EGLINTON THEATRE
Conçu en 1935-1936 pour le cinéma par Kaplan & Sprachman, des architectes de Toronto, l'Eglinton Theatre est l'une des versions les plus complètes du style Art déco du milieu des années 1930 au Canada. Généreusement financé pendant la Crise des années 1930, quand les budgets sont serrés, il permet aux architectes d'explorer de nouvelles tendances conceptuelles. Les détails profilés qui rappellent ceux de la période précédente en zigzag de l'Art déco et les caractéristiques tirées de l'interprétation classique « moderne » du style sont encore visibles. Des matériaux synthétiques et des effets d'éclairage nouveaux jouent aussi un rôle significatif dans la conception.
Situé à Forest Hill, un quartier de Toronto accessible à l'aménagement en 1924, l'Eglinton est construit afin de servir d'attraction de banlieue. Le style du théâtre, qui reflète l'engouement pour l'esthétisme des matériaux synthétiques lustrés, les lignes aérodynamiques et les possibilités de l'éclairage en tant qu'élément de la conception, célèbre le siècle de la machine. Beaucoup de ces concepts ont été présentés à l'exposition Century of Progress tenue en 1933-1934 à Chicago, où l'on sait que Sprachman est allé.
L'extérieur de l'Eglinton se caractérise par l'attention accordée à l'enseigne lumineuse en tant que partie intégrante d'une façade de théâtre. Les lettres verticales du nom apparaissent sur une tour ronde, divisée. D'un aspect qui rappelle la sculpture constructiviste, la tour est un assemblage de volumes, de textures et de matériaux contrastés, vitrolite y compris. Surplombant la tour, un pylône futuriste à trois étages est surmonté d'une boule au néon clignotante. Sous une marquise ronde garnie de centaines de lumières mobiles et dont le dessous est couvert d'ampoules électriques, la billetterie extérieure fait face à des panneaux de catalin d'un rouge brillant ornés d'acier inoxydable - un rare témoignage de sa catégorie.
L'intérieur du théâtre est impressionnant par l'usage frappant des néons colorés et des éclairages incandescents indirects placés dans des abat-jour ou des niches qui reflètent aussi la couleur, tous mettant remarquablement en lumière les formes simples et puissantes qui se trouvent sur les murs et le plafond. Un plafond à panneau incliné exprime de façon évidente la fonction mécanique des gaines de conditionnement d'air - qui sont soulignées ici par des tubes au néon encastrés qui diffusent une lumière bleue et rouge. Le profilé est aussi évident dans la rondeur des formes et dans les bandes peintes qui balaient les murs, le plafond et les encoignures. Un modeste effet de zigzag est créé par des lignes brisées qui vont en s'intensifiant sur les lambris des murs de côté et sur l'arc de scène, par exemple. Des colonnes chatoyantes de cubes lumineux au-dessus des sorties donnant sur les couloirs ajoutent un caractère dramatique, tout comme les sept gros tubes à l'hélium qui recouvrent le devant et le dessous de la cabine de projection à l'arrière. Les touches classiques « modernes » incluent les statues représentant des nus féminins placées au-dessus des sorties à l'avant, ainsi que des frises et des pilastres stylisés dans certaines sections.
Les secteurs du vestibule et du foyer sont ceux qui présentent le plus de différences avec l'architecture originelle, bien qu'il reste suffisamment de détails Art déco pour défendre ce thème, de la façade extérieure à l'intérieur de l'auditorium. Dans le vestibule, par exemple, il reste des traces d'un traitement au flexwood, de revêtements de vitrolite noir, de faîtages de chrome, d'un sol de mosaïque décoré d'un motif coloré de carrés et de chevrons, et d'un éclairage au néon rose au-dessus du lambris d'appui en miroir. Dans les secteurs du foyer et du salon, il reste simplement le manteau d'une cheminée dont les angles sont arrondis et qui est surmonté d'un miroir. Des torchères monumentales jettent encore une lumière indirecte sur le plafond.