Elsa Alice Gidlow, poétesse, journaliste, philosophe, humanitaire (née le 29 décembre 1898 à Hull, au Royaume-Uni; décédée le 8 juin 1986 à Mill Valley, en Californie). Elsa Gidlow était une figure emblématique du mouvement LGBTQ2 pendant la première moitié du XXe siècle. Elle a copublié Les Mouches fantastiques (1918‑1920), le premier magazine queer d’Amérique du Nord. Elle a également écrit ce que l’on considère comme le premier recueil de poésie amoureuse ouvertement lesbienne publié en Amérique du Nord, On A Grey Thread (1923). Son autobiographie de 1986 était la première jamais écrite par une auteure ouvertement lesbienne. Elle a également cofondé Druid Heights, une communauté utopique située à l’extérieur de San Francisco.

Enfance et famille
Elsa (peut-être Elsie) Gidlow naît à Hull, dans le Yorkshire, en Angleterre, en 1898. Elle est l’aînée d’une famille de sept enfants. Son père, Samuel A. Gidlow, est commis pour une compagnie ferroviaire. Sa mère, Alice Reichardt, laisse derrière sa famille nombreuse et aimante lorsque son époux trouve du travail au Canada. Son père, dans l’espoir de gagner assez d’argent pour se rendre en Nouvelle-Zélande, perd au jeu les économies de la famille. C’est alors qu’il trouve un emploi de commis au Chemin de fer du Canadien Pacifique et immigre au Canada en 1904.
Elsa, sa mère et ses frères et sœurs le rejoignent à Montréal en 1905, le jour de la fête du Dominion. La famille loue une petite maison avant d’emménager avec une autre famille, partageant leur petit appartement. Huit enfants et quatre adultes partagent une chambre individuelle, une cuisine et une salle de toilette.
La famille d’Elsa déménage ensuite dans une maison inachevée de Tétreaultville (qui fait maintenant partie de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve), une banlieue de l’est de Montréal. Elle serait la seule famille anglophone et protestante de cette banlieue majoritairement francophone et catholique.
Dans sa jeunesse, Elsa a un appétit vorace pour la lecture. Elle réalise également toute jeune que sa sexualité la distingue des autres. Elle sait qu’elle ne trouvera pas sa place dans une société où les femmes sont censées être des épouses et des mères, rien de plus. Tous les soirs, elle lit l’édition du jour du Montreal Star que rapporte son père du travail. Elle est fascinée par les suffragettes qui luttent pour l’égalité entre les sexes, notamment pour le droit de vote.
On ne sait pas si Elsa Gidlow fréquente l’école. Elle est essentiellement autodidacte. Dans son autobiographie, elle mentionne son profond désir d’apprendre dans une école digne de ce nom, et d’avoir la possibilité de se faire plus d’amis.
Début de carrière
À 15 ans, Elsa Gidlow travaille avec son père dans le transport ferroviaire. Pendant la Première Guerre mondiale, elle déniche un emploi de dactylographe à Montréal. Elle commence probablement à travailler tôt parce que trois de ses frères et sœurs souffrent de maladie mentale. C’est à cette époque qu’elle rencontre la femme qui deviendra sa première amoureuse. Le couple se serait rencontré à la bibliothèque autour d’un exemplaire de Vindication of the Rights of Women de Mary Wollstonecraft.
Avant d’entamer sa carrière littéraire, Elsa Gidlow travaille comme secrétaire de langue anglaise au consulat de Serbie, de Croatie et de Slovénie à Montréal. Elle révise également une publication interne intitulée Factory Facts.
Les Mouches fantastiques (1918‑1920)
Elsa Gidlow travaille comme dactylo lorsqu’elle commence à soumettre des vers au Montreal Star. Elle organise également un cercle social par l’entremise des annonces classées du journal. Le groupe s’adresse aux femmes, principalement aux écrivaines et aux artistes. Elle est ensuite recrutée par B.K. Sandwell, le rédacteur en chef du Canadian Bookman.
À cette époque, elle co-édite un magazine de sa propre création intitulé Les Mouches fantastiques. Il s’agit du premier magazine publié au Canada destiné à la communauté LGBTQ2, alors clandestine. Il est néanmoins tourné en dérision par H.P. Lovecraft. Elsa Gidlow défend sa publication en public, et l’échange attire l’attention sur le magazine, quoique négativement.
On a Grey Thread (1923)
En 1920, Elsa Gidlow et Roswell George Mills, coéditeur des Mouches fantastiques, s’installent à Greenwich Village, à New York. Là, Elsa Gidlow commence à travailler au Pearson’s Magazine en tant qu’éditrice de poésie. En 1923, elle publie son premier recueil de poèmes, On a Grey Thread, qui traite de son premier amour et dont la rédaction remonte probablement à l’époque où l’écrivaine vit et travaille à Manhattan. C’est également lorsqu’elle vit à Manhattan qu’elle fait la rencontre et tombe amoureuse de Violet Winifred Leslie Henry‑Anderson, surnommée Tommy. Elles restent ensemble plus d’une décennie.
Vie à San Francisco
Vers 1926, Elsa Gidlow et Tommy déménagent à San Francisco. Elsa Gidlow travaille brièvement comme rédactrice en chef du Pacific Coast Journal of Nursing. Elle vit dans la région de la baie pendant tout le reste de sa vie. À San Francisco, elle se lie d’amitié avec les poètes Robinson Jeffers et Kenneth Rexroth, ainsi qu’avec les journalistes et militantes Phyllis Lyon et Del Martin, le premier couple de lesbiennes légalement marié en Californie. Elsa Gidlow fréquente également Margaret Jessie Chung, la première femme chinoise née aux États-Unis à devenir médecin.
Au début des années 1940, Elsa Gidlow déménage à Fairfax, en Californie. Elle travaille comme rédactrice pigiste et gère sa propre maison d’édition, Druid Heights Books. À cette époque, elle fait l’objet d’une enquête, car on la soupçonne d’être communiste. En fait, elle se considère comme une anarchiste et s’oppose au communisme. Elle est néanmoins contrainte de témoigner devant le House Un-American Activities Committee, la commission sur les activités antiaméricaines.
Au début des années 1950, Elsa Gidlow voit pour la première fois l’endroit où elle souhaite s’établir. Elle nomme la propriété Druid Heights. Elle en fait sa résidence personnelle ainsi qu’un refuge pour les artistes. Diverses personnalités de la contre-culture des années 1950, 1960 et 1970, comme le poète Allen Ginsberg, y séjournent. Elsa Gidlow entretient plus tard une relation à long terme avec Isabel Quallo, qui joue un rôle essentiel dans le développement de la communauté de Druid Heights.
Fin de carrière
En 1962, Elsa Gidlow cofonde la Society for Comparative Philosophy avec le philosophe et écrivain britannique Alan Watts.
En dépit de la grande homophobie déclarée qui sévit pendant la majeure partie du XXe siècle, Elsa Gidlow vit toute sa vie en tant que lesbienne. Malgré les pressions exercées sur elle pour qu’elle se conforme, elle résiste et soutient tout au long de sa vie que sa sexualité n’a rien de honteux. Elle apparaît dans le documentaire Word Is Out: Stories of Some of Our Lives en 1977.
En 1981, Elsa Gidlow reçoit le Lesbian Rights Award décerné par le groupe Southern Californian Women for Understanding. Elle publie son autobiographie en 1986.
Œuvres publiées
- On a Grey Thread (1923)
- California Valley with Girls (1932)
- From Alba Hill (1933)
- Wild Swan Singing (1954)
- Letters from Limbo (1956)
- Moods of Eros (1970)
- Makings for Meditation: A Collection of Parapoems, Reverent and Irreverent (1973)
- Wise Man’s Gold (1974)
- Ask No Man Pardon: The Philosophic Significance of Being Lesbian (1975)
- Sapphic Songs: Seventeen to Seventy (1976)
- Sapphic Songs: Eighteen to Eighty — The Love Poetry of Elsa Gidlow (1982)
- Elsa, I Come with My Songs: The Autobiography of Elsa Gidlow (1986)