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Georges Erasmus

Georges Henry Erasmus, O.C., dirigeant déné, activiste, porte-parole (né le 8 août 1948 à Fort Rae dans les Territoires du Nord-Ouest). Georges Erasmus a été l’un des principaux défenseurs de la cause de l’autodétermination des peuples autochtones au Canada. Il a dirigé plusieurs organismes autochtones axés sur les politiques publiques, notamment la Nation dénée et l’Assemblée des Premières Nations. Il a également été coprésident de la Commission royale sur les peuples autochtones.

Georges Erasmus

Jeunesse et éducation

Georges Erasmus est le fils d’une mère Tlicho (Déné) et d’un père Cri- Métis. Sa famille compte 12 enfants et elle vit dans une petite communauté de Tlichos à Fort Rae dans les Territoires du Nord-Ouest. Lorsque Georges Erasmus a un an, sa famille déménage à Yellowknife pour qu’il puisse aller dans une école catholique. Il sort de l’école secondaire dans les années 1960.

Georges Erasmus se lance très tôt dans l’activisme. En 1967, il se porte volontaire auprès de la Compagnie des jeunes Canadiens, un organisme gouvernemental éphémère mis sur pied pour encourager le développement social, économique et communautaire chez les personnes marginalisées. Doté d’un charisme naturel et d’un talent pour prononcer des discours passionnés et enflammés, Georges Erasmus se positionne rapidement politiquement en tant que porte-parole de l’autodétermination des Autochtones. (Voir aussi Autonomie gouvernementale des Autochtones.)

Fraternité des Indiens et Nation dénée

En 1976, à 28 ans, Georges Erasmus est élu président de la Fraternité des Indiens des Territoires du Nord-Ouest. Il occupe ce poste jusqu’en 1983. (Voir aussi Indien.) Connue sous le nom de Nation dénée après 1978, la Fraternité des Indiens est un groupe politique ayant pour but de protéger les intérêts des peuples autochtones (voir aussi Droits des Autochtones). Au cours de la fin des années 1960 dans les Territoires du Nord-Ouest, la Fraternité des Indiens sert de contrepoids pour les organismes gouvernementaux. L’organisme conteste les plans gouvernementaux qui empiètent de plus en plus sur les territoires traditionnels, et qui cherchent à extraire des ressources naturelles qui sont vitales pour l’existence et le mode de vie des Autochtones de la région.

Georges Erasmus parle au nom de la Nation dénée à maintes occasions. Il a lu bien des livres d’auteurs pertinents comme Saul Alinsky, le philosophe allemand Herbert Marcuse et les dirigeants du American Indian Movement aux États-Unis. Le langage expressif et les positions radicales de Georges Erasmus le différencient souvent des autres dirigeants autochtones. En 1976, Shell Canada Limitée rencontre les dirigeants de la Nation dénée pour mener des explorations minières dans les Territoires du Nord-Ouest. Georges Erasmus fait clairement comprendre à la compagnie qu’une réponse violente et une action directe pourraient être envisagées si nécessaire pour l’empêcher de détruire les terres ancestrales dénées. Shell Canada fait marche arrière. Les Dénés et d’autres peuples autochtones continuent de défendre leurs droits sur leurs terres traditionnelles.

Enquête Berger

En 1974, le gouvernement canadien met sur pied l’enquête Berger afin de recueillir des témoignages sur les impacts environnementaux et sociaux d’un projet de gazoduc. Ce pipeline est censé traverser plusieurs communautés autochtones dans la vallée du fleuve Mackenzie, incluant dans la Nation dénée. Par conséquent, la commission d’enquête entend les témoignages de plusieurs dirigeants autochtones, incluant celui de Georges Erasmus.

Le rôle de Georges Erasmus dans le déroulement de l’enquête est un succès, et l’enquête dans son ensemble est considérée comme un modèle de la meilleure manière de recueillir les avis des communautés autochtones avant le commencement de tout grand projet de développement. Grâce à son rôle dans l’enquête, Georges Erasmus s’attire une attention à l’échelle nationale. Son affirmation de la souveraineté autochtone et sa vision de l’identité nationale donnent le ton aux peuples autochtones à l’avenir. En 1978, il déclare :

« Nous avons pleinement le droit, si nous le désirons, d’établir un pays séparé avec un gouvernement complètement indépendant du gouvernement fédéral canadien. Nous avons le droit de restructurer complètement et radicalement les services gouvernementaux, les systèmes gouvernementaux, etc.… C’est ce que nous visons et nous n’avons pas l’intention de céder nos droits à une indépendance totale pour moins que ça. Nous avons obtenu la reconnaissance internationale en tant que nation autochtone qui a droit à l’autodétermination. »


Le rapport de l’enquête Berger, publié en 1977, conclut que l’impact environnemental d’un pipeline posé à travers les environnements délicats du Yukon est trop élevé, et il s’oppose de manière décisive à tout projet de construction dans cette région. Devant ces restrictions, le projet est annulé, ce qui est considéré comme une victoire monumentale tant par les groupes autochtones que par les groupes de protection de l’environnement.

Assemblée des Premières Nations

De plus en plus frustré par l’impasse dans laquelle se trouvent les négociations sur les revendications territoriales entre les membres de la Nation dénée, Georges Erasmus se retire de son poste de dirigeant. Le succès de l’enquête l’a entre-temps propulsé sur la scène nationale. En 1983, il est élu vice-chef pour le Nord de l’Assemblée des Premières Nations (voir aussi Autochtones : organisations et activisme politiques).

En 1985, à 37 ans, Georges Erasmus devient le plus jeune chef national de l’Assemblée des Premières Nations et il établit rapidement ce groupe comme étant la « voix incontestée » des peuples des Premières Nations au Canada. Trois ans plus tard, lors d’un rassemblement à Edmonton, Georges Erasmus prononce un puissant discours qui, selon certains, préfigure divers actes de résistance politique dans les années 1990 au sein des communautés autochtones d’un bout à l’autre du pays, comme la résistance de Kanesatake (crise d’Oka) et la crise d’Ipperwash. Il déclare : « Canada, si vous ne négociez pas avec cette génération de dirigeants pour trouver des solutions pacifiques, nous ne pouvons pas vous promettre que vous aimerez le genre d’actions politiques violentes que nous pouvons presque garantir que la prochaine génération vous fera subir. »


Dirigeant habile, Georges Erasmus parvient à obtenir le soutien de communautés autochtones de la Saskatchewan, de l’Alberta et des provinces de l’Atlantique. Il guide efficacement l’organisme tout au long de la résistance de Kanesatake. Le travail qu’il accomplit dans ces fonctions lui vaut le titre de « onzième premier ministre », un surnom qui reconnaît la force et la portée de son leadership. Il demeure chef de l’Assemblée des Premières Nations jusqu’en 1991.

Commission royale sur les peuples autochtones

Après la résistance de Kanesatake (crise d’Oka), le gouvernement fédéral met sur pied la Commission royale sur les peuples autochtones en 1991. Cette commission est chargée d’évaluer à la fois les relations historiques et contemporaines entre les peuples autochtones et les Canadiens non autochtones. À l’époque, Georges Erasmus vient de terminer son deuxième mandat de trois ans en tant que chef national de l’Assemblée des Premières Nations, et il démissionne. Il est ensuite invité à coprésider la commission avec le juge du Québec René Dussault.

Le rapport de la commission de cinq volumes est publié en 1996, et il contient des recommandations sur la meilleure manière de restructurer les relations entre les Autochtones et les non-autochtones. L’un des premiers résultats de la Commission est une déclaration de réconciliation formulée par le gouvernement fédéral au sujet des abus endémiques subis par les enfants autochtones dans les pensionnats indiens. Le gouvernement offre des excuses officielles à ce sujet en 2008. Un certain nombre d’affaires juridiques et de revendications territoriales importantes sont également réglées entre le gouvernement fédéral et les peuples autochtones, notamment la création du Nunavut en 1999. Toutefois, ce ne sont pas toutes les recommandations qui sont mises en œuvre. Les dirigeants autochtones continuent de plaider en faveur de changements et de réformes politiques.

125e anniversaire de la Confédération du Canada

En 1992, en préparation des célébrations du 125e anniversaire de la Confédération, le gouvernement fédéral invite Georges Erasmus à se joindre à un comité de planification spécial. Ayant à l’esprit toutes ces années d’injustice, de luttes politiques et d’inégalités socioéconomiques, George Erasmus décline l’invitation. Il souligne qu’il reste encore beaucoup plus de travail à faire en ce qui concerne les affaires autochtones que de faire des célébrations (voir aussi Conditions sociales des Autochtones; Autochtones : conditions économiques). Dans un discours passionné qu’il prononce en 1989, George Erasmus souligne les nombreuses façons dont les peuples autochtones ont été maltraités au Canada, et il pose des questions sur l’avenir des relations entre les Autochtones et les Canadiens :

« Qu’allons-nous célébrer? Allons-nous célébrer le fait qu’il a fallu attendre 1959 pour que nous puissions voter dans ce pays? Allons-nous célébrer le fait qu’il a fallu attendre 1968 pour que nous puissions voter au Québec? […] Allons-nous célébrer le fait que nos langues autochtones ne sont pas considérées comme étant suffisamment importantes dans ce pays pour être prises en compte d’une manière légale? […] Je n’aime pas ce qui s’est passé au cours des derniers 500 ans, au cours des derniers 125 ans […] Qu’allons-nous faire des prochaines 500 années? Qu’allons-nous faire des prochaines 10 années? […] Je ne pense pas qu’il y ait même une seule chose à célébrer à moins que nous ne fassions quelque chose de différent. »


Fondation autochtone de guérison

En 1998, Georges Erasmus devient président de la Fondation autochtone de guérison, un organisme de bienfaisance national fondé l’année précédente. Financé par le gouvernement canadien, l’organisme a pour mandat d’aider les personnes affectées par le legs du système des pensionnats indiens. La fondation met sur pied un programme de guérison communautaire qui a pour objet de remédier aux traumatismes intergénérationnels et d’offrir des ressources qui favorisent la durabilité et la réconciliation. La Fondation autochtone de guérison ferme ses portes le 30 septembre 2014.

Premières Nations du Deh Cho

De 2003 à 2015, Georges Erasmus occupe le poste de négociateur en chef pour les Premières Nations du Deh Cho, qui sont impliquées dans des discussions sur les revendications territoriales et l’autonomie gouvernementale depuis le début des années 1990. Georges Erasmus quitte ce poste à l’âge de 67 ans en invoquant des raisons familiales et personnelles.

Publications

Georges Erasmus contribue à de nombreux ouvrages, et il rédige notamment l’introduction du livre Drumbeat  : Anger and Renewal in Indian Country. Publié en 1989, ce livre offre une tribune aux chefs autochtones qui y livrent des anecdotes sur leur vie et leur travail. L’écrivain et cinéaste Larry Krotz interviewe également Georges Erasmus pour un chapitre de son livre Indian Country : Inside Another Canada (1990). La fameuse expression de Georges Erasmus, « We the Dene » (Nous, les Dénés), est citée plusieurs fois par divers auteurs. Le discours dont cette expression est extraite est reproduit dans le livre intitulé Dene Nation : The Colony Within (1977).

Prix et distinctions


Legs

Georges Erasmus est un porte-parole passionné et efficace pour les peuples autochtones du Canada. Ses travaux pour l’enquête Berger, pour la Commission royale sur les peuples autochtones et pour divers organismes autochtones ont fait prendre conscience des problèmes politiques, économiques, sociaux et culturels auxquels font face les communautés autochtones. Ses paroles résonnent encore aujourd’hui et elles sont toujours une source d’inspiration pour de nombreux chefs autochtones.

En savoir plus // Peuples Autochtones

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