Émigration
On entend par « émigration » l'action de quitter sa région ou son pays pour aller s'établir dans un autre pays. Dans les pays démocratiques comme le Canada, où l'émigration n'est soumise à aucune restriction et où les émigrants ne sont pas tenus d'aviser les autorités gouvernementales de leur départ, il est difficile d'évaluer le volume de l'émigration et son incidence sur la croissance et la structure de la population. Toutefois, on a vraiment essayé d'estimer le nombre annuel de départs à l'aide de diverses méthodes indirectes. Bien que les estimations du nombre de départs varient dans une certaine mesure, elles correspondent aux chiffres portant sur le solde migratoire, soit la différence entre l'IMMIGRATION et l'émigration. Au Canada, cette différence est le plus souvent positive, c'est-à-dire qu'il y a plus d'arrivées que de départs. De plus, toutes les estimations coïncident en ce qui a trait aux périodes de solde migratoire négatif.
Pour bien comprendre les tendances de l'émigration, il convient de diviser l'histoire en quatre périodes : 1861-1895, 1896-1913, 1914-1945 et de 1946 à nos jours.
Première période, 1861-1895
Cette période est marquée par un solde migratoire négatif. Pendant ces années, l'économie canadienne est dans un état de crise générale, et l'absence de débouchés entrave la mobilité sociale. Par contre, aux États-Unis, l'expansion économique et la prospérité exercent un attrait puissant sur les nouveaux immigrants déçus du Canada et sur les Canadiens sans emploi.
Deuxième période, 1896-1913
Au cours de cette époque, la société canadienne se présente sous un tout autre aspect. Son économie est florissante, offre une foule d'occasions de promotion économique et sociale et procure à la population un gage de sécurité. L'émigration vers les États-Unis n'est plus la seule façon de gravir les échelons de la société. Elle se poursuit, mais son incidence démographique n'est plus négative, en raison d'un afflux d'immigrants sans précédent. D'ailleurs, les nombres records d'immigrants enregistrés au cours de cette période, soit de 300 000 à 400 000 en 1912-1913, sont encore inégalés.
Troisième période, 1914-1945
En 1914, le début de la Première Guerre mondiale met fin abruptement à la vague d'immigration. Par la suite, l'émigration comme l'immigration connaissent une baisse constante. Comme la crise économique précédente, la Grande dépression des années 30 occasionne plus de départs que d'arrivées. L'immigration atteint son niveau le plus bas, tandis que l'exode vers le Sud se maintient avec constance, ce qui produit encore une fois un solde migratoire négatif.
Quatrième période, de 1946 à nos jours
La quatrième période, qui débute en 1946, est elle aussi caractérisée par une forte immigration. Bien que le niveau d'émigration ait augmenté depuis 1946, avec quelques fluctuation, le solde migratoire positif est un élément clé de la croissance démographique du pays. Pour bien comprendre la composition du flot d'émigrants canadiens vers les États-Unis, il est utile de faire la distinction entre les émigrants selon leur lieu de naissance. En effet, une grande proportion d'entre eux (27 p. 100 dans les années 50, 31 p. 100 dans les années 60 et 35 p. 100 dans les années 70) sont nés à l'étranger et ont immigré au Canada, l'utilisant en fait comme un tremplin vers les États-Unis. Ce pourcentage a diminué dans les années 80, atteignant les 30 p. 100. Si l'on tient compte de la destination de tous les émigrants, le pourcentage des citoyens nés à l'étranger au sein du flux d'émigrants est beaucoup plus considérable, s'élevant à 80 p. 100 pour la période s'étendant de 1851 à 1951. Toutefois, au cours de la quatrième période, il accuse une baisse. De 1961 à 1971, il se situe aux environs de 50 p. 100. Depuis 1971, selon diverses estimations, il se chiffre entre 30 et 60 p. 100.
La plupart des gens qui émigrent au Canada finissent par retourner dans leur pays d'origine. La proportion des retours est la plus élevée chez les natifs des États-Unis (entre 50 et 70 p. 100 de 1950 à 1971) et la plus basse chez les natifs de l'Asie (entre 1 et 17 p. 100). Les données correspondant aux émigrants qui retournent en Grande-Bretagne, en Europe et en Amérique latine sont respectivement de 30 à 40 p. 100, de 19 à 32 p. 100 et de 5 à 12 p. 100. Les valeurs relatives aux émigrants d'Afrique sont trop faibles pour être notées. Depuis 1951, bien que le nombre d'émigrants ait diminué, les diverses estimations indiquent que, entre 1961 et 1971, il y a environ 50 émigrants ou plus par tranche de 100 immigrants; les chiffres correspondants pour la période postérieure à 1971 se situent entre 30 et 60 p. 100.
En chiffres absolus, le nombre annuel de départs du Canada au cours des 95 dernières années varie de 24 100 à autant que 108 900. On observe le plus petit nombre de départs pendant la grande crise, de 1931 à 1941, et le plus grand entre 1911 et 1920. Après 1946, le nombre de départs augmente graduellement, passant de 37 900 à 108 462 en 1967. Par la suite, la tendance est inverse jusqu'en 1990, où ce chiffre atteint 37 587. Cette baisse constante survenue après 1967 pourrait être attribuable à la mise en place, en 1968, d'une nouvelle loi aux États-Unis limitant l'immigration et à la prospérité relative du Canada, entre autres facteurs.
De 1991 à 1995, le nombre de départs du Canada grimpe de 37 587 à une moyenne de plus de 44 000. Cette hausse est tributaire, en partie, de la hausse des niveaux d'immigration et de l'augmentation du nombre d'immigrants canadiens qui retournent dans leur pays d'origine en raison du peu d'intégration sociale, surtout chez les personnes âgées appartenant à des minorités visibles. On pourrait aussi avancer que l'accord de LIBRE-ÉCHANGE entre le Canada et les États-Unis a peut-être entraîné une émigration temporaire vers les États-Unis, surtout chez les professionnels. C'est aussi pendant cette période que Hong Kong a connu un exode de ses habitants vers le Canada à cause de l'incertitude entourant la rétrocession de la colonie britannique à la souveraineté chinoise en 1997. Toutefois, beaucoup de nouveaux immigrants au Canada se trouvent aux prises avec la stagnation économique et des obstacles structurels qui discréditent leurs compétences et ne tiennent pas compte de leur expérience professionnelle. Par conséquent, ils sont réduits au chômage et au sous-emploi. En revanche, à Hong Kong, en raison du manque de main-d'oeuvre, les travailleurs jouissent de la sécurité d'emploi et d'une excellente rémunération. C'est pourquoi bon nombre d'immigrants retournent à Hong Kong pour y travailler, laissant leur famille au Canada.