Cultures, recherches sur les
La recherche sur les cultures a pour objet d'augmenter l'efficacité et le rendement de la production, de la mise en marché et de l'utilisation des CULTURES commerciales. Elle peut comprendre les champs d'étude suivants : la SÉLECTION DES PLANTES, la physiologie végétale et la BIOCHIMIE, la protection et la gestion des cultures, l'étude des modes d'entreposage et de transformation et les analyses de produits. L'importance de la sélection de plantes dans l'adaptation des cultures aux conditions canadiennes est traitée dans un autre article. Parmi les réussites de la recherche, citons le BLÉ MARQUIS, le TRITICALE, le CANOLA et les LENTILLES. Les cultures comprennent les céréales et les PLANTES OLÉAGINEUSES, les CULTURES FOURRAGÈRES, les cultures de spécialités, les LÉGUMES, les FRUITS et les PLANTES ORNEMENTALES.
Physiologie et biochimie végétales
Les physiologistes et les biochimistes des végétaux contribuent à la recherche appliquée et à la recherche fondamentale, dans des conditions soigneusement gérées, dans les laboratoires du CONSEIL NATIONAL DE RECHERCHES DU CANADA (CNR), les STATIONS DE RECHERCHE d'Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC) et les universités. D'importants travaux ont été accomplis dans la culture de tissus, dans la lutte contre les mauvaises herbes, dans les recherches sur les relations hôte-parasite et sur les PESTICIDES.
Protection des cultures
Bien que la concurrence des mauvaises herbes, des insectes, des champignons et des bactéries aient causé de sérieux problèmes dès le début de l'exploitation agricole au Canada, les produits chimiques de lutte contre les mauvaises herbes et les fongicides ne font leur apparition qu'après la Deuxième Guerre mondiale. La plupart des nouveaux pesticides ont été découverts à l'étranger, et la recherche canadienne dans ce domaine s'est surtout attachée à déterminer le meilleur dosage de ces produits, les méthodes d'application les plus efficaces et les moments les plus propices à leur application.
La découverte ou la production de variétés résistantes constitue le moyen privilégié de protéger les plantes contre les maladies et les insectes. D'excellentes recherches dans cette direction ont été effectuées au Canada. Par exemple, les sélectionneurs de plantes ont fourni de nouvelles variétés de blé rouge de printemps résistantes à la rouille noire et des variétés d'avoine résistantes à la rouille de la couronne. Le gène de résistance à la cèphe du blé a été incorporé au blé d'hiver de l'Ouest du Canada.
Dans la lutte contre la rouille noire du blé, la campagne d'éradication de l'épine-vinette, l'autre hôte du parasite, s'est révélée aussi importante que la création de variétés de blé résistantes. De même, la campagne d'éradication du nerprun, l'autre hôte de la rouille de la couronne de l'avoine, a grandement facilité la lutte contre cette maladie. Dans l'Est du Canada, l'arrachage des pommiers sauvages a été la clé de la lutte contre la larve apode de la pomme.
La lutte intégrée contre les insectes nuisibles consiste à utiliser la plus petite quantité possible d'insecticide avec des prédateurs naturels, des pesticides biologiques, des phéromones, des appâts, des pièges, des variétés de cultures résistantes, des plantes transgéniques qui produisent une toxine de « Bacillus thuringiensis » et des méthodes physiques et culturales. De grands progrès ont été accomplis dans tous les secteurs de la gestion des ravageurs (voir INSECTES UTILES).
Gestion des cultures
Lorsqu'on a commencé à pratiquer l'agriculture à grande échelle au Canada, on a cherché à extirper du SOL tous les arbres, toutes les plantes et les moindres touffes indésirables de façon à permettre la monoculture (culture d'une seule sorte de plante). Dans l'Ouest du Canada, la désastreuse perte de couche arable au cours des années de sécheresse et, ailleurs, des pertes similaires survenues dans les terres dénudées durant les années excessivement humides ont incité à recourir à des PRATIQUES AGRICOLES DES SOLS plus rationnelles.
Afin de lutter contre l'érosion éolienne, on laisse de la paille dans ou sur le sol et on évite d'exposer au vent un sol à fines particules (voir SOLS, CONSERVATION DES). Pour perturber le sol le moins possible, des méthodes sans labour ont été mises au point pour de nombreuses cultures. La culture annuelle peut être semée dans du seigle ou du trèfle qui est ensuite éliminé au moyen d'herbicides chimiques avant que la culture annuelle sorte de terre. Le semis direct de nombreuses cultures dans le chaume sur pied gagne en popularité dans l'Ouest canadien.
La pratique d'enherber des vergers de pommiers et de poiriers peu avant qu'ils portent des fruits protège aussi le sol contre le lessivage et empêche le vent de l'emporter. La promotion du chaulage des sols acides de l'Est du Canada est sans doute le facteur qui a le plus contribué à améliorer la gestion des sols canadiens. Une fois l'acidité du sol réduite de façon substantielle, les plantes peuvent utiliser plus efficacement les nutriments ajoutés.
Les cultures soutirent de grandes quantités de nutriments essentiels du sol, particulièrement les trois principaux, soit l'azote, le phosphore et le potassium. Les légumineuses, en association avec la souche bactérienne appropriée (Rhizobium, Bradyrhizobium) fixatrice de l'azote, peuvent fixer en symbiose une partie de leur azote à partir du N2 inerte de l'air. Cependant, les besoins en azote d'autres cultures sont si grands qu'il faut leur en fournir sous forme organique (par exemple de l'engrais vert de légumineuses ou du fumier de bétail) ou sous forme inorganique (par exemple de l'engrais ammoniacal ou de l'engrais nitrique). La plupart des agriculteurs testent la fertilité des sols pour choisir le bon type et la bonne proportion de nutriments qui en optimiseront le rendement.
La rotation culturale a beaucoup d'importance dans la production des cultures annuelles. La production d'une même culture sur le même sol plusieurs années d'affilée amène rapidement les maladies et les insectes qui lui sont propres. Une rotation culturale planifiée réduit considérablement ces problèmes. Les légumineuses non fixatrices d'azote, en particulier, apportent aux cultures de non-légumineuses qui leur succèdent une petite quantité d'azote et un avantage en dehors de l'azote (effet de la rotation) qui augmentent le rendement de la non-légumineuse. Cet effet de la rotation résulte peut-être de la suppression générale des vecteurs de maladies dans la culture suivante.
Si les cultures alimentaires ont de l'importance, les cultures fourragères sont loin d'être négligeables. Les cultures fourragères sont vivaces et comprennent les légumineuses fourragères (comme la luzerne et le trèfle) et les graminées fourragères (le brome et l'agropyre). Les fourrages (foin et herbage) servent d'aliments pour le bétail et sont à la base des industries bovine, ovine, caprine et chevaline. De plus, ils sont indispensables à la conservation des sols et à l'agriculture durable. Comme plantes vivaces, les fourrages protègent le sol contre l'érosion et favorisent la pédogenèse. La recherche a permis de développer les espèces les plus appropriées et le meilleur système de gestion selon les divers environnements et a donc contribué à rendre l'agriculture plus durable.
La recherche dans le domaine des cultures ornementales a donné un large éventail de fleurs annuelles, de fleurs vivaces rustiques hivernales, d'espèces et de variétés de gazons et d'arbustes et d'arbres ornementaux adaptés aux conditions canadiennes. La plupart des plantes cultivées et des fleurs ornementales ont été introduites au Canada, ce qui a nécessité de longues recherches sur le développement de variétés et sur la gestion culturale pour acclimater ces cultures et en faire bénéficier les Canadiens.
Entreposage
Les peuples autochtones stockaient des céréales (par exemple du maïs), des fruits (par exemple des canneberges) et des légumes (haricots, courges, etc.) pour l'hiver. Les colons européens introduisent d'autres fruits (pommes, poires, etc.) et des légumes (pommes de terre, choux, céleris, navets, oignons, carottes, etc.) qui exigent de nouvelles méthodes de stockage à long terme. L'entreposage à l'air ou ventilé était le plus commun. Cette forme est encore utilisée, car, après la moisson automnale, la température nocturne ambiante convient habituellement pour conserver les pommes de terre, les oignons secs, les choux et les carottes mûres.
Les premiers entrepôts sont souterrains, mais, par la suite, on érige la majeure partie du bâtiment au-dessus du sol et on utilise des évents à lames et des ventilateurs commandés automatiquement pour attirer l'air froid extérieur si nécessaire. Quelques entrepôts utilisent de la glace pour refroidir l'air intérieur. Longtemps après l'abandon des glacières, on se servira de la glace pour refroidir les wagons de chemin de fer transportant des denrées périssables. L'entrepôt réfrigéré mécaniquement constitue un progrès notable. Il permet de conserver en bon état de nombreux fruits et légumes, et ce, jusqu'à six mois.
Les fruits et légumes qui ne supportent pas l'entreposage à long terme peuvent être tout de même réfrigérés quelque temps, ce qui prolonge leur période de commercialisation. Les laboratoires de recherche gouvernementaux et universitaires ont remarquablement fait progresser la science de l'entreposage des aliments. Voici les plus récentes améliorations dans ce domaine.
Transformation et produits
La valeur annuelle des produits agricoles bruts obtenus au pays s'élève à environ 20 milliards de dollars. La transformation l'augmente fortement et génère des milliers d'emplois. Les INDUSTRIES DES ALIMENTS ET DES BOISSONS ont innové en créant de nouveaux produits (par exemple de nouvelles céréales en flocons). De plus, les laboratoires de recherche provinciaux de Vineland, en Ontario, et les stations d'AAC à Summerland et à Kentville ont cherché de nouvelles façons de traiter les fruits et les légumes, avec comme objectif principal la réduction des coûts.
Par exemple, le blanchiment à la vapeur, plus bref, mis au point à Kentville pour remplacer le traitement à l'eau chaude, économise l'énergie tout en conservant la teneur en vitamines. Autre exemple, la méthode de la boîte tournante (cuiseur à cylindre) de traitement thermique des conserves de fruits, perfectionnée à Summerland, accélère le traitement, augmente son efficacité et donc préserve la qualité du produit.
Après la Deuxième Guerre mondiale, la venue au pays d'experts viticoles européens et l'importation de cépages hybrides français ont fait progressé l'INDUSTRIE VITICOLE canadienne. Les stations d'AAC à Summerland et à Kentville ont mis à l'essai les nouveaux cépages importés afin de maintenir et d'étendre l'industrie viticole en Colombie-Britannique et en Nouvelle-Écosse.
La recherche gouvernementale aide aussi l'industrie du sucre d'érable (voir ACÉRICULTURE ) en testant dans des usines pilotes l'osmose inverse comme méthode de concentration. Dans l'osmose inverse, un liquide sous pression est retenu par une membrane que les molécules d'eau traverseront, mais pas la molécule à concentrer (par exemple le sucre de la sève d'érable).
La station de recherche d'AAC à Kentville a acquis en France, en 1977, un petite machine qui sert à traiter et à conditionner les aliments dans des sacs souples. Les sacs de plastique multicouches résistent à la chaleur et à la pression pendant la cuisson et aux perforations pendant la manipulation dans le commerce. Les avantages de la transformation des produits alimentaires dans des sacs tiennent aux économies de transport et d'entreposage par rapport aux autres types de contenants, à l'économie d'énergie durant le traitement et à de meilleures propriétés nutritives, de saveur et de texture. Ce nouveau contenant remplacera probablement les boîtes et les bouteilles. Enfin, on étudie l'utilisation des sous-produits de l'industrie agricole comme produits bruts pour fabriquer des protéines unicellulaires qui serviront, au début, d'aliments pour animaux, puis d'aliments pour les humains. La recherche sur les cultures nous assure, à un prix raisonnable, un vaste choix d'aliments les plus sûrs et de la plus haute qualité au monde.
Voir aussi RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENT AGRICOLES.
Entrepôt à chambres froides
Il est constitué de chambres autour desquelles l'air froid circule dans une enveloppe scellée. Ce mode d'entreposage convient particulièrement pour maintenir une grande humidité relative et sert pour stocker des carottes, des choux et des céleris.
Entreposage sous atmosphère contrôlée
Ce système conserve les produits alimentaires dans une atmosphère à teneur en azote, en oxygène et en gaz carbonique nettement différente de celle de l'air. Les premières recherches dans ce domaine ont été effectuées surtout par les laboratoires d'AAC à Kentville, Nouvelle-Écosse, à Ottawa et à Summerland, en Colombie-Britannique, et par ceux du CNR à Ottawa et à l'U. de Guelph. Les producteurs commerciaux et les industries de transformation utilisent couramment cette méthode.
Entreposage sous basse pression
Ce système maintient les produits alimentaires sous vide partiel et dans une atmosphère à teneur en oxygène contrôlée. Il est encore largement expérimental, bien que l'on dispose de prototypes de conteneurs. Des travaux d'avant-garde pour entreposer des fruits et des légumes sous basse pression ont été effectués à l'U. de Guelph.
Entreposage à faible teneur en oxygène
Cette méthode d'entreposage des pommes est la plus efficace depuis l'avènement de l'entreposage sous atmosphère contrôlée. La teneur en oxygène passe de 5 p. 100 à une valeur comprise entre 0,5 p. 100 et 1,5 p. 100, et celle du gaz carbonique diminue elle aussi. Cette nouvelle composition de l'air ralentit le mûrissement et étend la commercialisation jusqu'à plus d'un an après la cueillette, sans grande perte de saveur ni de texture. Les expériences canadiennes sur ce mode d'entreposage ont commencé à Kentville en 1976, à la suite des premiers travaux effectués au Royaume-Uni.
Culture de tissus
La culture de tissus consiste à produire des plantes entières à partir de cellules individuelles, de petits groupes de cellules, d'explants de tissus et de bourgeons apicaux ou axillaires isolés. Comme on peut obtenir de nombreuses plantes nouvelles à partir d'une petite quantité de matière, il est possible de produire des plantes clonées (c'est-à-dire toutes génétiquement identiques) en grand nombre. Des buissons clonaux nains de bleuets et des jeunes plants clonaux de pommiers nains ont été obtenus par culture de tissus à la station de recherche d'AAC de Kentville, en Nouvelle-Écosse.
Des méthodes de propagation in vitro d'un grand nombre de plantes ornementales ont été mises au point à l'U. du Nouveau-Brunswick, à Fredericton, et à l'U. de Guelph. Des raisins et des kiwis ont été multipliés à la station de recherche de Saanichton, en Colombie-Britannique.
En outre, plusieurs laboratoires canadiens effectuent des recherches sur la culture de tissus de conifères, parmi lesquels les laboratoires du Service canadien de foresterie de Fredericton, au Nouveau-Brunswick, et de Chalk River, en Ontario, ainsi que les laboratoires de recherche de l'U. Queen à Kingston et de l'U. de Calgary.
Les techniques de culture de tissus servent aussi dans les études de transformation génétique des plantes et en BIOTECHNOLOGIE végétale pour produire des variétés transgéniques, c'est-à-dire des variétés portant les gènes désirés d'un autre genre. Le canola « Roundup ready » en est un exemple. Il s'agit d'un type de canola qu'on a transformé par l'insertion d'un gène résistant au Roundup (nom de marque de glyphosate), un herbicide qui détruit la plupart des plantes annuelles, sauf celles qui portent ce gène.
La recherche en biochimie végétale s'occupe aussi d'établir et de maintenir les normes de qualité des aliments. Le sélectionneur de plantes travaille en collaboration avec un biochimiste des végétaux pour s'assurer que les nouvelles variétés à rendement plus élevé et résistantes aux maladies respecteront ou même dépasseront les normes de qualité prescrites. Ainsi, on peut garantir que les nouvelles variétés, les nouvelles cultures et les nouveaux produits alimentaires ne nuiront pas à la santé des consommateurs.
Lutte contre les mauvaises herbes
Ce type de recherche est effectué par les écoles d'agriculture de diverses universités, par des fabricants de produits chimiques et par AAC. Les chercheurs se sont penchés, ces derniers temps, sur la lutte intégrée contre les mauvaises herbes, avec des applications d'herbicides réduites et des méthodes de neutralisation des mauvaises herbes pour semis direct (sans travail du sol) dans une production culturale annuelle. Les méthodes intégrées constituent la meilleure façon de minimiser le problème de l'apparition croissante de mauvaises herbes résistantes à divers herbicides. Les chercheurs étudient actuellement le mode d'action de différents herbicides sur le système biochimique des plantes.
Relations hôte-parasite
La recherche canadienne sur les relations entre le blé et les organismes vecteurs de la rouille noire et de la rouille des feuilles commence sérieusement avec la fondation du Dominion Rust Research Laboratory à Winnipeg en 1925. Les chercheurs J.H. CRAIGIE, Margaret NEWTON, Thorvaldur JOHNSON et C.H. GOULDEN, parmi d'autres, y ont apporté une contribution majeure. Le professeur M. Shaw et ses étudiants de l'U. de la Saskatchewan, à Saskatoon, entreprennent en 1950 un programme de recherche très productif sur les aspects physiologiques et biochimiques des végétaux reliés au problème de la rouille du blé. Peu après, F.R. Forsyth, au Winnipeg Rust Research Laboratory, et P.K. Isaac, au département de botanique de l'U. du Manitoba, entament leurs propres études.
La station de recherche de Winnipeg poursuit encore des travaux sur tous les aspects de la prévention et du contrôle de la rouille du blé, de l'orge, de l'avoine, du lin et du tournesol et de la lutte contre les effets dévastateurs de cette maladie. Ces études ont mené à une meilleure compréhension des interactions physiologiques et biochimiques du champignon de la rouille avec le blé. Les études simultanées sur la génétique du blé et des rouilles ont permis aux sélectionneurs de plantes de produire des variétés résistantes à ces maladies, de sorte que, depuis 1952, les épidémies de rouille ont été éliminées.
Une grande partie de la recherche porte sur la génétique du système hôte-pathogène pour de nombreuses maladies des cultures, y compris les effets de certaines races de pathogènes, les effets des gènes majeurs et des gènes mineurs, les conséquences environnementales, le gène de résistance de l'hôte, la relation de virulence hôte-pathogène, la résistance horizontale et la résistance verticale.
Les autres accomplissements dignes de mention comprennent des travaux remarquables sur la physiologie et la biochimie de la lignine (une substance reliée à la cellulose) et sur les algues comestibles, menés respectivement à Ottawa et à Halifax dans les laboratoires du CNR, de même que les travaux novateurs en GÉNIE GÉNÉTIQUE réalisés par O. Gamborg au Prairie Regional Laboratory (aujourd'hui le Plant Biotechnology Institute) du CNR dans les années 60 et 70.