Conservation et aménagement de la faune
La faune comprend les espèces animales non domestiquées. Les spécimens sauvages en captivité en font également partie étant donné leur patrimoine génétique commun avec le peuplement naturel. On entend par conservation et aménagement de la faune la conservation, l'exploitation et l'aménagement des populations d'animaux sauvages ainsi que du territoire nécessaire à leur maintien en vue d'assurer à perpétuité la multiplication des espèces et l'équilibre écologique sans renoncer aux avantages sociaux qu'ils procurent. L'activité humaine est devenue l'un des facteurs clés qui influent sur l'abondance et le bien-être de la faune.Histoire de la conservation et de l'aménagement de la faune
Les premiers explorateurs et colons européens arrivés en Amérique du Nord y trouvent une faune abondante. Reconnue d'emblée pour sa valeur commerciale, cette ressource fait alors l'objet d'une exploitation à grande échelle, à commencer par la PÊCHE et la TRAITE DES FOURRURES. Au fur et à mesure que de nouvelles explorations dévoilent un territoire très vaste et peu peuplé, on tient pour acquis que ses ressources naturelles sont inépuisables et qu'il n'y a donc pas lieu de se préoccuper de CONSERVATION.Faune, poissons et bois d'œuvre, peuvent être exploités à qui mieux mieux à des fins personnelles ou commerciales. Les conséquences de ce comportement abusif deviennent évidentes dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Le WAPITI, qui jadis errait jusqu'aux limites est de l'Ontario, disparaît de cette région vers 1850, à la suite de l'aménagement du territoire et d'une exploitation sauvage. Le GRAND PINGOUIN disparaît au début des années 1800 et le dindon sauvage, en 1902 (voir GIBIER À PLUME). Toutefois, ce n'est qu'après l'extinction de la TOURTE VOYAGEUSE, jadis abondante, que s'amorce une mobilisation suffisante en faveur des lois visant à protéger la faune. En effet, de telles lois sont élaborées, mais seulement dans l'Est du Canada, l'Ouest et le Nord étant encore considérés comme des territoires sans bornes. En conséquence, le wapiti décline rapidement dans les Prairies et, vers 1890, il n'en reste plus que des populations éparses et résiduelles dans ce qui a été jusque-là son habitat occidental. Dans les années 1820, le BISON, dénombré par millions, erre à perte de vue dans les plaines nord-américaines. Cette population reste importante jusqu'à la fin des années 1870, mais on assiste, vers 1885, à sa quasi-extinction.
Cela n'empêche pas les habitants du Canada de s'attacher encore au mythe d'un pays sans frontières et aux ressources fauniques inépuisables, surtout à une époque où les pouvoirs publics et les citoyens se soucient davantage de la prospérité économique, des réseaux ferroviaires transcontinentaux et de la Confédération.
Les amateurs prédisent solennellement dans les années 1880 la disparition de la plupart des grands MAMMIFÈRES d'Amérique du Nord, mais les deux décennies suivantes marquent un tournant décisif dans l'histoire de la faune au Canada. En effet, après la Confédération et la LOI CONSTITUTIONNELLE DE 1867, on lance une initiative en faveur de zones de conservation et de protection de la faune. Le PARC NATIONAL BANFF, le premier parc national au Canada qui, à sa création en 1885, n'a pas la vocation de protéger la faune, en fait l'une de ses importantes fonctions. Cette initiative connaît également d'autres dénouements heureux : le Bison Recovery Park à Wainwright (Alberta) et le PARC NATIONAL WOOD BUFFALO (Alberta et Territoires du Nord-Ouest).
La première réserve ornithologique (voir OISEAUX, SANCTUAIRES ET RÉSERVES) en Amérique du Nord (et peut-être dans l'hémisphère occidental) est créée au lac de la Dernière-Montagne (Saskatchewan) en 1887. Il faut toutefois attendre l'adoption de la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs en 1917 pour que la déclaration qui l'établit soit officiellement reconnue.
La création des parcs et des refuges par les gouvernements fédéral et provinciaux dans des régions stratégiques du pays permet la protection des territoires et des espèces, même si cette approche commune n'est pas sans susciter des querelles et de vives discussions. Dans le golfe du Saint-Laurent, les Rochers-aux-Oiseaux (partie des ÎLES DE LA MADELEINE, le ROCHER PERCÉ et l'ÎLE BONAVENTURE) sont désignés comme refuges côtiers destinés aux oiseaux marins. De nombreux refuges à l'intérieur des terres sont également reconnus. Créés au départ pour empêcher la surexploitation, ces refuges finissent par assurer aussi la protection des habitats naturels.
Entre 1900 et 1960, les programmes de conservation de la faune connaissent un succès considérable. L'interdiction de la chasse commerciale sur de vastes étendues ainsi que des variations climatiques favorables permettent un rétablissement spectaculaire. Le bison n'est plus une espèce menacée d'extinction. Protégée de la chasse, la population de GRUE BLANCHE D'AMÉRIQUE voit ses sites de nidification et ses gîtes d'hivernage sauvegardés. À présent, le CERF de Virginie se multiplie dans des forêts renouvelées et des régions périphériques destinées à l'agriculture. De même, à grand renfort de populations transplantées, le wapiti se rétablit dans les régions montagneuses et des zones localisées des prairies associées aux parcs. À son tour, la population des LOUTRES DE MER se rétablit, ayant évité le pire que représente la surexploitation commerciale. Le CASTOR, remonté des niveaux dangereusement bas jadis, pose actuellement des problèmes là où les populations ne sont pas restreintes. Enfin, grâce aux programmes de conservation de la faune, le BOEUF MUSQUÉ de la toundra nordique, tout comme l'ANTILOPE D'AMÉRIQUE de la prairie herbeuse, présente des signes de rétablissement impressionnants.
Compétence législative en matière de faune
La Constitution du Canada attribue des responsabilités législatives aux provinces et au gouvernement fédéral. La liste provinciale se veut exhaustive, donc si une question ne figure pas sur cette liste, elle relève de la compétence du gouvernement fédéral. Ainsi, le gouvernement fédéral doit gouverner dans l'optique de « la paix, de l'ordre et du bon gouvernement ». Bien que la Loi constitutionnelle de 1867 ne mentionne pas spécifiquement la faune, celle-ci est généralement considérée comme faisant partie du territoire, ce qui relève donc de la compétence législative associée à la « propriété ». La Constitution donne aux provinces le droit de gérer la faune des terres provinciales, sous réserve des exceptions ci-dessous. En vertu du pouvoir résiduel du gouvernement fédéral et des autres domaines de sa compétence, il a le droit de gérer la faune sur les terres fédérales et, entre autres, sur les terres intergouvernementales, c'est-à-dire la faune dont l'habitat s'étend sur plusieurs provinces, territoires ou pays, comme le LOUP ou le GRIZZLY. Les exceptions concernent les lois sur la pêche, les oiseaux migrateurs et l'aménagement de la faune qui ont des effets négatifs sur les droits et les intérêts des Autochtones.La Constitution donne expressément au gouvernement fédéral le droit de légiférer pour gérer la pêche partout au Canada. Toutefois, la jurisprudence réserve aux provinces le droit de formuler des lois sur le gibier et de limiter les droits de pêche. La compétence législative fédérale en matière d'oiseaux migrateurs est établie dans la Convention concernant les oiseaux migrateurs entre le Canada et les États-Unis. Cette convention, ainsi que la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs (modifiée en 1994), protège essentiellement les espèces en imposant des périodes de fermeture et en interdisant de toucher aux nids ou de prendre les œufs sans autorisation légitime.
La LOI CONSTITUTIONNELLE DE 1982« reconnaît et confirme » les droits ancestraux et les droits issus des traités existants au Canada. Ceux-ci concernent notamment la chasse, la pêche et l'exploitation des ressources fauniques. Plusieurs cas confirment que ni les provinces ni le gouvernement fédéral ne peuvent enfreindre ces droits, même au moyen de lois sur l'aménagement de la faune, à moins de consultations particulières acceptables et, le cas échéant, de compromis. Dans beaucoup de cas, les droits ancestraux et issus de traités l'emportent sur les autres dispositions législatives en matière de faune.
Conservation et aménagement de la faune au moyen de lois sur la faune
Au Canada, la gestion de la faune reflète la législation régissant, d'une part, la pêche et les mammifères marins et, d'autre part, les autres espèces sauvages. Conformément à la Loi sur les pêches du Canada, le ministère des Pêches et des Océans doit veiller à la protection et à la gestion de tous les poissons et mammifères marins (phoques, baleines, morses, etc.) des eaux canadiennes. Considérées avant tout comme une ressource économique, ces diverses populations, en particulier le homard, le saumon et les autres espèces, sont assujetties à des saisons de récoltes fixées par la loi et à des quotas qui tiennent compte des programmes de surveillance permanents. Comme les lois antipollution, ces programmes visent à garantir des stocks sains et viables et à favoriser le rendement soutenu de produits de qualité dont dépend l'industrie de la pêche.
En revanche, les gouvernements provinciaux et territoriaux sont responsables de la gestion active des poissons d'eau douce, sous réserve des lois fédérales. Source d'activités récréatives pour la PÊCHE SPORTIVE pour l'essentiel, ces pêches ont aussi une valeur commerciale non négligeable. Par exemple, les Grands Lacs, tout comme les lacs de grande superficie situés dans les régions du Nord et des Prairies, constituent la base d'industries assez importantes, notamment le commerce d'exportation. Des recherches sur les pêches sont entreprises par les gouvernements fédéral et provinciaux avec la collaboration fréquente de diverses universités.
Les oiseaux, les mammifères terrestres, les AMPHIBIENS et les REPTILES constituent entre autres le deuxième groupe important. En matière de conservation, les oiseaux migrateurs relèvent d'un programme inhabituel en ce sens qu'il est géré à la fois par les gouvernements fédéral et provinciaux en vertu de la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs, loi qui permet également la coordination internationale. En ce qui concerne les autres espèces de la faune terrestre, elles sont protégées et gérées principalement par les gouvernements provinciaux et par la Loi sur les espèces sauvages au Canada lorsque ces espèces sont sur des terres fédérales.
Protection de la faune au moyen de lois sur les espèces en péril
Les scientifiques estiment que les plantes et les animaux disparaissent à un rythme de 100 espèces par jour. Compte tenu de cette réalité troublante, les lois évoluent considérablement à la fin des années 1970 en vue de protéger, plutôt que de conserver et d'aménager, la faune au Canada au moyen de lois sur les espèces en péril. Ces lois visent à assurer et à promouvoir la protection et la survie des espèces menacées et en voie de disparition au Canada. Le Manitoba, l'Ontario, le Québec, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick ainsi que Terre-Neuve-et-Labrador appliquent des lois qui leur sont propres en ce qui concerne les espèces en péril. La Loi sur les espèces en péril (2002) du gouvernement fédéral touche les espèces en péril qui relèvent de la compétence fédérale et peut s'appliquer dans les provinces dans certaines circonstances. Habituellement, l'évaluation des espèces est effectuée, notamment, par le COMITÉ SUR LA SITUATION DES ESPÈCES EN PÉRIL AU CANADA (COSEPAC), qui encourage et commande des études sur les ANIMAUX EN VOIE DE DISPARITION, les animaux rares ou les espèces dont l'état est inconnu.
Protection, conservation et aménagement de la faune à l'échelle internationale
Des conventions internationales (comme des traités) et des institutions internationales travaillent également à protéger, à conserver ou à aménager la faune au Canada. Outre la Convention concernant les oiseaux migrateurs, l'Accord sur la conservation des ours blancs (polaires) (1973), la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES, 1973), la Convention de Ramsar (pour la protection des zones humaines et des habitats connexes, entérinée par le Canada en 1981), l'Accord sur la préservation de la harde de caribous de la Porcupine (1987) et la Convention sur la diversité biologique (1992) sont parmi les conventions qui imposent au Canada des obligations quant à la protection et à l'aménagement de la faune. Des institutions internationales, comme le Plan nord-américain de gestion de la sauvagine, un cadre adopté par les États-Unis, le Canada et le Mexique en vue de protéger et d'agrandir l'habitat de la sauvagine, et l'initiative des États-Unis et du Canada visant à garantir la survie de la faune et de l'habitat de façon biologiquement intégrée dans la région allant de Yellowstone au Yukon, contribuent aussi grandement à la protection, à la conservation et à l'aménagement de la faune au Canada.
Organismes non gouvernementaux de conservation et intendance privée
Les organismes non gouvernementaux de conservation et les particuliers jouent un rôle de plus en plus important dans l'aménagement de la faune et l'éducation générale sur la faune. Des organismes publics et sans but lucratif, comme la FÉDÉRATION CANADIENNE DE LA FAUNE, la FÉDÉRATION CANADIENNE DE LA NATURE, CANARDS ILLIMITÉS CANADA, le FONDS MONDIAL POUR LA NATURE CANADA et Conservation de la nature Canada, sur le plan national, et leurs associés provinciaux, de concert avec les organismes fédéraux (p. ex. SERVICE CANADIEN DE LA FAUNE d'Environnement Canada) jouent un rôle clé.
Des relevés de populations sont régulièrement effectués pour une panoplie d'espèces fauniques afin de permettre aux organismes d'aménagement de surveiller les tendances et la distribution des populations. Ces relevés peuvent être réalisés au sol ou à partir d'un aéronef, souvent à l'aide de techniques photographiques. L'exploitation de la faune est surveillée et consignée à des fins de comparaison avec les renseignements sur les autres populations, pour garantir le maintien de populations optimales. Les espèces fauniques moins visibles bravent les techniques de surveillance exactes. Les dénombrements effectués par des organismes de conservation bénévoles fournissent un aperçu du bien-être de ces espèces. Les outils d'intendance, comme les servitudes de conservation, permettent aux propriétaires fonciers privés de protéger la faune et les autres aspects de la BIODIVERSITÉ sur les terres privées.
Conclusion
Le rétablissement de la faune, principalement entre 1920 et 1970, témoigne des préoccupations de la société, qui exige des programmes d'aménagement actif. Force est de constater, toutefois, que les populations sont revenues uniquement dans les habitats qui demeurent propices à leur multiplication. Retrouver des habitats convenant à la reproduction des populations est donc la raison d'être des programmes de conservation. Les animaux ne reviendront pas sur des terres ayant été aménagées à des fins d'exploitation agricole, d'industrialisation et d'urbanisme.
Bien que l'abondance de nombreuses espèces sauvages soit plus importante aujourd'hui que dans les années 1870, le déclin d'un grand nombre d'entre elles se poursuit jusqu'à des niveaux inquiétants, quand elles ne sont pas carrément menacées d'extinction. Dans certains cas, l'assèchement des marais élimine complètement l'habitat de nombreuses espèces, tout comme la POLLUTION des rivières et des estuaires rend ces derniers impropres à la faune. Par ailleurs, dans l'Est du Canada, les PLUIES ACIDES provoquées par les effluents industriels, les automobiles et l'urbanisation continuent de rendre stériles de vastes étendues, y compris les cours d'eau. Parallèlement à cela, les oiseaux aquatiques et les mammifères marins sont de plus en plus menacés par les marées noires et la pollution générale des océans. Autrement dit, les dangers directs liés à l'exploitation sauvage et dévastatrice des ressources maritimes au XIXe siècle sont remplacés par les menaces indirectes, insidieuses et permanentes nées de la dégradation environnementale caractéristique du XXe siècle. Il faut donc prévoir, dans la planification de l'utilisation du territoire et l'AMÉNAGEMENT DE L'ENVIRONNEMENT, une place pour la faune afin de la préserver dans toute sa diversité et son abondance au XXIe siècle.
La faune présente de nombreux avantages pour la société. Avec la végétation et l'ENVIRONNEMENT non biotique, elle est constitutive de « l'équilibre naturel », à savoir un ensemble de processus naturels complexes dont dépend la survie des humains. Un pays débordant de faune est un lieu propice à la vie humaine. Pour beaucoup de Canadiens, la faune est une source directe de nourriture et d'autres produits dérivés. Bien qu'un tel avantage saute aux yeux dans les régions du nord, il n'est pas moins significatif dans le Sud du Canada. Axée sur des stocks qui se renouvellent naturellement, la pêche commerciale, tant dans les eaux côtières que dans les eaux douces, y constitue une industrie importante. De même, forte du plus haut taux de rendement économique permanent comparativement à n'importe quelle autre ressource dans les régions mésopolaréennes, l'INDUSTRIE DE LA FOURRURE issue du piégeage représente une source de revenus directe pour des milliers d'habitants. À condition que leur gestion soit biologiquement rigoureuse, ces chasses pour la fourrure, outre leur rendement économique direct, permettent d'assurer l'équilibre entre les populations et les ressources vivrières, d'éviter la surpopulation et les pertes considérables dues à la famine et aux maladies.
Ingrédient de base dans les loisirs de plein air, la faune fait partie du patrimoine de tous les Canadiens. Elle témoigne de la santé de l'environnement et sert de « baromètre » de son évolution. La faune de tout le Canada appartient de droit à tous les Canadiens. Comme cette jouissance n'est pas simplement consacrée par la loi, mais que les pouvoirs publics ont de plus l'obligation d'y veiller, le souci et la responsabilité d'une conservation et d'une gestion saines de la faune incombent donc à chaque Canadien.
Voir aussi DROITS ANCESTRAUX; MOUVEMENTS ÉCOLOGISTES; TRAITÉS INDIENS.