Histoire intellectuelle
L'histoire intellectuelle est un compte rendu de la pensée de groupes et d'individus qui ne sont pas nécessairement des universitaires ou des « intellectuels ». L'étude de l'histoire intellectuelle prend souvent en considération les sensibilités, les émotions et les courants idéologiques ou culturels aussi bien que la pensée systématique et fait état des préoccupations des historiens dans des domaines tels que la SCIENCE, la POLITIQUE, l'ÉDUCATION, les SCIENCES ÉCONOMIQUES , la PHILOSOPHIE, la RELIGION, la LITTÉRATURE et le JOURNALISME.
Canada français
Avant 1760, l'histoire intellectuelle au Québec est plutôt floue, mais elle se fait plus précise après la CONQUÊTE. L'établissement de l'imprimerie (1764), les événements politiques locaux (création d'une chambre d'assemblée) et internationaux (la guerre de l'Indépendance américaine, 1775-1783 et la Révolution française, 1789) sont les facteurs déterminants de son évolution. Le débat intellectuel porte sur des questions civiles ou politiques. La presse - le Quebec Mercury (1805), Le Canadien de Québec (1806), La Minerve de Montréal (1826) - est le moyen d'expression le plus important du nouveau libéralisme. Vers 1820, la scolarisation mène à des positions idéologiques de plus en plus polarisées, au moment où la bourgeoisie professionnelle montante affronte une Église catholique encore quelque peu désorganisée et préoccupée par son rôle en matière d'éducation. À l'époque des RÉBELLIONS DE 1837 dans le Bas-Canada, un temps marqué par les crises économiques et les impasses parlementaires, les institutions culturelles anglophones sont particulièrement actives.
Pendant la période de l'Union (1841-1867), les journaux sont intellectuellement vigoureux et l'orientation des institutions culturelles se précise sous l'influence d'une Église catholique ultramontaine qui affermit sa position, alors que la bourgeoisie est affaiblie par la rébellion. La longue quête d'une littérature « nationale » commence dans les années 1840 et gagne du terrain grâce à la publication de l'HISTOIRE DU CANADA DEPUIS SA DÉCOUVERTE JUSQU'À NOS JOURS (1845-1848) de François-Xavier GARNEAU. De nouveaux journaux voient le jour et on assiste à une prolifération d'associations bénévoles, dont le libéral INSTITUT CANADIEN, où les membres peuvent lire les journaux locaux et étrangers, emprunter des livres de la bibliothèque et prendre part à des discussions fort éloquentes. La génération de 1845 a accès à un réseau d'écoles beaucoup plus vaste, sous la direction du nouveau surintendant de l'Instruction publique (1841), à des collèges classiques et à l'UNIVERSITÉ LAVAL (fondée en 1852).
Tout le XIXe siècle est marqué par l'idéologie d'une Église bien disposée à l'égard de Rome, qui défend sa primauté sur l'État et justifie de la sorte son intervention dans les domaines intellectuels, universitaires et sociaux. Après 1870, les penseurs libéraux n'arrivent pas à implanter les valeurs des révolutions bourgeoises : le respect de la liberté de conscience, d'opinion, de parole et d'association et l'idée de la séparation de l'Église et de l'État. Wilfrid LAURIER est le premier, en 1877, à tenter courageusement de faire en public une distinction entre le libéralisme politique, celui du Parti libéral, et le libéralisme catholique, condamné par une Église étroitement liée au Parti conservateur.
Après 1867, la vie politique et, surtout, la politique partisane dominent la scène. Certains événements vont secouer la population de sa torpeur : la pendaison de Louis RIEL, en 1885, et la défaite des minorités francophones dans la question des écoles au Manitoba, au Nouveau-Brunswick, au Keewatin et en Ontario. Elle prend conscience que la langue française et la « race » sont menacées, même au Québec. Henri BOURASSA est en total désaccord avec Laurier au sujet de l'IMPÉRIALISME et du NATIONALISME. C'est d'ailleurs autour de Bourassa que se rallient les tenants d'une nouvelle conscience politique non partisane. Avec Olivar Asselin, fondateur du journal Le Nationaliste (1904), et Jules Fournier, il fonde LE DEVOIR (1910), le premier journal à faire exception à la règle d'une presse partisane et « servile ». Une nouvelle sensibilisation à la vulnérabilité de la langue française ouvre la voie à la création de la Société du parler français (1902), au premier Congrès de la langue française (1912) et à la fondation de la Ligue des droits du français (1913). Une prise de conscience religieuse parmi les jeunes mène à la participation au mouvement de l'ACTION CATHOLIQUE et à la mise sur pied de l'organisation de tendance nationaliste, l'Association catholique de la jeunesse canadienne-française (1903-1904).
Le grand mouvement intellectuel des années 1917 à 1928 est l'ACTION FRANÇAISE qui, selon son chef de file, l'abbé Lionel GROULX, doit synthétiser les idées éparses des penseurs nationalistes. Cette « action intellectuelle » est aussi une réaction timide aux transformations qui s'opèrent dans la société québécoise avec l'urbanisation, l'industrialisation, l'américanisation et la conscription. Ces phénomènes sociaux préoccupent l'Action française et les syndicats ouvriers concernés, puis les législateurs, jusqu'à ce que l'Église propose finalement une DOCTRINE SOCIALE catholique. L'engagement hésitant de l'Église dans les affaires sociales est au coeur de l'histoire intellectuelle après la Crise des années 30. L'Église se rapproche des milieux ouvriers et offre aux jeunes laïcs l'occasion d'apprendre les éléments de l'action politique. Jusqu'au milieu des années 30, toutes ces « actions » (catholiques, intellectuelles, sociales ou nationales) s'inscrivent dans le droit sillage de l'idéologie du XIXe siècle, époque où l'Église exerce son emprise sur les domaines éducatifs et sociaux.
Le nouveau dynamisme du Secrétariat provincial, où Athanase David, de 1919 à 1936, dirige une « action intellectuelle », reflète l'engagement croissant de l'État dans la vie culturelle. C'est dans ce contexte qu'ont lieu les discussions sur l'existence d'une littérature proprement canadienne-française. Si l'on se penche peu sur les structures de la société moderne, celle-ci se manifeste néanmoins dans un mode de vie auquel le cinéma, l'automobile et la nouvelle technologie ménagère donnent le ton. Le modernisme s'exprime déjà dans la peinture en 1928, année où le peintre Paul-Émile BORDUAS part étudier en France.
La Crise des années 30 bouleverse profondément la jeune génération adulte, dont la recherche d'un programme de relance sociale, économique et spirituelle est prise en main par la nouvelle ACTION LIBÉRALE NATIONALE (1934), par des mouvements et par des journaux (JEUNE-CANADA, L'ACTION NATIONALE, LA RELÈVE). Cette génération est la dernière à croire en la « primauté du spirituel ». La situation sociale finit par saper l'ULTRAMONTANISME d'une Église que la crise ne cesse de tourner en dérision. Tous ceux qui participent depuis le début des années 40 aux mouvements d'action laïques (catholiques, étudiants, ouvriers ou ruraux) vivent la quasi-paralysie des valeurs spirituelles éclipsées par la vie temporelle et matérielle. L'Église « sociale » chancelle au moment de la GRÈVE DE L'AMIANTE (1949) et finit par s'effondrer à la fin des années 50. Le choc de la crise sert aussi à enraciner l'université dans la réalité. Ses facultés de sciences appliquées se multiplient et les sciences sociales commencent à se développer.
La Crise des années 30 crée aussi un malaise face à l'avenir, lequel entraîne les intellectuels vers une nouvelle subjectivité qui s'exprime par la suite dans l'oeuvre de poètes comme Hector de Saint-Denys GARNEAU et Alain GRANDBOIS. Du côté de la peinture, le passage du figuratif à l'abstrait vers la fin des années 30, notamment dans les oeuvres de Borduas et d'Alfred PELLAN, constitue une rupture intellectuelle aussi radicale que le défi lancé à la société par le REFUS GLOBAL, manifeste publié en août 1948.
Au début des années 50, le paysage intellectuel et culturel du Québec est radicalement modifié par la prospérité d'après-guerre, la société de consommation naissante, le cinéma, la radio, l'automobile et l'avènement de la télévision en septembre 1952, qui occupe déjà une place prépondérante à l'époque de la RÉVOLUTION TRANQUILLE. Les premiers écrits majeurs sur l'histoire intellectuelle du Québec paraissent à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. En 1945, parmi les études de Benjamin Sulte, Claude de Bonnault, Robert de Roquebrune, Séraphin Marion et Auguste Viatte, Marcel Trudel publie L'influence de Voltaire au Canada.
Les écrivains de l'histoire intellectuelle commencent à se concentrer sur des thèmes précis : la signification culturelle de la Conquête (Claude Galarneau), les répercussions de la Révolution française au Québec et l'état des relations culturelles subséquentes avec la France (Mason Wade, Michel Brunet, Gustave Lanctôt et, après 1960, Jean-Pierre Wallot, John Hare et Philippe Sylvain), le début d'une industrie de l'imprimerie et le lancement de JOURNAUX (Wade, Brunet et Lanctôt) et, dans les années 70 et dans les années 80, le libéralisme et l'ultramontanisme (Sylvain, Pierre Savard, Jean-Paul Bernard, Nadia Eid, Yvan Lamonde et Marcel Lajeunesse).
La défense passionnée des libéraux de 1837 et de leurs successeurs coïncide avec les débuts de la Révolution tranquille, vaste « entreprise collective » qui suscite de nouvelles recherches sur les idéologies. Cette tendance, publicisée dans Recherches sociographiques, atteint son apogée en 1969 avec la publication d'un numéro spécial, Idéologies au Canada français 1850-1900. D'autres publications sur les idéologies du XIXe siècle et du XXe siècle paraissent par la suite. Cette recherche, fondée sur l'étude de personnalités éminentes, de groupes et de mouvements importants, révèle bientôt ses limites : la position privilégiée de la parole écrite. L'histoire intellectuelle est alors mise au défi d'inclure ceux qui n'ont pas de voix. Dans les années 80, les chercheurs du Québec en sont à se demander s'il existe une histoire intellectuelle ou culturelle satisfaisante qui ne soit pas avant tout une HISTOIRE SOCIALE.
YVAN LAMONDE
Canada anglais
Au cours du premier siècle après la Conquête (1760), la pensée anglo-canadienne porte en grande partie sur la conservation des valeurs britanniques et chrétiennes en milieu colonial ou sur la recherche d'un moyen terme acceptable entre un héritage européen et un contexte géographique américain. Certains des premiers exercices du genre prennent la forme de satires sociales (voir LITTÉRATURE HUMORISTIQUE DE LANGUE ANGLAISE), comme Letters of Mephibosheth Stepsure de Thomas MCCULLOCH (1821-1823) et THE CLOCKMAKER (1836) de Thomas Chandler HALIBURTON. McCulloch contribue à créer une tradition de critique sociale moraliste, présente dans l'histoire intellectuelle du Canada anglais à partir de 1820.
McCulloch est un pasteur presbytérien et, en tant que fondateur de la Pictou Academy et premier recteur de l'UNIVERSITÉ DALHOUSIE, un éducateur canadien de premier plan. Religieux et enseignants font aussi de sérieux efforts intellectuels ailleurs au Canada anglais. Entre 1850 et 1900, de nombreux intellectuels sont préoccupés par le conflit apparent entre la science et la religion, surtout en ce qui a trait aux implications de la théorie évolutionniste (voir ÉVOLUTION; DARWINISME SOCIAL) et de l'EXÉGÈSE BIBLIQUE. Ecclésiastiques et professeurs cherchent à défendre l'orthodoxie sociale et religieuse contre une science de plus en plus matérialiste, en appuyant les prémisses et les conclusions de l'école philosophique écossaise du « bon sens », la méthode expérimentale de Bacon en science et un piétisme évangélique en religion.
De 1870 à la Première Guerre mondiale, un compromis au sujet de la philosophie de l'évolution prend forme, qui se manifeste surtout dans l'idéalisme hégélien professé par des philosophes tels que George Paxton YOUNG et John WATSON. Cet idéalisme domine la pensée et les écrits des théoriciens du Canada anglais jusqu'au XXe siècle, car il semble concilier les prétentions religieuses et les prétentions scientifiques en subordonnant ces dernières aux premières. La SOCIÉTÉ ROYALE DU CANADA favorise le développement d'une communauté universitaire nationale. De nouvelles publications, comme Canadian Monthly and National Review (1872), The Week (1888), QUEEN'S QUARTERLY (1893) et University Magazine (1907), fournissent des tribunes valables à des critiques de la société, dont William Dawson LESUEUR, Goldwin SMITH, Agnes Maule MACHAR et Andrew MACPHAIL. Même si elles diffèrent par leurs points de vue et leur clientèle, ces revues reflètent une concordance de valeurs marquées par une philosophie sociale généralement conservatrice, que sous-tend une acceptation (parfois réticente) des mécanismes d'une économie de marché capitaliste.
Au cours de la même période, les Canadiens anglais commencent à s'intéresser à la nature et aux conséquences du nationalisme. Leur préoccupation prend la forme, dès le tournant du siècle, d'un intense débat entre ceux qui, comme George PARKIN et G.M. GRANT, placent le nationalisme canadien dans le contexte de l'Empire britannique et ceux qui, comme Goldwin Smith et John S. EWART , soutiennent que le nationalisme est vain s'il n'aspire pas à l'autonomie constitutionnelle et à l'abandon du statut de colonie. Après la Première Guerre mondiale, la pensée anglo-canadienne reste ainsi pendant un demi-siècle aux prises avec des formes opposées de nationalisme, l'une fondée sur l'émotion et l'autre sur le rationalisme. À cet égard, on peut considérer que les historiens Harold INNIS et Donald Creighton sont les héritiers intellectuels de Parkin et de Grant, tandis que F.H. UNDERHILL et Ramsay COOK suivent les traces de Smith et d'Ewart.
La parution d'études professionnelles sur l'histoire témoigne de l'importance croissante du rôle de l'université dans l'orientation de la pensée anglo-canadienne (voir HISTORIOGRAPHIE). Au début des années 20, l'U. de Toronto occupe déjà une place prédominante dans le monde universitaire, surtout en ce qui concerne les lettres et les sciences humaines et les sciences sociales. L'U. McGill maintient sa supériorité dans le secteur des recherches médicales et scientifiques. L'U. Queen établit une tradition, en grande partie inspirée par l'exemple d'Adam SHORTT et d'O.D. SKELTON, mais découlant de l'héritage idéaliste, selon laquelle les intellectuels oeuvrent au service d'organismes gouvernementaux. Cette tendance se manifeste aussi dans le domaine religieux avec le mouvement protestant du SOCIAL GOSPEL, qui a une perception organique de la société, croit en l'immanence de Dieu et désire réaliser le royaume de Dieu sur terre. Il en résulte un effritement du rôle traditionnel des Églises et la création, en 1925, de l'ÉGLISE UNIE DU CANADA, qui s'engage par obligation chrétienne à participer aux activités d'organismes sociaux laïcs. Le mouvement Social Gospel représente implicitement une critique de la société canadienne, sous l'aspect d'un socialisme chrétien qu'exemplifient les carrières de J.S. WOODSWORTH et de Salem BLAND.
Dans l'entre-deux-guerres, la recherche dans le nouveau domaine des sciences sociales, surtout en économie politique et en histoire, devient plus empirique, sinon matérialiste, dans ses inférences causales. Du côté des lettres et des sciences humaines, les écrits tendent à démontrer l'influence continue de l'idéalisme. Certains intellectuels commencent à débattre publiquement des questions sociales, particulièrement durant la Crise des années 30. Au milieu des cette décennie, la LEAGUE FOR SOCIAL RECONSTRUCTION, formée surtout d'universitaires progressistes, tels qu'Eugene FORSEY et F.R. SCOTT, formule une critique majeure de la société et des affaires publiques canadiennes dans un ouvrage collectif intitulé Social Planning for Canada. Une telle préoccupation sociale, alliée aux efforts intellectuels considérables qui sous-tendent la COMMISSION ROYALE D'ENQUÊTE SUR LES RELATIONS FÉDÉRALES-PROVINCIALES (dont le rapport paraît en 1940), annonce une réorientation majeure du postulat social et de l'accord constitutionnel après 1945.
Après la Deuxième Guerre mondiale, c'est la reconnaissance de la domination américaine sur les affaires mondiales qui influence la vie intellectuelle au Canada anglais. Dans son rapport publié en 1951, la COMMISSION ROYALE D'ENQUÊTE SUR L'AVANCEMENT DES ARTS, LETTRES ET SCIENCES AU CANADA (la commission Massey) soutient que la vie culturelle du Canada est menacée par les moyens de communication de masse américains. Conséquemment, tout au long des années 50, un certain nombre de commentateurs sociaux défendent vigoureusement le nationalisme culturel. Parmi ceux-là, Hilda NEATBY, historienne et membre de la commission Massey, publie So Little for the Mind (1953), où elle critique le système d'éducation canadien pour avoir intégré les valeurs américaines implicites dans le mouvement de l'« éducation nouvelle ».
La création du CONSEIL DES ARTS DU CANADA, en 1957, reflète cette inquiétude croissante au sujet de l'avenir des traditions culturelles canadiennes. Dès 1957, cependant, la pensée nationaliste commence à délaisser les questions culturelles pour s'intéresser aux questions économiques. Le rapport de la COMMISSION ROYALE D'ENQUÊTE SUR LES PERSPECTIVES ÉCONOMIQUES DU CANADA (1957), présidée par Walter GORDON, est un vibrant plaidoyer en faveur d'un NATIONALISME ÉCONOMIQUE.
Pendant toutes les années 60, on assiste à un débat animé et productif sur les mérites d'une politique industrielle nationale et sur les problèmes politiques, sociologiques et philosophiques inhérents à une technologie de communication de masse dominée par les États-Unis. Est-il possible de conserver une autonomie véritable à l'ère de l'« État universel et homogène »? Telle est la question que pose de différentes façons le philosophe et critique George P. GRANT, particulièrement véhément dans LAMENT FOR A NATION (1965). Au cours de cette décennie, les études économiques, politiques et historiques des Mel Watkins, Abraham Rotstein, Donald CREIGHTON, W.L. MORTON et Ramsay Cook, parmi d'autres, ont de quoi alimenter les débats qui se déroulent dans les milieux universitaires et devant le grand public.
L'épanouissement intellectuel des années 60 et l'expansion considérable du système universitaire canadien portent des fruits dans les années 70. L'oeuvre de Marshall MCLUHAN, lui-même inspiré par Harold Innis, contribue à assurer que les Canadiens prêteront attention à la théorie et à la technologie des communications. Celle de Northrop FRYE nourrit une génération de romanciers, de poètes et de critiques pleins d'assurance, dont les oeuvres consacrent la fusion de l'intellect et de l'imagination. Le fait que les facultés des grandes universités puissent se permettre une plus grande division du travail a pour effet d'augmenter considérablement la qualité et la quantité des publications savantes. Cette spécialisation, cependant, s'accompagne d'une tendance plus timide vers une généralisation à grande échelle dans toutes les disciplines universitaires. En histoire, par exemple, le vieux thème du « développement du pays », fondement de l'ordonnance thématique du savoir, s'effondre face à la recherche intensive basée sur des « réalités » régionales, thématiques et idéologiques nouvellement découvertes.
Au Canada, le savoir entre dans une époque d'analyse plutôt que de synthèse. Encore préoccupés par des questions de nationalisme, les Canadiens anglais cherchent à établir les paramètres qui circonscrivent l'identité sociale et à définir clairement les différences culturelles imposées au pays par les régions et l'ethnicité. Cette démarche plus prudente de la réflexion sur la vie nationale se retrouve aussi dans les domaines de l'intellect, de l'imagination et des affaires publiques.
A.B. MCKILLOP
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