’avaient pas toujours conscience de leurs différences culturelles et de leurs besoins connexes. Appuyés par des programmes spécialisés, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et d’autres services policiers ont recruté des agents autochtones. En 1991, le gouvernement fédéral a mis en œuvre la Politique sur la police des Premières nations afin de répondre aux besoins des collectivités autochtones. En 2018, les agents s’identifiant comme Autochtones représentaient 62 % du corps policier des Premières Nations, et 4 % de la force policière au Canada.
Enfants et familles
En 2016, 60,1 % des enfants autochtones âgés de moins de quatre ans vivaient dans une famille biparentale, et 34 %, dans une famille monoparentale. Pour les enfants non autochtones, ces proportions se chiffraient à 86,2 % et 13 % respectivement.
Pour ce même intervalle d’âge, les enfants autochtones sont plus susceptibles de vivre avec des grands-parents. En 2016, 11 %, 23 %, et 21 % des enfants métis, inuits et membres de Premières Nations respectivement (âgés de moins de 4 ans) vivaient avec au moins un grand-parent. Dans le cas des enfants non autochtones, ce pourcentage était de 10 %.
Depuis les années 1960, de nombreux enfants autochtones ont été pris en charge par des agences sociales. (Voir aussi Rafle des années soixante.) En 2016, les enfants autochtones représentaient seulement 7 % des enfants au Canada, mais près de la moitié des enfants placés dans une famille d’accueil.
Amélioration de la condition sociale
Bien que l’on constate à présent des améliorations à ce sujet, l’écart entre les conditions sociale et économique des Autochtones et celles des non autochtones au Canada continue de poser des problèmes. Sur le plan social, les principales sources de préoccupation sont le logement, l’emploi, l’éducation, la santé, la justice et le développement familial et culturel. Les collectivités sont nombreuses à mettre en œuvre des stratégies soulignant l’importance de l’histoire et la culture; de l’exercice des pouvoirs, la culture et la spiritualité; des qualités et valeurs uniques; de la relation entre l’autonomie gouvernementale et le développement économique et des économies traditionnelles.