Article

Les francophones du territoire du Yukon (Franco-Yukonnais)

Près de 10 000 des prospecteurs qui arrivent au Yukon entre 1897 et 1899 sont des Canadiens français. Ils viennent de multiples villages et villes du Québec, parfois même de l’Acadie et des Prairies. L’expansion des services fédéraux et l’élargissement des obligations linguistiques de l’État fédéral après l’adoption de la Loi sur les langues officielles (1969) amènent des Canadiens français à s’établir à Whitehorse. Ces derniers se regroupent en 1979 et fondent en 1982 l’Association franco-yukonnaise (AFY). Une variété d’associations et d’institutions, notamment l’École Émilie-Tremblay de Whitehorse, sont constituées entre les années 1980 et 2000. Les paysages et la culture du Yukon attirent les francophones. Selon le recensement de 2021, 5 745 personnes au Yukon (14,4 % de la population) pouvaient parler en français.


Histoire

Le commerçant de fourrures Laurent Leroux établit en 1786 des postes de traite sur le Grand lac des Esclaves pour la Gregory, MacLeod and Company, concurrente de la Compagnie du Nord-Ouest à laquelle elle sera intégrée l’année suivante. Plusieurs décennies plus tard, en 1840, sa concurrente, la Compagnie de la Baie d’Hudson (CBH), envoie l’explorateur Robert Campbell avec des guides canadiens-français afin de nouer des relations commerciales dans l’actuel Yukon. En fondant Fort Reliance, un comptoir commercial en aval de la rivière Klondike en 1874, le voyageur François-Xavier Mercier cherche à briser le monopole détenu par la CBH; Mercier convainc aussi les Oblats de Marie-Immaculée d’envoyer de premiers missionnaires au Yukon.

C’est pendant la décennie 1860 qu’on découvre de premiers gisements aurifères au Yukon. À la fin du 19e siècle, les francophones sont majoritaires aux postes de Dawson City et de Mayo. À partir de 1897, les découvertes de grosses pépites d’or déclenchent la « ruée vers l’or» de 1898, qui incite 100 000 prospecteurs à tenter leur chance pour s’enrichir (voir aussi Ruée vers l’or du Klondike). La même année, le gouvernement fédéral reconnaît la nécessité d’assurer une administration locale et crée le territoire du Yukon. Parmi les prospecteurs qui arrivent entre 1897 et 1899, près de 10 000 sont des Canadiens français venus du Québec, de l’Acadie et des Prairies. Ce sont en majorité des hommes, mais certaines femmes, entre autres Émilie Tremblay, contribuent également à édifier les villes-champignons.

20e siècle

On connaît peu de choses sur les Canadiens français présents au Yukon pendant la première moitié du 20e siècle. Le déplacement de la capitale territoriale de Dawson vers Whitehorse en 1953, l’expansion des services fédéraux et l’élargissement des obligations linguistiques de l’État fédéral après l’adoption de la Loi sur les langues officielles (1969) amènent des Canadiens français à s’établir Whitehorse. Ces derniers se regroupent en 1979 et fondent en 1982 l’Association franco-yukonnaise (AFY), grâce aux subventions du Secrétariat d’État (fédéral). L’AFY organise des activités de réseautage et des manifestations culturelles; en 1983, elle fonde un journal bimensuel, L’Aurore boréale, afin d’éveiller et de nourrir une conscience collective. L’AFY obtient dès 1985 une émission quotidienne sur les ondes de CBC Yukon et une pleine antenne de la chaine française de Radio-Canada en 1991.

Le drapeau a cinq bandes diagonales. Allant de la gauche vers la droite, les bandes sont de couleur bleue, blanche, jeune, blanche et bleue.

Drapeau franco-yukonnais

Les francophones du Yukon se dotent d’un drapeau en 1986 (voir aussi Drapeau franco-ontarien). Il est composé d’un champ bleu, symbole de la culture française, et de trois bandes diagonales représentant les montagnes; les deux bandes blanches symbolisent l’hiver, et la bande dorée rappelle la ruée vers l’or comme moment fondateur de la communauté et le cheminement des Franco-Yukonnais sur le territoire.

Le vocable « franco-yukonnais » définit la communauté, mais les attaches québécoises ou francophones demeurent plus importantes que l’identité franco-yukonnaise émergente. Pour forger et ancrer une mémoire commune, on évoque alors les prospecteurs canadiens-français venus au Klondike à la fin du siècle dernier et on mobilise ainsi les francophones envers les revendications politiques des militants. Lorsque Daniel Saint-Jean conteste la contravention unilingue anglaise qu’un agent de la Gendarmerie royale canadienne lui donne en 1984, l’AFY presse l’État fédéral de remplir ses obligations linguistiques dans le Nord-Ouest. En 1988, Ottawa signe la première entente Canada-Yukon qui mène à l’adoption de la Loi sur les langues du Yukon et à l’inauguration du Bureau des services en français.

Institutions d’enseignement

En 1984, l’AFY n’obtient que deux classes de langue française, enseignant de la première à la sixième année. Elle est ouverte pour une trentaine d’élèves à Whitehorse. Or, le Yukon comprend au moins 215 enfants « ayants droit », d’où l’importance d’élargir les services éducatifs en français. Dans l’arrêt Mahé (1990), la Cour suprême du Canada contraint les provinces et territoires à constituer des administrations scolaires et des édifices autonomes là où le nombre d’enfants le justifie. Les classes de langue française auront donc leur propre bâtiment en 1992, ce sera l’école Émilie-Tremblay. Le Renvoi relatif à la Loi sur les écoles du Manitoba (1993) accorde aux francophones leurs propres mécanismes de gestion; la Commission scolaire francophone du Yukon (CSFY) sera ainsi créée en 1996.

Entre-temps émergent plusieurs associations francophones vouées à la représentation des femmes (1995), à l’animation de la jeunesse (1995), à l’éducation des adultes (1996), au rassemblement des émigrants français (2002) et à l’intégration des autres nouveaux arrivants francophones (2005).

Critères d'admission

En 2009, le gouvernement du Yukon avise la CSFY qu’il souhaite contrôler l’admissibilité des nouveaux élèves. La CSFY visait à recruter des élèves des familles n’ayant pas le droit acquis de recevoir une éducation en français. (Voir Article 23 et éducation francophone hors Québec.)

Suite à des années de litiges devant les tribunaux et un jugement de la Cour suprême du Canada en 2015, le gouvernement du Yukon et la CSFY finissent par s’entendre en 2016. La CSFY pourra gérer ses propres admissions et notamment accueillir les enfants de familles immigrantes ainsi que ceux avec des ancêtres ayant le français comme langue maternelle. La CSFY convient qu’elle tiendra le gouvernement au courant de l’évolution de ses critères d’admission et des inscriptions.

En 2017 à 2018, la CSFY compte trois écoles de langue française et 297 élèves inscrits de la maternelle à la 12e année.

Population

Les paysages et la culture du Yukon attirent les francophones. Entre 1991 et 2021, le nombre de personnes pouvant parler en français passe de 2 595 à 5 745, soit de 9,4 % à 14,4 % de la population yukonaise. Le français gagne également en importance chez les anglophones : entre 2004 et 2018, les inscriptions en immersion française doublent pour atteindre 765 élèves. En 2021, avec 14,2 % de la population apte à parler l’anglais et le français, le Yukon se classe au 3e rang relativement à son taux de bilinguisme après le Québec (46,4 %) et le Nouveau-Brunswick (34 %).

La population francophone est principalement urbaine : 77 % vivent à Whitehorse.

Journée de la francophonie yukonnaise

Depuis 2007, le 15 mai est désigné Journée de la francophonie yukonnaise que l’on célèbre par des festivités.

;

Lecture supplémentaire