Le fort de l'île Sainte-Hélène est un ancien site militaire construit par les Britanniques. Il est situé sur le fleuve Saint-Laurent, face au centre-ville de Montréal.
Cet ouvrage militaire comprend notamment un arsenal, une armurerie, des casernes et une poudrière. À l’origine, cet ensemble fortifié sert d’entrepôt de marchandises militaires. Des bâtiments se trouvent à l’intérieur de l’enceinte fortifiée et d’autres à l’extérieur. Il ne s’agit pas d’un fort classique, mais plutôt d’un site militaire de ravitaillement.
Histoire du site avant la Conquête
L’île est initialement un site naturel fréquenté par les peuples autochtones. Selon des recherches archéologiques, on trouve notamment des traces des Iroquoiens du Saint-Laurent et des Algonquiens. En mai 1611, Samuel de Champlain nomme l’île Saincte Elaine, probablement en l’honneur de son épouse Hélène Boullé.
En 1635, l’île est la propriété de Charles Lauzon, fils de Jean de Lauzon, ce dernier est nommé gouverneur de la Nouvelle-France en 1651. En 1665, elle est rattachée à la seigneurie de Longueuil, fief de Charles Le Moyne, laquelle sera élevée au rang de baronnie en 1700 (le titre de baron existe toujours).
Lors de la Conquête, les Français érigent en toute hâte des fortifications rudimentaires pour faire face à l’avance des Britanniques. Il s’agit d’ouvrages de terre pour leur artillerie ainsi que de retranchements. Ce sont les derniers ouvrages militaires que les Français ont érigés avant leur défaite.
À l’arrivée des armées britanniques, un groupe d’officiers supérieurs propose de mener un dernier combat sur l’île Sainte-Hélène, mais le gouverneur Vaudreuil décide de capituler pour éviter des morts inutiles. L’île et cet épisode historique donnent lieu à la légende selon laquelle le Chevalier de Lévis y aurait brûlé ses drapeaux pour ne pas avoir à les rendre aux Britanniques. En réalité, les troupes françaises brûlent leurs drapeaux là où ils se trouvent tout autour de Montréal. (Voir Capitulation de Montréal, 1760.)
Construction des fortifications permanentes sous le régime britannique
Dès 1807, les Britanniques effectuent leurs premières constructions dont deux postes de vigie sur l’île.
Après la guerre de 1812, les autorités britanniques craignent une autre invasion américaine. En 1818, elles finissent par acheter l’île Sainte-Hélène à William Grant, baron de Longueuil dans le but d’y construire un fort pour renforcer le système de défense militaire des colonies britanniques d’Amérique du Nord. Ce plan s’intègrerait à un important réseau de fortifications le long du fleuve Saint-Laurent et de la rivière Richelieu, des voies d’invasion souvent empruntées par les Américains. Le projet de construction du fort sur l’île Sainte-Hélène vise également à remplacer la vieille citadelle et les installations militaires de Montréal. En effet, l’armée britannique avait déjà entrepris la démolition des anciennes fortifications françaises de Montréal. Cependant, l’île ne se prête pas vraiment à la protection de Montréal. Pour assurer la défense de la colonie, on se tourne plutôt du côté de Québec et des défenses le long du Richelieu. (Voir Lieu historique national des Fortifications-de-Québec.)
L’ensemble fortifié de l’île Sainte-Hélène aura donc pour fonction d’entreposer le matériel militaire et de servir de centre de ravitaillement entre Québec et les Grands Lacs.
Le saviez-vous?
Montréal conserve cette fonction de ravitaillement encore aujourd’hui. En effet, la Garnison Montréal, aussi appelée Garnison Longue-Pointe, située dans l’est de Montréal, sert de dépôt militaire pour les Forces armées canadiennes.
Le duc de Wellington, vainqueur de Napoléon, alors maître général de l’équipement britannique, confie à Elias Walker Durnford, officier et ingénieur militaire, la tâche d’édifier ce dépôt fortifié.
Construit en forme de croissant, le fort est érigé entre 1820 et 1824. Les bâtiments militaires sont construits avec une pierre locale de couleur brun rougeâtre appelée brèche et plus dure que le granit.
L’enceinte fortifiée a une superficie de cinq acres et l’épaisseur des murs est d’environ deux mètres. À l’origine, elle comprend entre autres l’arsenal qui est un dépôt de munitions, une armurerie, des casernes pouvant loger jusqu’à 274 soldats, des entrepôts, des meurtrières et des canons. Une poudrière d’une capacité de 5 000 barils de poudre est installée à l’extérieur de l’enceinte. Des blockhaus ― des postes d’observation en bois de deux étages ― sont également aménagés sur l’île.
Le saviez-vous?
Au milieu du 19e siècle, le Canada craint la menace d’invasions américaines en raison des tensions territoriales avec les États-Unis et les raids des fenians.
Usage militaire du fort après 1867
Après la Confédération, l’armée britannique cède les installations militaires au nouveau gouvernement canadien et quitte l’île en novembre 1870.
Pendant la Deuxième Guerre mondiale, les installations militaires de l’île reçoivent des prisonniers de guerre. Dans les années 1970, lors de la crise d’octobre, l’île Sainte-Hélène, encore en partie propriété du ministère de la Défense nationale est le lieu d’où partiront les membres du Front de libération du Québec vers Cuba en échange de la libération du diplomate britannique James Cross.
Ce n’est qu’en 1992 que le gouvernement fédéral cède la totalité des installations à la Ville de Montréal, mettant fin ainsi aux fonctions militaires de l’île.
Fonctions culturelles et récréatives
Peu après le départ de l’armée britannique en 1870, l’île Sainte-Hélène commence à développer une vocation récréative. En 1874, la moitié de l’île dépourvue d’installations militaires devient le premier parc municipal aménagé par la Ville de Montréal, qui en assure la gestion. L’armée conserve la partie où se trouve l’arsenal pour y effectuer des manœuvres militaires. L’île devient alors un lieu où piqueniquer et faire des sorties en bateau.
Les activités récréotouristiques s'inscrivent dans la continuité du développement urbain de Montréal amorcé dans les années 1930 avec les travaux de l'urbaniste et architecte paysagiste Frederick Gage Todd. En 1930, l’inauguration du pont du Havre (aujourd’hui le pont Jacques-Cartier) favorise l’essor de ces activités.
Après la Deuxième Guerre mondiale, on y développe des activités récréotouristiques pour le grand public. L’île accueille notamment l’Exposition universelle de 1967 qui accompagne l’arrivée du métro de Montréal.
En 1955, David Macdonald Stewart, riche industriel ayant fait fortune dans le tabac, y fonde le Musée militaire de Montréal. En 1965, le musée prend le nom de Musée militaire et maritime, puis Musée de l’Île Sainte-Hélène de 1976 à 1983 et en 1984, Musée David M. Stewart. Au départ, le musée s’installe dans un des blockhaus du fort, puis dans l’arsenal.
En 1957, Jeanine Beaubien fonde le théâtre La Poudrière dans la grande poudrière. Ce petit théâtre a 180 places. On y joue des pièces en français et en anglais, mais aussi dans d’autres langues.
À cette époque, c’est l’âge d’or du théâtre montréalais et d’autres petits théâtres comme Les Saltimbanques. Le théâtre La Poudrière devient un tremplin pour de futurs grands acteurs et actrices au Québec, notamment Pascal Rolin, Louise Turcot, Louise Marleau et Marcel Cabay.
En 1973, La Poudrière ouvre un théâtre de marionnettes pour enfants. Il est fondé par Michel Fréchette. Quelques années plus tard, ce dernier établit le programme de formation en théâtre de marionnettes à l’UQAM ainsi que le Théâtre de l'Avant-Pays. Le théâtre ferme définitivement en 1982 en raison de difficultés financières.
Après avoir fusionné avec le Musée McCord en 2013, le Musée Stewart ferme ses portes en 2021. On cherche désormais une nouvelle vocation aux installations muséales de l’arsenal.