David Takayoshi Suzuki, CC, OBC, généticien, animateur et militant écologique (né le 24 mars 1936 à Vancouver, en Colombie-Britannique). Canadien d’ascendance japonaise, David Suzuki a été interné avec sa famille lors de la Deuxième Guerre mondiale. Il est plus tard devenu l’une des personnalités scientifiques les plus populaires du Canada. Il est surtout connu pour son travail à l’animation de The Nature of Things, l’émission scientifique la plus longue de l’histoire de la télévision et diffusée sur les ondes de la CBC, ainsi pour son militantisme écologique. Il a reçu le prix John Drainie de l’ACTRA pour l’excellence en radio et télédiffusion et un prix Écrans canadiens pour l’ensemble de ses réalisations. Compagnon de l’Ordre du Canada, il a également été nommé à l’Ordre de la Colombie-Britannique et a été intronisé à l’Allée des célébrités du Canada.
Jeunesse
David Suzuki et sa sœur jumelle, Marcia, sont les premiers-nés d’une famille de quatre enfants chapeautée par des parents canadiens japonais de deuxième génération. Le père, Carr Kaoru Suzuki, et la mère, Setsu Nakamura, possèdent une boutique de nettoyage à sec dans le quartier vancouvérois de Marpole. Leur troisième enfant, Geraldine, naît en 1938.
En 1942, alors que le Canada est en guerre contre le Japon, le gouvernement fédéral expulse tous les Canadiens d’origine japonaise de la côte ouest, les déclarant sujets d’un pays ennemi (voir Internement des Canadiens d’origine japonaise; Internement de la population d’origine japonaise au Canada : de l’exil intérieur à la cicatrisation des blessures). Carr Suzuki se porte volontaire pour quitter Vancouver et aider à construire la route transcanadienne, croyant ainsi rassurer les autorités quant à sa loyauté envers le Canada, son pays de naissance. Cet effort, toutefois, est vain : le reste de la famille est déplacé vers un camp d’internement à Slocan, en Colombie-Britannique, et forcé de se départir de la majorité de ses possessions. Le logement d’une pièce qui leur est assigné se trouve dans un hôtel sale et en décrépitude.
C’est à Slocan que le quatrième enfant de la famille, Dawn, naît. Un an après l’incarcération de la famille, une école ouvre ses portes. David Suzuki y entreprend donc sa première année. Il est un élève doué qui a soif d’apprendre. Dans David Suzuki, ma vie, il avoue avoir des souvenirs doux-amers de cette époque. D’un côté, la vallée de Slocan est un véritable « paradis » avec sa faune abondante et ses forêts luxuriantes. De l’autre, il est tourmenté par les autres enfants du camp parce qu’il ne parle pas japonais.
Vers la fin de la guerre en 1945, la famille Suzuki est déplacée dans un autre camp, à Kaslo, en Colombie-Britannique. Après la guerre, les Suzuki sont forcés de quitter la province et s’installent donc à Leamington, en Ontario, où ils deviennent les premières minorités visibles de la petite communauté. En 1950, ils déménagent à London, en Ontario.
Le saviez-vous?
En 1945, le premier ministre William Lyon Mackenzie King émet un décret qui donne deux choix aux Canadiens japonais : aller vivre à l’est des Rocheuses ou être rapatrié au Japon. Les restrictions issues de la Deuxième Guerre mondiale, qui interdisent aux Canadiens japonais de vivre à moins de 160 km de la côte de la Colombie-Britannique, ne sont levées qu’en 1949.
Éducation et début de carrière
Dans son autobiographie, David Suzuki se remémore les préjugés et la discrimination qu’il a vécus à l’école primaire et secondaire en Ontario. Il se souvient aussi d’expériences positives : à London, il se lie d’amitié avec un groupe d’intellos comme lui et est même élu président du conseil étudiant de son école secondaire à sa dernière année. Pendant ces années, la fascination que David Suzuki cultive pour la nature ne fait que s’amplifier :
Ma solitude pendant mes années au secondaire était intense… Mon seul réconfort venait d’un grand marais à environ 10 minutes de vélo de chez moi. Les marécages et terres humides sont des endroits magiques, remplis de mystères et d’une variété incroyable de plantes et d’animaux.
Après le secondaire, David Suzuki fréquente le Amherst College, au Massachusetts, où il obtient un baccalauréat ès arts en biologie en 1958. Il poursuit ses études à l’Université de Chicago et, fort d’un doctorat en zoologie décroché en 1961, devient généticien. Il enseigne à l’Université de l’Alberta de 1962 à 1963 avant de se joindre au corps professoral de l’Université de Colombie-Britannique, où il passe le reste de sa carrière universitaire. En 1969, il gagne la bourse Steacie Memorial remise au meilleur nouveau scientifique canadien. Il se spécialise dans la méiose, la division des cellules vivantes qui en déterminent la nature (entre les cellules reproductives et les autres cellules, par exemple) et dans l’étude des mutations causées par les changements de température.
Carrière médiatique
De 1971 à 1972, la série télévisée Suzuki on Science, produite par la CBC, fait de David Suzuki une personnalité publique. Malgré tout, David Suzuki décide de quitter le projet avant la troisième saison, parce qu’il n’est pas satisfait de la plage horaire et du budget qu’on lui accorde. En plus de l’enseignement universitaire et de ses recherches en génétique, il écrit de nombreux articles portant sur la science et sur la politique scientifique. Ses travaux sur la mouche à fruit lui valent d’ailleurs une reconnaissance internationale. L’année suivante, il devient le premier animateur de l’émission radiophonique Quirks and Quarks, présentée par la CBC. Au cours de la même période, il siège au Conseil des sciences du Canada.
En 1979, David Suzuki quitte le Science Magazine et Quirks and Quarks afin d’assurer l’animation de The Nature of Things, une série télévisée de la CBC composée d’épisodes de 30 minutes et ayant eu une foule d’animateurs différents depuis 1960. Chapeautée par David Suzuki, l’émission commence à présenter des épisodes d’une heure et est renommée The Nature of Things with David Suzuki. Il en est toujours l’animateur aujourd’hui, et l’émission est devenue la plus longue série documentaire jamais produite par la CBC et l’émission scientifique la plus longue de l’histoire de la télévision.
David Suzuki est convaincu que la sensibilisation du public aux sciences contribuera à la mise sur pied de meilleures politiques scientifiques et à une culture plus riche. Cette rare combinaison de charisme et d’habiletés scientifiques fait de lui une figure unique dans le paysage télévisuel du Canada de langue anglaise. Sa populaire émission spéciale, A Planet for the Taking (produite par la CBC en 1985), attire plus de 1,8 million de téléspectateurs par épisode et reçoit la médaille du programme des Nations Unies pour l’environnement.
David Suzuki crée également une foule d’émissions à caractère scientifique auprès de diffuseurs internationaux, notamment avec la British Broadcasting Corporation (BBC) et la Public Broadcasting Service (PBS) pour la série The Secret of Life (1993), et avec le Discovery Channel pour The Brain (1994).
En 2008, David Suzuki et sa plus jeune fille, Sarika, lancent The Suzuki Diaries, une série télévisée de la CBC portant sur les problèmes de durabilité autour du monde. Dans le cadre de l’émission, le duo visite l’Europe pour discuter de l’équilibre fragile entre les besoins humains et la capacité limitée de la planète à y répondre. La deuxième saison, tournée en 2009, s’attarde aux régions côtières du Canada. David et Sarika y rencontrent des scientifiques, des pêcheurs et des leaders provenant des trois côtes canadiennes pour parler de la santé et de la durabilité des rives canadiennes.
Le 23 octobre 2022, David Suzuki, âgé de 86 ans, annonce qu’il mettra fin à son rôle d’animateur de The Nature of Things à la fin de la prochaine saison, qui commencera en janvier 2023 et se terminera au printemps. Il déclare être resté en poste jusqu’à avoir la certitude que l’émission ne serait pas annulée après son départ, et qu’à son avis, il est temps d’y apporter « une contribution plus fraîche et plus imaginative ». « Je déteste utiliser le terme ‘retraite’ », déclare-t-il lors d’une entrevue accordée à Ian Hanomansing, de la CBC. « Je passe simplement à autre chose. » David Suzuki affirme également avoir l’intention de se consacrer davantage à l’activisme environnemental. « Dans l’ensemble, je sens que j’ai échoué, que j’ai fait partie d’un mouvement qui n’a pas atteint ses objectifs », a-t-il dit. « Tout ce que je veux, c’est pouvoir dire à mes petits-enfants que j’ai fait de mon mieux ». Le dernier épisode de l’émission The Nature of Things avec David Suzuki dans le rôle d’animateur est diffusé le 7 avril 2023. Dans cet épisode, il jette un regard rétrospectif sur sa carrière d’animateur et sur l’impact de la série.
Environnementalisme
À plus d’une reprise, la carrière de David Suzuki s’est métamorphosée, de généticien à diffuseur, et de diffuseur à militant écologique. D’aucuns voient l’émission spéciale de la CBC, A Planet for the Taking (1985), comme le moment décisif après lequel son militantisme s’est exacerbé. Dans la série de huit épisodes, David Suzuki voyage aux quatre coins de la planète pour étudier la relation que les humains entretiennent avec la Terre. En 1990, il crée la Fondation David Suzuki, une organisation sans but lucratif qui promeut des solutions aux problèmes environnementaux. Cette initiative fait de lui un des écologistes les plus connus et les plus dynamiques au pays (voir aussi Mouvements écologistes).
En 2014, il lance la tournée Bleu Terre en compagnie d’autres célébrités comme Margaret Atwood, Neil Young, Raine Maida et Emily Haines. La tournée, échelonnée sur 20 événements, traverse le pays et met en lumière le fait que le Canada, contrairement à 110 autres pays, ne reconnaît pas officiellement le droit de vivre dans un environnement sain. La tournée vise à promouvoir l’inclusion de ce droit dans la Charte canadienne des droits et libertés.
Les communiqués de presse de Bleu Terre semblent indiquer qu’il s’agira de la dernière tournée pour David Suzuki. Le ralentissement de sa carrière est en partie dû à son âge avancé, mais peut-être aussi à un sentiment de frustration et d’échec. « Fondamentalement, nous n’avons pas réussi à transformer ces luttes en sensibilisation, à changer le paradigme, » déclare-t-il au magazine Maclean’s en 2013, au sujet des luttes que les écologistes ont menées dans les années 1970 et 1980. « Et là a été l’échec de l’environnementalisme. » Malgré tout, il continue de publier Science Matters, une chronique hebdomadaire sur les questions environnementales, qui paraît sur le site web de la Fondation David Suzuki et dans plusieurs autres ouvrages au pays.
Critiques et controverses
Bien qu’il soit l’un des scientifiques et écologistes les plus célébrés du Canada, David Suzuki s’est attiré l’ire de nombreux critiques qui voient son militantisme comme un frein aux industries et aux emplois canadiens. En 2018, certains chefs d’entreprise, donateurs et membres du corps professoral de l’Université de l’Alberta décrient la décision de l’établissement d’offrir à David Suzuki un doctorat honorifique. Ils s’opposent en effet à l’opinion de Suzuki selon laquelle « l’exploitation des sables bitumineux doit cesser ». La controverse est particulièrement intense parce qu’elle survient en plein débat national sur le projet d’expansion du Trans Mountain pipeline. Même la première ministre de l’Alberta, Rachel Notley, exprime son désaccord quant à la décision de l’université.
Certains critiques accusent également David Suzuki et sa fondation de biais sur le plan scientifique (notamment en ce qui concerne l’aquaculture et les aliments génétiquement modifiés) et d’ignorer l’économie conventionnelle, qu’il a décrite comme « une forme de lésion cérébrale ».
Vie personnelle
De 1958 à 1966, David Suzuki est marié à Setsuko Joane Sunahara, qu’il commence à fréquenter à l’école secondaire. Le couple a deux filles, Tamiko et Laura, et un fils, Troy. Depuis 1972, il est marié à l’écrivaine Tara Cullis, avec qui il a deux filles, Severn et Sarika. Tara Cullis est également présidente et cofondatrice de la Fondation David Suzuki.
Ouvrages
David Suzuki a signé ou cosigné plus de 50 livres. Près de 20 ouvrages s’adressent aux enfants, dont You Are the Earth (1999) et La forêt à saumons (2003). Parmi ses autres livres dignes de mention, on compte deux autobiographies, Metamorphosis: Stages in a Life (1987) et David Suzuki, ma vie (2006), ainsi que The Legacy: An Elder’s Vision for Our Sustainable Future (2010) et Lettres à mes petits-enfants (2015).
Prix et honneurs
David Suzuki a reçu énormément de récompenses au cours de sa vie, dont cinq prix Gemini pour son travail à la télévision canadienne, ainsi que le prix John Drainie de l’ ACTRA en 2002 pour son excellence en radio et en télédiffusion. Il est détenteur de 29 doctorats honorifiques d’universités au Canada, aux États-Unis et en Australie. En 1986, il reçoit le prix de la Banque Royale et le prix Kalinga de l’UNESCO pour sa vulgarisation des sciences. Il est également nommé officier de l’Ordre du Canada en 1976, puis élevé au rang de compagnon en 2005. En 1995, il est fait membre de l’Ordre de la Colombie-Britannique, et il reçoit un prix pour l’ensemble de ses réalisations de l’Université de la Colombie-Britannique en 2000. En 2009, il gagne le Right Livelihood Award (connu comme le « prix Nobel alternatif »), en reconnaissance de son travail et de sa vision pour la planète et sa population. David Suzuki est intronisé à l’Allée des célébrités du Canada en 2017 et reçoit un prix Écrans canadiens pour l’ensemble de ses réalisations en 2020.