À la fin de la guerre de Sept Ans, en 1763, la Grande-Bretagne remplace la France comme puissance coloniale dominante au Canada. Ce faisant, les Britanniques héritent aussi de l’état des relations entre les Autochtones et les Français. Au cours des quelques décennies qui suivent, les relations des Britanniques avec les Autochtones ne font que prolonger celles établies durant la période française. Des Grands Lacs à la Côte Est, les échanges commerciaux et les interactions militaires dominent alors les relations entre les Autochtones et les immigrants. Au 19e siècle, avec l’avancée des pionniers européens vers l’ouest, ces relations vont être modifiées par une forme différente d’association, basée sur des politiques axées sur l’assimilation et l’assujettissement, voire même la destruction. (Voir aussi Peuples autochtones et politique gouvernementale au Canada.)
Alliances entre Autochtones et Britanniques
D’un point de vue militaire et stratégique, les nations autochtones dans l’est du Canada sont des alliés souhaitables pour les Britanniques. De la Révolution américaine aux années 1820, les alliés autochtones comme les Shawnee contribuent à freiner l’expansionnisme américain. Pour de nombreux peuples autochtones, une alliance avec les Britanniques est plus attrayante que la neutralité ou le soutien aux Américains.
Alliances entre peuples autochtones
Les alliances entre peuples autochtones devaient protéger davantage les communautés autochtones du pouvoir et du contrôle anglo-américains. Le chef des Odawas, Obwandiyag (Pontiac), met sur pied un front commun des Premières Nations des terres intérieures méridionales après la guerre de Sept Ans afin de contrer l’expansion des villages agricoles des pionniers anglo-américains à partir des régions colonisées du littoral. Malgré les victoires militaires, Obwandiyag a du mal à maintenir l’alliance. Son contrôle direct sur les guerriers est limité, et l’alliance est officiellement résolue en 1766 lors d’une conférence de paix à Oswego, dans l’État de New York.
Les chefs shawnee Tecumseh et Tenskwatawah (son frère, alias « Le Prophète ») forment une nouvelle alliance entre peuples autochtones. L’objectif de Tecumseh et de Tenskwatawah est d’établir un État autochtone indépendant à l’ouest des territoires occupés par les Européens. Pour défendre ces terres contre l’expansion américaine, ils choisissent de s’allier aux Britanniques et combattent même pour eux au début de la guerre de 1812. En effet, les Britanniques leur ont promis de soutenir une confédération autonome des nations autochtones. Après la guerre, ces ententes deviennent néanmoins beaucoup moins avantageuses pour les Britanniques qui finissent par renier leurs promesses et laissent les colons américains progresser vers l’ouest sans vraiment tenter de les en empêcher.
Proclamation royale de 1763
Une conséquence durable de cette ère de l’alliance est la Proclamation royale de 1763. Émise par le gouvernement impérial dans le but de définir les frontières et de définir la gouvernance du Québec, sa nouvelle colonie, la Proclamation vise aussi à apaiser les tensions qui ne cessent de croître à l’intérieur du continent. La Proclamation royale interdit ainsi l’installation des colons européens et réglemente le commerce à l’ouest des colonies européennes. Elle reconnaît les terres intérieures comme étant des « territoires de chasse » autochtones et spécifie que seule la Couronne peut valider l’éventuelle cession de ces territoires. C’est sur cette disposition que s’appuient les traités sur les cessions de territoires que le gouvernement de l’Ontario sera le premier à utiliser à la fin du 18e siècle et au 19 e siècle. Ce modèle de traité sera de nouveau appliqué dans les Prairies après la Confédération, puis dans le Nord au cours du 20e siècle. ( Voir aussi Cessions de terres du Haut-Canada et Traités numérotés.) La Proclamation ne couvre cependant pas les territoires colonisés de l’Est où les Micmacs, les Malécites, les Passamaquoddys, les Innus, les Hurons-Wendats, les Algonquins, les Haudenosaunee et d’autres peuples interagissent avec les différentes administrations impériales aux termes d’autres ententes, ou sont envahis et marginalisés.
Partenariats commerciaux avec les Premières Nations, les Métis et les Inuits
Les Britanniques héritent des Français un partenariat commercial avec les Autochtones. Ce partenariat va s’étendre vers l’ouest et le nord après les années 1760. Dans les territoires accordés à la Compagnie de la Baie d’Hudson (CBH) en 1670, un nouveau genre de relations influentes se développe à partir des années 1770, quand la CBH commence à s’installer à l’intérieur des terres et à y établir des postes. La Compagnie du Nord-Ouest, dont le siège est à Montréal, et la CBH, qui fusionnent sous le nom de cette dernière en 1821, commercent avec les Cris, les Assiniboines, les Saulteaux et d’autres nations dans la région intérieure occidentale. Cela étant dit, des épidémies, dont les ravages viennent s’ajouter à ceux de l’alcool et de la violence, causent de lourdes pertes démographiques et culturelles dans cette région.
Une des conséquences sociales importantes du commerce dans l’Ouest est l’émergence des Métis, issus d’unions entre marchands européens et femmes autochtones des Plaines. On se retrouve alors en présence de deux sous-groupes : d’une part les country-born, nom par lequel les Britanniques désignent les descendants des traiteurs anglais et écossais et des femmes autochtones et d’autre part les Métis, descendants des mariages entre francophones et femmes autochtones. Cette communauté métisse est concentrée dans la région où se situe aujourd’hui Winnipeg. Elle y vit en harmonie avec les Autochtones et les Européens. Quand la CBH intensifie, après 1821, ses activités commerciales dans le district d’Athabasca, au Nord-Ouest, et que plusieurs postes de traite mineurs sont fermés à la suite de la fusion de la CBH avec la Compagnie du Nord-Ouest, de nombreux Métis se lancent dans l’approvisionnement des postes éloignés en pemmican, un produit alimentaire à base de viande de bison sauvage. Les Métis parviennent à produire le pemmican avec un certain succès, mais l’industrie n’est pas sans problèmes. La Proclamation sur le pemmican, publiée en 1814, provoque par exemple des violences entre les Métis et l’administration coloniale à Seven Oaks, en 1816. La fin du 19e siècle s’accompagne d’un sérieux déclin des troupeaux de bisons sur lesquels s’est construite l’économie des Prairies.
Plus à l’ouest, sur la côte nord-ouest, la CBH émerge par ailleurs comme le partenaire dominant de la traite des fourrures après sa fusion avec la Compagnie du Nord-Ouest. À partir des années 1770, la traite des fourrures prend son essor avec l’arrivée des Espagnols et elle s’intensifie après le passage de plusieurs navigateurs britanniques. Le Pacifique devient alors la plaque tournante d’un commerce de fourrures dynamique, particulièrement celui des peaux de loutres de mer. Comme c’est alors le cas dans les régions de l’Est, les nations autochtones de la côte nord-ouest tels que les Nuu-chah-nulth de l’île de Vancouver jouent le rôle d’intermédiaires entre les autres Premières Nations et les colons européens et américains. Même après le repli du commerce maritime devant le commerce terrestre au début du 19e siècle, le modèle familier du partenariat commercial qui caractérise les débuts de la traite des fourrures dans les régions plus à l’est est à nouveau adopté en Colombie-Britannique.
Les derniers Autochtones à entrer en contact rapproché avec les nouveaux arrivés européens sont les Inuits qui habitent au-delà de la zone boisée, dans les régions arctiques du Canada. Les explorateurs vikings font des percées dans l’est de l’Arctique canadien dès l’an 1000 de notre ère et des explorateurs, tel que John Davis dans les années 1570, à la recherche du passage du Nord-Ouest, entrent également en contact avec les Inuits, mais l’exposition prolongée de ces derniers aux Européens ne commence vraiment qu’avec l’émergence de la chasse à la baleine, au 19e siècle. Au milieu du 20e siècle, la plupart des Inuits sont déjà bien pris en charge par les services administratifs du gouvernement fédéral, avec plus ou moins de succès.
Dépossession des terres et élaboration des traités
Dès les années 1770 arrivent dans les Maritimes un nombre croissant d’Européens qui n’ont d’autre but que de s’adonner aux activités d’exploitation agricole ou minière. Cela va modifier du tout au tout la nature des relations avec les populations autochtones. (Voir aussi Planters.) Alors que la traite des fourrures, les alliances militaires et même l’évangélisation étaient basées sur la coopération entre les nouveaux arrivés et les Autochtones, l’arrivée de ces derniers dans l’agriculture et l’exploitation minière font d’eux des concurrents aux yeux des colons. Les Européens perçoivent maintenant les Premières Nations, en particulier celles qui vivent de chasse et de cueillette, c’est-à-dire la majorité d’entre elles, comme des obstacles à leurs visées économiques. L’usage par les Autochtones de vastes terres arables est alors perçu comme un obstacle au développement économique.
Les peuples autochtones continuent à être dépossédés de leurs terres après 1783, alors que des dizaines de milliers de loyalistes – des alliés des Britanniques pendant la Révolution américaine – trouvent un nouveau foyer dans la colonie. Par le biais du traité de Paris, la Grande-Bretagne cède également aux États-Unis les précieuses terres qu’elle avait réservées aux peuples autochtones par la Proclamation royale de 1763.
Cette vague de nouveaux arrivants amène les colonisateurs à adopter des politiques visant à déposséder et à chasser les Premières Nations des terres qu’ils convoitent. Ces nouveaux impératifs eurocanadiens se traduisent, dans la pratique, par des traités axés sur la cession de territoires et par des politiques d’assimilation et de soumission.
La conclusion de traités fondés sur la Proclamation royale et d’autres ententes, mise en pratique dans le Haut-Canada dans la première moitié du 19e siècle, connaît son apogée dans la région intérieure occidentale après la Confédération. Entre 1871 et 1921, le Canada négocie 11 traités, connus sous le nom de « traités numérotés ». Ils couvrent la région comprise entre le lac des Bois (nord de l’Ontario et sud du Manitoba), les Rocheuses (nord-est de la Colombie-Britannique et plaines Intérieures de l’Alberta) et la mer de Beaufort (nord du Yukon et des Territoires du Nord-Ouest).
Si certains groupes autochtones refusent de négocier des traités, la majorité d’entre eux, surtout les nations des Plaines, les perçoivent comme un moindre mal comparé à la guerre ou à la famine. Ce qui motive la plupart des groupes de l’Ouest à signer ces traités est la réalisation que les troupeaux de bisons dont ils dépendent s’amenuisent rapidement tandis que le nombre de colons et d’agriculteurs ne cesse d’augmenter. Les chefs de ces communautés voient dans les traités un moyen d’établir avec les nouveaux arrivés un lien officiel reconnu par la Couronne, une relation susceptible de leur fournir une assistance en cette ère de transition. Cette perspective explique pourquoi ce sont les chefs et les négociateurs des Premières Nations, et non les représentants du gouvernement, qui exigent que les traités numérotés prévoient la fourniture d’instruments aratoires et la scolarisation.
La transition des alliances militaires et commerciales aux luttes pour l’autonomie et l’autodétermination est difficile pour de nombreuses communautés autochtones. Même si un grand nombre de traités établis à la fin du 19e siècle semblent préparer les communautés à cette transition, en pratique, les relations entre les peuples autochtones et l’État post-confédération sont beaucoup plus compliquées et destructives. (Pour en savoir plus sur les relations avec les peuples autochtones après la Confédération, voir Peuples autochtones et politique gouvernementale au Canada.)