Les Fransaskois sont les francophones qui habitent en Saskatchewan. Les statistiques canadiennes récentes indiquent que le français dans cette province est la langue maternelle de 1,5% de la population (16373 personnes) et la première langue officielle de 1,3% de la population (14440 personnes) (voir Langue française au Canada).
Histoire
Entre 1752 et 1755, les membres de l’équipage de Louis de La Corne explorent la vallée de la Carrot River (dans le centre-est de la Saskatchewan d’aujourd’hui), peuplée d’Assiniboines, de Pieds-Noirs (Siksika) et de Cris. Là, ils construisent le Fort Saint-Louis (renommé Fort à la Corne ultérieurement), à la fourche des rivières Saskatchewan Nord et Saskatchewan Sud. Le poste marque l’extrémité ouest des fortifications françaises dans le Nord-Ouest.
Après la cession de la Nouvelle-France à la Grande-Bretagne, la Compagnie de la Baie d’Hudson et la Compagnie du Nord-Ouest s’y livrent une concurrence dans la traite des fourrures par l’intermédiaire de leurs voyageurs canadiens-français. À partir de 1818, l’Église catholique y envoie également ses missionnaires, comme Alexandre-Antonin Taché et Louis-François Richer Laflèche, pour servir la population métisse de la vallée de la rivière Qu’Appelle (voir Fort Qu’Appelle) et de la rivière Churchill. Les liaisons des voyageurs avec des femmes autochtones entre 1840 et 1880 mènent à l’émergence de localités métisses, dont Île-à-la-Crosse, Hart-Rouge (renommé plus tard Talle-de-Saules, puis Willow Bunch), Saint-Laurent-de-Grandin et Batoche.
Les Métis souhaitent préserver leur mode de vie semi-migratoire, mais l’échec de la seconde rébellion de Louis Riel à Batoche en 1885 tue ce rêve. La forte émigration anglo-protestante dans les Prairies fait fondre la majorité francophone de 85% (1870) à 17% (1885) dans le Manitoba voisin et apporte un courant anticatholique et antifrançais. Les villages métis à l’ouest du Manitoba, eux, font partie des Territoires du Nord-Ouest (TNO), administration qui reconnaît le français comme égal à l’anglais dans ses tribunaux et sa législature.
Mais si les TNO permettent initialement le financement d’écoles séparées (catholiques), ils proclament en 1892 que l’anglais est désormais la langue exclusive de la législature, des tribunaux, puis des écoles, où l’enseignement en français est restreint à une heure par jour dès la troisième année.
Ce climat d’intolérance fait que peu de Canadiens français répondent à l’appel du clergé à migrer dans les Prairies, sans compter la grande distance qui les sépareraient du Québec. Dès 1890, l’abbé Albert-Marie Royer demande donc à ses frères en Europe de recruter des agriculteurs français, jurassiens et wallons, qui vont compter parmi les fondateurs de Gravelbourg (1906), de Ponteix (1908) puis de quelques dizaines d’autres paroisses et d’écoles.
L’enseignement en français
Des francophones se trouvent aussi à Prince Albert et à Saskatoon pour y exercer des professions libérales. Lorsque la Saskatchewan devient une province en 1905, les francophones représentent 6% de la population. L’arrivée au Canada de 3 millions d’immigrants entre 1896 et 1911 intensifie l’ardeur des politiciens à accélérer l’intégration des minorités (voir Immigration au Canada.) En 1918, l’État saskatchewanais restreint l’utilisation du français à la première année du primaire, puis l’interdit entièrement en 1931.
Les migrants francophones ne restent pas passifs vis-à-vis de ces affronts. Venu de Charente-Maritime en 1904, Raymond Denis compte parmi les fondateurs du journal Le Patriote de l’Ouest (1910), ainsi que de l’Association catholique franco-canadienne de la Saskatchewan (ACFC, 1912) (voir Journaux.) On utilise le vocable «franco-canadien» à cause de la diversité de la population francophone. Pour Raymond Denis, «l’influence de l’école est toute-puissante» et «la langue est en même temps la plus sûre gardienne de notre foi religieuse». L’homme veille à l’établissement du Programme provincial d’enseignement du français, du Programme de visiteurs des écoles et du Concours provincial de français. L’Association des commissaires d’école franco-canadiens (1918) agit comme un ministère de l’éducation parallèle, semi-clandestin, tandis que le Collège catholique de Gravelbourg (1918), surnommé le «Collège Mathieu», souhaite former une élite locale.
Suivant la fusion des districts scolaires ruraux, la fermeture de plusieurs collèges catholiques privés et le retrait du clergé canadien-français de ces établissements, entre 1940 et 1960, les Franco-Canadiens de la Saskatchewan perdent des lieux où ils exerçaient un pouvoir. Toutefois, après l’introduction par l’État fédéral du Programme des langues officielles en enseignement, qui dédommage les provinces d'environ 10% du coût de l'enseignement offert en français (octroi représentatif du coût additionnel approximatif), la Saskatchewan autorise, à partir de 1971, la formation primaire et secondaire en français (voir Loi sur les langues officielles (1969)).
Or, le régime d’éducation de langue française en province demeure incomplet. L’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés (1982) oblige la province à accélérer la cadence. L’arrêt Mahé (1990) et le Renvoi relatif à la Loi sur les écoles publiques du Manitoba (1993) obligent la Saskatchewan à fournir une éducation primaire et secondaire de langue française là où le nombre d’ayants droit le justifie; elle doit aussi prévoir des mécanismes de gestion et de contrôle pour les parents fransaskois.
Les huit petites divisions scolaires formées en 1995 sont rassemblées en 1999 pour en former une seule nommée Conseil scolaire fransaskois (CSF). En 2017-2018, le CSF gouverne 1672 élèves inscrits dans 12écoles primaires et 2écoles secondaires de langue française.
Politique
En 1988, la Cour suprême du Canada donne raison au père André Mercure, qui s’était battu pour faire reconnaître le français en cour, et contraint l’État saskatchewanais à se doter d’une politique linguistique. La Loi linguistique de la Saskatchewan, proclamée la même année, permet seulement aux Fransaskois d’avoir accès à un procès en français et oblige la province à publier ses lois dans les deux langues officielles. En 2003, la Saskatchewan adopte une politique de services en français.
En 1999, l’Association culturelle franco-canadienne de la Saskatchewan (originellement l’Association catholique franco-canadienne) devient l’Assemblée communautaire fransaskoise (ACF), qui adopte le modèle d’une démocratie représentative interne.
Drapeau fransaskois. Photo: Wikimedia Commons.
Culture
En plus du Patriote de l’Ouest, qui deviendra L’Eau vive en 1971, deux stations de radio s’ajoutent au réseau culturel fransaskois en 1952: CFRG à Gravelbourg et CFNS à Saskatoon. Radio-Canada achète ces stations en 1973 et diffuse son signal télévision de langue française trois ans plus tard.
Fondé en 1974, le Conseil culturel fransaskois regroupe les centres culturels francophones et répand le vocable «fransaskois» pour remplacer les expressions «canadien-français» et «franco-canadien», considérées comme démodées. La manifestation culturelle «On s’garroche à Batoche» (1978) a toujours lieu aujourd’hui sous le nom de Festival fransaskois. En 1979, la collectivité développe un drapeau fransaskois: un fond jaune pour rappeler les Prairies, une croix verte pour évoquer la forêt boréale et le rôle de l’Église dans la colonisation, et une fleur de lys rouge comme symbole de la lutte de Louis Riel pour un gouvernement pour les Métis et les francophones.
Les artistes musicaux Hart Rouge, Carmen Campagne, Anique Granger et Ponteix sont Fransaskois, tout comme l’ancienne gouverneure générale Jeanne Sauvé et le sociologue Raymond Breton.
Changement démographique
La francité fransaskoise a toujours été multiculturelle. Avec l’immigration francophone, elle continue de l’être.
Les Fransaskois diminuent par rapport à la population provinciale (2% en 2006, 1,5% en 2016) et subissent un taux élevé d’assimilation (74%). En 2016, 14 440 ont le français comme langue maternelle, et celle-ci est toujours comprise. De ce contingent, 56% sont nés en Saskatchewan, 29% proviennent d’une autre province canadienne et 16% viennent de l’étranger (57% de l’Afrique, 22% de l’Europe, 18% de l’Asie et 6% des Amériques).
Trois Fransaskois sur quatre habitent Saskatoon, Regina ou Prince Albert et une forte proportion se trouve aussi à Gravelbourg, Albertville, Duck Lake, Zenon Park, Bellegrade, St.Isidore-de-Bellevue et Willow Bunch.