Article

Édition

Édition.
À partir de l'année 1800, date à laquelle fut imprimée la première musique au Canada, et jusqu'à la fin du XXe siècle, les publications musicales ont revêtu trois formes différentes : a) les volumes (collections de musique sacrée, de chansons ou de matériel pédagogique), souvent publiés par des éditeurs d'ouvrages littéraires plutôt que par des éditeurs de musique; b) les journaux et périodiques dont elles constituent habituellement des suppléments spéciaux (voir Périodiques, où ces publications sont précisées); c) les éditions de musique en feuilles détachées ou faisant partie d'albums consacrés à des compositions séparées ou à des compositeurs spécifiques. À Québec comme à Montréal, les dates de publication les plus anciennes que l'on connaisse sont 1800 (voir Graduel romain), le 19 septembre 1831 (avec la chanson « La Parisienne » parue dans le journal La Minerve de Montréal après que l'éditeur Ludger Duvernay eut acheté un jeu de fontes musicales à New York) et 1818 (le 1er août, Frederick Hund annonçait dans le Quebec Mercury la parution de The Berlin Waltz et celle, imminente, d'un recueil de New German Waltzes). Comme on n'a pas retrouvé la trace de ces deux derniers, nous devons dater de 1840 la première partition de musique en feuilles (« Le Dépit amoureux » de Napoléon Aubin et Deux valses de Charles Sauvageau, lithographiées par Aubin à Québec, et « The Merry Bells of England » de J.F. Lehmann, composition typographique de John Lovell à Montréal). En ce qui concerne la musique en feuilles, notons que John Neilson avait commencé à préparer la partition chant et piano de Colas et Colinette de Quesnel, en vue de sa publication prévue en 1809. Il abandonna ce projet, le compositeur étant décédé cette année-là. En 1818, La Gazette de Québec annonçait la vente d'une Marche du chef de musique Alexander Kyle, dédiée au duc de Richmond. Un an plus tard, J.-C. Brauneis fils annonçait une ouverture et une pièce pour piano. Aucun exemplaire de ces oeuvres n'a été retrouvé, mais il se peut que ces compositeurs aient vendu sur demande des copies manuscrites. T.G. Preston fut un autre éditeur de la première heure : en 1821, il signa la gravure et l'impression d'une Selection From the Psalms of David, par George Jenkins (L'Édition musicale au Canada, p. 11, 13). De toute façon, les compositeurs canadiens dépendaient des éditeurs américains, à preuve, la Montreal Bazaar Waltz d'Alexander Duff (New York v. 1830) ou encore « O for a Thousand Tongues to Sing », « tel que le chantent les Amérindiens de la mission du Haut-Canada » (Baltimore v. 1831) : avant 1840, les éditeurs locaux ne disposaient pas de moyens adéquats.

La première partition publiée dans le Haut-Canada (l'Ontario) fut probablement un in-folio imprimé recto verso, « Bugle Sounds », inséré dans A System of Drill for the Militia of Upper Canada, publié en 1830 par Robert Stanton de York (Toronto). Peu après parut le Colonial Harmonist, un recueil de musique religieuse édité et publié par Mark Burnham à Port Hope, en 1832. Dans les années 1850, l'édition de musique en feuilles connut un essor modeste. En 1867, année de la Confédération, quelque 600 oeuvres de compositeurs canadiens et étrangers avaient été publiées. Parmi les éditeurs figuraient William Cunnabell (un des premiers à éditer de la musique en série avec son Psalmody Reformer, mensuel dont la parution commença en 1853 à Halifax), Peiler, Sichel & Co., E.G. Fuller et J.P. Hagarty, tous de Halifax (N.-É.), J. & A. McMillan et G.F. De Vine, de Saint-Jean (N.-B.), J. & O. Crémazie (avant tout des libraires) et Robert Morgan de Québec, Adélard J. Boucher, J.W. Herbert, John Lovell (mieux connu comme éditeur de répertoires) et Henry Prince de Montréal, A. & S. Nordheimer de Toronto et Peter Grossman de Hamilton, Ont. Au XXe siècle, seuls Boucher et Nordheimer restaient éditeurs de musique.

Si les compagnies ont changé, certains aspects de la profession sont demeurés remarquablement stables. En premier lieu, le nombre de titres publiés annuellement s'est maintenu entre 100 et 300, culminant durant les décennies 1890-1920, quand Whaley Royce de Toronto et J.-É. Bélair (LePasse-Temps) de Montréal publièrent les plus gros catalogues. Ensuite, dans la majorité des cas, l'édition a été une activité secondaire du point de vue économique, si on la compare à l'importation et à la vente au détail d'instruments et de musique étrangère. Enfin, le choix de la musique à publier a toujours été lié aux besoins locaux : on ajoutait aux grands classiques de la musique sérieuse et populaire qui constituaient la base de l'édition européenne et américaine, au lieu d'en faire d'autres éditions. (La plupart des éditeurs ont surtout publié des éditions canadiennes de compositions étrangères en vogue.) Une chose qui n'a pas changé depuis plus de 100 ans, c'est la très rapide suprématie de la région de Toronto dans l'édition musicale, grâce à la maison Nordheimer.

Mais de profonds changements allaient bouleverser ce cadre relativement stable. La production de musique en feuilles au XIXe siècle consistait surtout en chansons et en morceaux à jouer sur le piano familial et dans les bals; une proportion plus faible était destinée à être jouée en église, sur des estrades ou par des harmonies. Les titres assuraient la couleur locale (voir Composition topique) et les chants patriotiques étaient très en vogue. Si la plus grande partie de la production répondait aux besoins des amateurs, on pensait rarement aux débutants. Par ailleurs, les éditeurs du XIXe siècle publièrent un bon nombre d'épais volumes consacrés à des oeuvres substantielles, notamment Leo, the Royal Cadet de Telgmann, Torquil de C.A.E. Harriss et Seize Mélodies du comte de Premio-Real, pour ne citer qu'elles.

Par contre, dans la seconde moitié du XXe siècle, la production visa d'abord l'école, l'église, les cours particuliers et, dans une proportion faible mais significative, la salle de concert. Festivals-concours, examens de conservatoires, choeurs, harmonies et orchestres scolaires constituaient l'essentiel de la clientèle. Les anthologies de chansons folkloriques et les éditions de musique pop ont occupé aussi une place importante dans les catalogues de certains éditeurs. Mais en raison des coûts élevés que ne compensait pas la demande locale, et des difficultés des éditeurs canadiens privés de débouchés internationaux, une très faible proportion de la musique classique écrite au Canada fut publiée. Plusieurs maisons d'édition du milieu du XXe siècle étaient toutefois en contact avec l'étranger, telles les succursales ou filiales canadiennes de Boosey & Hawkes, Leeds, Oxford University Press et G. Ricordi. Parmi les sociétés purement canadiennes, BMI Canada (voir SDE Canada), qui avait pris les devants, publia des oeuvres nationales de 1947 à 1969.

Après 1960, musique classique, musique populaire et reproduction musicale connurent des développements qui affectèrent l'édition.

Les firmes ne pouvaient éditer des oeuvres importantes (orchestrales, musique de chambre ou encore opéras), car la plupart, jouées trop rarement, ne permettaient pas de défrayer les coûts d'impression. Quant à la publicité, elle n'était pas bon marché, d'autant qu'à peu près aucun journal ou même périodique spécialisé canadien ne signalait la parution de nouvelles partitions. Le Centre de musique canadienne fut donc créé pour permettre la vente et la libre circulation des partitions et pour gérer la location, aux interprètes, des différentes parties, photocopiées à partir d'un manuscrit suffisamment clair. Des éditeurs continuèrent néanmoins à publier des partitions complètes et des parties instrumentales d'oeuvres classiques, parfois avec l'appui financier du CAC. Mais vu la quantité de musique composée après 1940, seule une entreprise comme le Centre MC pouvait en diffuser la totalité. Aidés financièrement par le gouvernement provincial, plusieurs éditeurs québécois ont pu publier un volume appréciable de musique de concert. Les Éditions Jacques Ostiguy Inc. et Les Éditions Doberman-Yppan furent créées en 1978, Les Éditions Québec-Musique, en 1979 (Doberman-Yppan les acquit vers le milieu des années 1980). Par contre, les filiales canadiennes d'éditeurs étrangers ont dû fermer (le dépt de musique d'OUP en 1973; Ricordi en 1975; Leeds/MCA en 1982) ou restreindre leurs activités (Warner/Chappell; Peer Southern; même Boosey & Hawkes vit surtout de la vente d'instruments). Parmi les sociétés fondées par des Canadiens, Waterloo, Berandol et G.V. Thompson ont réduit le volume de leurs éditions, et Jarman a fermé en 1980. La Bonne Chanson et Algord Music (voir Whaley Royce) font encore de la réédition; Leslie Music Supply, Boddington Music Publishing (voir Canadian Music Sales) et Sharrell (auparavant Empire Music) mènent encore des activités de faible envergure.

Un deuxième progrès, cette fois à l'échelle internationale, toucha la musique populaire : l'enregistrement sonore, devenu le principal moyen de diffusion de cette musique. Jusqu'aux années 1950, avant qu'une chanson populaire ne soit enregistrée, son promoteur (« song plugger ») devait la faire vendre en feuilles et la distribuer gratuitement dans les stations de radio. Maintenant, c'est l'inverse : la chanson est imprimée à la condition que la vente des disques en ait fait un succès. Le rôle de l'éditeur de musique a donc changé. Parallèlement à la maison traditionnelle qui publie de la musique en feuilles et des albums pour les mettre en vente, on trouve maintenant un éditeur de musique qui tire le plus gros de ses revenus de la perception légale des droits d'auteur.

Enfin, les techniques de reproduction et de copie ont causé un autre bouleversement. La photocopie illégale, en particulier dans les écoles et à l'usage des choeurs, a durement frappé les éditeurs traditionnels. Mais la même technologie a rendu possible à la fin des années 1980, grâce aux ordinateurs de table, la notation, l'édition, l'impression et la publication maison. C'est ainsi que plusieurs compositeurs ont créé leurs propres maison d'édition, notamment Michael Conway Baker, Michel-Georges Brégent, Samuel Dolin, Gary Kulesha, Oskar Morawetz, Clermont Pépin, Peter Ware et John Weinzweig. Les Dovehouse Editions (Bryan Gillingham) ont édité et publié une série de recueils de musique du Moyen-Âge et de la Renaissance. La Société pour le patrimoine musical canadien s'est lancée en 1982 dans la réimpression ou l'édition de publications de musique canadienne d'intérêt historique.

Bien que le mélomane tende à s'affranchir de la notation visuelle, il sera encore longtemps nécessaire de publier de la musique imprimée. Il est même douteux que la lecture de partitions devienne une habileté requise des seuls musiciens professionnels, car pour produire un professionnel, une école ou un conservatoire doit en former dix qui éventuellement changeront d'orientation mais auront néanmoins besoin de musique écrite.

L' EMC contient des articles sur les éditeurs énumérés ci-dessous. Plusieurs de ces articles se réfèrent à l'emploi ou non de numéros de cotage (chiffres souvent précédés d'initiales que l'on trouve généralement au bas de chaque page imprimée). Utilisés par l'éditeur à des fins de contrôle interne, ces numéros sont précieux pour le chercheur et le collectionneur soucieux d'établir le volume et la chronologie de la production d'une maison et d'identifier les relations de celle-ci avec des éditeurs étrangers.

Alliance chorale canadienne

Anglo-Canadian Music Company

Archambault Musique

Edwin Ashdown Ltd.

Berandol Music Ltd.

W.H. Billing

La Bonne Chanson

Boosey & Hawkes (Canada) Ltd.

A.J. Boucher

William Briggs

Canadian Music Sales Corporation

Jean Chatillon

Conservatoire national de musique

A. Cox & Co.

J. & O. Crémazie

C.C. De Zouche

W.R. Draper Co. Ltd.

École Vincent-d'Indy

Édition Belgo-Canadienne

Éditions Doberman-Yppan

Éditions Jacques Ostiguy

Éditions Québec-Musique

Angelo Fassio

Galipeau Musique Inc.

Edmond Hardy

Frederick Harris Music Co. Ltd.

Heintzman & Co. Ltd.

J.W. Herbert & Co.

Imrie & Graham

Irving's Canadian Series of Five Cent Music

Jarman Publications Ltd.

Jaymar Music Ltd.

E.C. Kerby Ltd.

Laurent, Laforce & Bourdeau

Arthur Lavigne

Leeds Music (Canada)

Leslie Music Supply

Robert L'Herbier

Robert Morgan

Musgrave

John Neilson

Kornelius Neufeld

A. & S. Nordheimer

Oxford University Press

Le Passe-Temps

Peer-Southern Organization (Canada) Ltd.

Henry Prince

Procure générale de musique Ltée

G. Ricordi & Co. (Canada) Ltd.

Sharrell Music Publishers Ltd.

H.H. Sparks Music Co.

Strange & Co.

I. Suckling & Sons

Gordon V. Thompson Ltd.

Warner/Chappell Music Canada Ltd.

Waterloo Music Co. Ltd.

Western Music Co. Ltd.

Whaley, Royce & Co. Ltd.

Voir aussi Assn canadienne des éditeurs de musique, CAPAC, Chansonniers des écoles, Droit d'auteur, Hymnes, Manuscrits - Cahiers, SDE Canada, Théorie - Manuels.