Design industriel
Le design industriel, selon la définition du Conseil international des sociétés de design industriel (International Council of Societies of Industrial Design, ICSID), est « une activité de création qui vise à déterminer les propriétés formelles d'objets produits industriellement. Cela comprend les caractéristiques extérieures, mais principalement les relations structurelles et fonctionnelles qui donnent à un objet une unité cohérente, tant du point du vue du fabricant que de l'utilisateur. Le design industriel englobe tous les aspects de l'environnement humain qui sont soumis à la production industrielle ». Bien qu'on l'associe à l'ARCHITECTURE et à l'INGÉNIERIE, le design industriel a une histoire plus courte et n'est apparu qu'au milieu du XIXe siècle. Avant cela, la fabrication d'objets usuels était surtout le résultat d'un effort manuel individuel dans une économie basée sur l'artisanat. C'est la révolution industrielle qui rend possible la production en série de ces mêmes objets. À partir de ce moment, les artistes et les artisans sont exclus des procédés industriels de manufacture. Toutefois, certains expriment rapidement la nécessité d'instaurer un équilibre entre l'art et l'industrie, qui aboutit à ce qu'on appelle maintenant le design industriel.
Le design industriel fait ses premiers pas en Angleterre et en Europe continentale, plus particulièrement en Allemagne et en Scandinavie. En Angleterre, William Morris fonde une école de métiers d'arts en design et en « production » qui se veut anti-industrielle, tandis que Henry Cole prône l'introduction de l'art dans l'industrie. En 1837 est fondée une école normale de design, qui s'appellera ensuite le Royal College of Art. En 1849 paraît pour la première fois le Journal of Design. En 1851, la Grande exposition ouvre ses portes à Londres. En Allemagne, le cheminement est presque semblable. En 1907, des industriels, des hommes d'affaires, des artistes et des architectes se regroupent et forment le Deutscher Werkbund. Leur manifeste proteste contre la laideur de l'architecture actuelle et exige la renaissance d'une éthique artistique, morale et sociale dans l'industrie. Leur philosophie sera éventuellement à l'origine du Bauhaus, école de design qui influencera le développement du design industriel contemporain en Europe et ailleurs. En Scandinavie, particulièrement au Danemark et en Suède, le design industriel adopte une attitude très culturelle et démocratique, en prônant l'utilisation de matériaux naturels et de formes organiques, principalement dans l'ameublement et les articles ménagers. Tous ces objets ont un style homogène, qui prendra le nom de « modernisme scandinave ».
Aux États-Unis, la profession de designer industriel ne suit pas le même chemin que celui de son équivalent européen. Au départ, il s'agissait d'une technique de promotion des ventes, qui ne touche que la présentation du produit et son emballage. À l'origine un phénomène associé à la fin de la Crise des années 30, cette approche est utilisée par des designers américains comme Norman Bel Geddes, Henry Dreyfuss, Raymond Loewy et Walter Dorwin Teague dans la conception d'objets manufacturés, allant des appareils ménagers aux locomotives.
Le design industriel ne s'implante solidement au Canada qu'après 1945 et est la conséquence directe de l'expansion de l'industrie secondaire pendant la guerre. C.D. HOWE, ministre fédéral de la Reconstruction, se montre soucieux de préserver ce potentiel industriel. Il requiert du CONSEIL NATIONAL DE RECHERCHES l'organisation d'une exposition qui fasse état des découvertes industrielles. Organisée par Donald Buchanan, l'exposition visant à montrer que design et compétence technique ne s'excluent pas ouvre ses portes en 1946 lors de la convention annuelle de l'Association des manufacturiers canadiens, puis fait une tournée dans tout le Canada. Buchanan encourage une plus grande diffusion du design industriel, à la fois par l'intermédiaire de la Galerie nationale (voir MUSÉE DES BEAUX-ARTS DU CANADA) et par plusieurs fascicules sur le sujet. En juin 1947, le gouvernement fédéral lui accorde une subvention pour étudier le rôle du design industriel au Canada, et, dans la même année, Buchanan soumet une liste de recommandations. L'une d'elles aboutit à la Loi sur les dessins industriels (1961) et à la création du Conseil national de design. Cette loi et cet organisme ont un impact notoire sur le design au Canada et deviennent un modèle pour de nombreux conseils de design dans d'autres pays. Malheureusement, le Conseil est dissous en 1985. Pendant cette même période, les designers industriels commencent à s'organiser en tant que professionnels. En 1946, ils forment l'Affiliation of Canadian Industrial Designers, qui s'incorpore sous le nom d'Association canadienne des designers industriels, en 1947.
L'enseignement du design industriel au Canada n'est officiellement reconnu qu'à la fin des années 40, lorsque l'ONTARIO COLLEGE OF ART AND DESIGN offre un premier cours en design en 1947. Au Québec, l'Institut des arts appliqués, autrefois l'École du meuble, offre un programme semblable. À la fin des années 60, différents collèges communautaires de l'Ontario offrent aussi des programmes en technologie de design industriel. Les premiers programmes de premier cycle sont instaurés en 1969, l'un à l'U. de Montréal et un autre à l'U. de l'Alberta. D'autres universités suivent, comme l'U. Carleton, l'U. du Québec à Montréal et l'Emily Carr College of Art and Design. Plus tard, les prémiers programmes de deuxième cycle sont instaurés par l'U. de Montréal, l'U. de l'Alberta et l'U. de Calgary.
Plusieurs Canadiens ont laissé leur marque en design industriel au Canada. Jacques Guillon, Julien Hébert, Jan Kuypers et Frank Dudas sont des précurseurs dans la profession. Leur influence se remarque particulièrement dans les domaines du transport (métro de Montréal dans les années 60, LRC de Via Rail dans les années 70), des expositions de design (Expo 67, Expo 70) et de l'ameublement. Dans les années suivantes, l'ameublement de bureau créé par Douglas Ball lui vaut une renommée internationale. Ian Bruce joue un rôle primordial dans la conception du voilier Laser, dont il rend possible la fabrication dans de nombreux pays. De leur côté, John Tyson, Morley Smith, Michel Dallaire, Claude Gidman et Koen de Winter influencent le design de plusieurs objets de la vie courante, comme les téléphones, les motoneiges, les objets de loisirs, les tramways et les appareils ménagers. Thomas Lamb, Keith Muller et André Jarry sont réputés au Canada et à l'étranger comme d'importants designers de mobilier.
Plus récemment, une génération de jeunes designers a fait sa marque. Au Canada, Karim Rashid, Tom Deacon, Richard Brault, Diane Croteau, Jean-François Jacques et Michel Morelli manifestent du leadership et une nouvelle vision en matière de design industriel au Canada. Quelques manufacturiers canadiens, de plus ou moins grande envergure, participent également à une meilleure utilisation et à une meilleure intégration du design industriel dans l'industrie, en particulier Northern Telecom, par l'entremise de sa compagnie soeur Bell Northern Research, Bombardier, Black & Decker, Noma, Danesco, Prevost, Canstar, Teknion Furniture et Umbra. Au Canada, autant l'industrie que le grand public prennent conscience de l'importance du design industriel.