Gabrielle Roy, C.C., auteure (née le 22 mars 1909 à Saint-Boniface, Manitoba.; décédée 13 juillet 1983 à Québec, Québec). Membre de la Société royale du Canada depuis 1947, Gabrielle Roy a reçu les plus hautes distinctions littéraires, dont le prix du Gouverneur Général (1947, 1957, 1978), le prix Duvernay (1956), le prix David (1971) et a été faite Compagnon de l'Ordre du Canada (1967).
Jeunesse et formation
Petite fille de pionniers québécois, elle est la benjamine d'une famille de onze enfants. Selon des témoins encore vivants, elle se met très tôt à l’écriture sous l'influence de son père, un agent de colonisation, de sa mère et de sa soeur Marie-Anna qui lui transmettent leur don de conteurs. En dépit d'une enfance marquée par une santé fragile, les difficultés pécuniaires de sa famille et l'injuste loi Thornton de 1916 qui abolit l'enseignement du français dans les écoles (voir Question des écoles du Manitoba) elle fait de brillantes études à l'Académie Saint-Joseph et au Winnipeg Normal Institute, puis embrasse la carrière d'institutrice.
De 1929 à 1937, ses expériences d'enseignement dans les villages manitobains, à la Poule d'Eau et à Saint-Boniface l'ouvrent aux immenses paysages de l'Ouest et à la mosaïque des ethnies qui nourriront généreusement son oeuvre.
Mais partagée entre la littérature et le théâtre – qu'elle pratique au sein du Cercle Molière– elle décide de partir suivre des cours d'art dramatique en France et en Angleterre. Après deux ans d'essais infructueux, elle choisit alors la voie de l'écriture et installée à Montréal, entame sous la direction de son conseiller littéraire, Henri Girard, une carrière de journaliste pigiste dans La Revue Moderne et Le Bulletin des agriculteurs. La découverte du quartier Saint-Henri, rongé par la misère, va donner naissance au premier grand roman urbain canadien, Bonheur d'occasion (1945), qui, tout en rompant avec les valeurs de la patrie, de la religion et du retour à la terre, dénonce la condition des ouvriers et des exclus au début de la Deuxième Guerre mondiale.
Romans
Bonheur d'occasion connaît un immense succès : choisi par la Literary Guild of America de New York, il est couronné par le Prix Femina en 1947 et sera traduit dans une douzaine de langues (voir Prix littéraires pour oeuvres de langue française). La Universal Pictures en rachète les droits pour une somme colossale, mais le film ne sera finalement tourné qu'en 1983, au Québec, par Claude Fournier et produit par Marie-Josée Raymond.
Devenue la femme du Dr Marcel Carbotte, elle part alors pour un séjour de trois ans en France où elle écrit La Petite Poule d'Eau (1950), inspiré par son bref passage dans la région du même nom. À son retour, elle s'établit à Québec et, en 1957, achète un chalet à Petite-Rivière-Saint-François, dans le Comté de Charlevoix, où, en dépit de dépressions régulières, elle va écrire l'essentiel de son oeuvre, tout en voyageant à travers le Canada, les États-Unis et l'Europe. Elle meurt d'une crise cardiaque à l'Hôtel-Dieu de Québec en 1983.
Personnalité solitaire, tourmentée, souffrant de multiples contradictions et de la nostalgie des pays de l'Ouest, fragile et attachante à la fois, Gabrielle Roy est un des plus grands écrivains contemporains de la condition humaine. Elle a évoqué le malaise existentiel de l'homme moderne (Alexandre Chenevert, 1954), la quête inépuisable de l'artiste (La montagne secrète, 1961), le déchirement des autochtones entre deux mondes (La rivière sans repos, 1970), l'harmonie de l'âme mystique avec la nature (Cet été qui chantait, 1972), la difficile adaptation des pionniers dans l'Ouest (Un jardin au bout du monde, 1975), le voyage d'une mère à l'âme vagabonde (De quoi t'ennuies-tu, Éveline ?, 1982). Ses souvenirs d'enfance et de jeunesse, transposés dans Rue Deschambault (1955), La route d'Altamont (1966) et Ces enfants de ma vie (1977), trouvent leur plein épanouissement dans une autobiographie qui sera publiée à titre posthume, La détresse et l'enchantement (1984) suivie de Le temps qui m'a manqué (1997). Outre des contes pour enfants (Ma vache Bossie, 1976; Courte-Queue, 1979), Gabrielle Roy laisse également un recueil de reportages, Fragiles lumières de la terre (1978), un premier volume de correspondance, Ma chère petite sœur – Lettres à Bernadette, 1943-1970 (1988), et de nombreux inédits.
Bâtie sur des oppositions qui tendent à ne jamais se résorber, marquée au coin d'une constante interrogation, cette oeuvre offre la vision d'une humanité affligée par des problèmes d'instabilité, d'incommunication, des rapports complexes et ambigus avec son environnement mais rachetée par ses aspirations à un monde idéal, fraternel et uni. En apparence simple, son style séduit par la complexité savante et raffinée d'un art associant les puissants raccourcis de la langue nord-américaine au plus pur classicisme français.
Biographies
Outre de nombreuses études universitaires, la vie et l'oeuvre de Gabrielle Roy ont inspiré plusieurs biographies et essais : François Ricard, Gabrielle Roy (1975) et Gabrielle Roy, une vie (1996); Monique Genuist, La création romanesque chez Gabrielle Roy (1966); Marc Gagné, Visages de Gabrielle Roy (1973); Annette Saint-Pierre, Gabrielle Roy : Sous le signe du rêve (1975); M.G. Hesse, Gabrielle Roy par elle-même (1985); Ismène Toussaint, Les Chemins secrets de Gabrielle Roy – Témoins d'occasions (1999).