Édouard Montpetit, MSRC, avocat, économiste, professeur, intellectuel (né le 26 septembre 1881 à Montmagny, au Québec; décédé le 27 mars 1954 à Montréal, au Québec). Hérault de la modernisation du Canada français par la diffusion des principes de l’économie politique, il s’est constitué le partisan des traditions nationales contre ceux qui croyaient qu’elles ne faisaient qu’appesantir la marche de la nation. Il réussit ainsi le tour de force de plaire à tous les publics.
Formation et carrière
Fils d’Adèle Labelle et d’André-Napoléon Montpetit, avocat et homme de lettres de tendance libérale, Édouard Montpetit étudie à l’Université Laval à Montréal (aujourd’hui l’Université de Montréal) où il obtient sa licence en droit en 1904. En 1907, il reçoit la toute première bourse de la province pour aller étudier en Europe. Il fréquente alors l’École libre des sciences politiques de Paris et le Collège des sciences sociales de Paris où il s’intéresse à l’économie politique. À son retour en 1910, il est nommé professeur à l’École des hautes études commerciales qui vient d’ouvrir ses portes (voir HEC Montréal) et en 1912 devient titulaire de la Chaire d’économie politique de la Faculté de droit de l’Université Laval à Montréal. En 1920, il préside à la fondation de l’École des sciences sociales, économiques et politiques de l’Université de Montréal et en devient le directeur, poste qu’il occupe jusqu’en 1950.
Durant sa carrière, Édouard Montpetit ne fait pas qu’enseigner. Déjà en 1915, le journaliste Jules Fournier écrit avec humour dans L’Action que rien ne prouve davantage l’indigence intellectuelle du Canada français qu’Édouard Montpetit. Car, continue le journaliste, dès qu’un étranger un peu distingué arrive à Montréal, le seul homme présentable pouvant lui souhaiter la bienvenue par quelques paroles bien choisies est Édouard Montpetit, encore et toujours Montpetit. « L’étranger revient dans six mois, ou l’année suivante; discours par M. Montpetit. L’année d’après; discours par M. Montpetit. L’année d’après l’année d’après; discours par M. Montpetit. » (Jules Fournier, L’Action, 23 octobre 1915)
Ainsi, de 1910 à sa mort, Édouard Montpetit est membre de nombreux comités. Il est entre autres secrétaire général puis vice-président du Comité France-Amérique, président de l’Association canadienne-française pour l’avancement des sciences, membre de la Commission des écoles catholiques de Montréal et président de l’Institut scientifique franco-canadien. Il est aussi un conférencier recherché, un organisateur de fonds, un animateur de revues (dont, comme rédacteur en chef, la Revue trimestrielle canadienne) et d’émissions radiophoniques (dont L’Heure provinciale, sur les ondes de CKAC), un émissaire du gouvernement à l’étranger, etc. (Voir aussi Radiodiffusion.) En 1930, peu de temps après le krach boursier, il est nommé président de la Commission des assurances sociales mise sur pied par le gouvernement du Québec et dépose en 1933 un rapport important couvrant la question des assurances et des allocations. (Voir aussi Programmes sociaux au Canada.)
Une « économie sociale »
Au tournant du 20e siècle, à travers tout le Canada, se fait jour un engouement pour la science économique, certains croyant pouvoir planifier le développement de la nation grâce aux outils de cette science. Chez Édouard Montpetit, cet intérêt se rapproche de ce qu’on appelle alors l’« économie sociale ».
Les principes de l’économie sociale énoncés par Édouard Montpetit sont simples. D’une part, se positionnant contre le libéralisme classique, il rappelle l’impossibilité d’élever un ordre social sur la course effrénée aux profits et le débridement des appétits personnels puisque, selon lui, la vie en société impose à chacun des devoirs. La liberté n’est pas le fin mot de la vie en commun, mais il existe une autorité nécessaire ayant pour tâche de guider et de contraindre les excès du « laisser-faire, laisser-aller » de la théorie économique classique. D’autre part, contre le collectivisme, Édouard Montpetit souligne que les talents des uns et des autres doivent être proportionnellement rétribués et que la propriété privée est un droit inaliénable. Il insiste sur le matérialisme du socialisme et sa négation explicite des croyances religieuses, qui rendent cette doctrine inacceptable à ses yeux. (Voir aussi : Sciences économiques; Religion.)
Reste donc pour lui la doctrine sociale catholique, doctrine qu’il juge admirable à tous points de vue et seule propre à assurer la paix sociale en même temps que la prospérité des nations. (Voir aussi : Doctrine sociale de l’Église catholique; Catholicisme au Canada.) Modérée, cette doctrine fuit la révolution, préférant proposer des changements graduels. Interventionniste, elle permet à l’État de jouer un rôle paternaliste. Dénonçant les conflits qui surgissent entre le capital et le travail, elle favorise l’association telle que les caisses populaires, les mutualités et les coopératives pour sortir de la crise (voir Mouvement coopératif).
La question nationale est une question économique
L’application des principes de l’économie sociale semble à Édouard Montpetit d’autant plus urgente que le Canada français connaît une déroute économique. Il reprend à cet égard l’essentiel de l’argumentation de Robert-Errol Bouchette, citant à de nombreuses reprises les idées que ce dernier expose dans L’indépendance économique du Canada français (1906). Il fait état de l’indigence des possessions de ses compatriotes dans l’ensemble des domaines, à commencer dans celui qui compte le plus, selon lui : la finance. Pour Édouard Montpetit, sans richesse matérielle, sans un minimum de prospérité, il ne saurait y avoir d’épanouissement national possible. Dans un monde industriel et moderne, un peuple pauvre est un peuple déclassé.
C’est pourquoi Édouard Montpetit ne cesse de le répéter sur toutes les tribunes : « La question nationale est une question économique. » Quelle vie spirituelle, demande-t-il, saurait fleurir sans appui matériel? Dans la première livraison de la revue mensuelle L’Action française, en 1917, Édouard Montpetit ouvre le numéro par une sorte de manifeste dans lequel il considère que la réussite économique est la première étape « vers la supériorité ».
L’instruction comme planche de salut
Après le cri de ralliement de Ludger Duvernay, « Emparons-nous du sol! », se fait entendre celui d’Édouard Montpetit « Emparons-nous de la science et de l’art! » Il s’agit de proposer l’instruction comme solution au marasme économique du Canada français. Selon Édouard Montpetit, le nœud de l’effort de régénération commence à l’école. Il croit que les pays prospères, comme l’Allemagne et les États-Unis, ont compris mieux que les autres comment un enseignement organisé est désormais indispensable à tout développement. (Voir aussi Histoire de l’éducation au Canada.)
Pour lui, la reconquête du Canada par les Canadiens français passe donc par le relèvement de l’économie nationale, par l’appropriation de l’industrie et du commerce tombés dans les mains des capitaux étrangers. Conséquemment, cette reconquête nécessite la formation d’écoles ayant pour tâche d’affiner les compétences et de pousser la formation professionnelle et l’éducation supérieure – écoles techniques, écoles ménagères, instituts agricoles, écoles polytechniques et commerciales, mais aussi écoles sociales et politiques – qui toutes remplissent une fonction incontournable, essentielle à la « survie nationale ».
Héritage et reconnaissance publique
Figure admirée pour une impartialité qui lui vient de sa faculté à combiner des tendances autrement perçues comme contraire (nationalisme et libéralisme, économisme et doctrine sociale de l’Église, francophilie et américanité), Édouard Montpetit reçoit un concert d’éloges à sa mort en mars 1954. Portent aujourd’hui son nom, entre autres, un boulevard, un CÉGEP, une école secondaire et une station de métro à Montréal.
Prix et Distinction (liste non exhaustive)
- Membre de la Société royale du Canada (1914)