Horloges et montres
Au Canada, la fabrication d'horloges et de montres semblerait remonter au début du XVIIIe siècle. Cependant, aux XIXe et XXe siècles, les horlogers ne fabriquent pas entièrement le mécanisme. L'horloge ou la montre en provenance d'Angleterre, du continent européen ou des États-Unis arrive au Canada sous forme d'ébauche (mouvement d'horloge inachevé) pour être achevée par un horloger local. Le travail fini, l'horloger grave ses initiales, sa signature ou son estampille d'orfèvre. Depuis toujours, les détaillants d'horloges, et surtout de montres, travaillent en lien étroit avec les orfèvres et les joailliers, ce qui est logique, dans la mesure où ils dépendent du même marché et ont recours aux services les uns des autres. Jean Filiot de Montréal et Thomas Gordon de Halifax sont deux horlogers réputés du XVIIIe siècle. La situation commence déjà à évoluer à l'époque où un certain Jordan Post (1767-1832) arrive à York (aujourd'hui Toronto). Après avoir fait un apprentissage dans le Connecticut et travaillé comme horloger dans le Massachusetts et le Vermont, il gagne sa vie comme horloger au Canada de 1802 jusqu'à sa mort.
Depuis le XVe siècle, l'horloge publique est un facteur de prestige pour les municipalités. L'horloge du séminaire de Saint-Sulpice à Montréal est la plus ancienne horloge publique du Canada encore en existence (construite vers 1701, mais modifiée par la suite). Toutefois, la vieille horloge municipale de Halifax (1805) est plus connue. Le mouvement de ces deux horloges a été importé, de France et de la Grande-Bretagne respectivement.
Au début du XIXe siècle, « l'horloge grand-père » ou horloge normande fait la fierté de bien des familles et se transmet de génération en génération comme un précieux héritage. Souvent, pour des raisons économiques, seul le mouvement de ces horloges est importé et les détaillants locaux commandent ensuite des boîtiers en pin chez l'ébéniste local. Des horloges complètes sont parfois importées des États-Unis. C'est le cas des horloges grand-père vendues à Montréal de 1821 à 1850 dans le commerce prospère des frères Twiss. Des découvertes récentes indiquent que les cinq frères auraient tenté de fabriquer quelques mouvements; leur père était d'ailleurs titulaire de deux brevets des États-Unis portant sur des innovations en la matière. L'existence d'horloges normandes montées par la famille Twiss dans des boîtiers en pin fabriqués au Québec ne fait aucun doute; ces pièces sont aujourd'hui très recherchées par les collectionneurs.
Les horlogers travaillent souvent dans plusieurs endroits avant de s'installer dans une ville. Dans certains cas, la deuxième génération ouvre un commerce dans une autre ville et agrandit ainsi l'entreprise familiale. Pendant un siècle, plusieurs générations de la famille Hutchinson de Saint John (N.-B.) mettent leurs talents d'horloger au service de la collectivité et servent les marins en réparant et en évaluant les chronomètres de bord. Richard Upham Marsters, successivement de Halifax, New York et Falmouth (N.-É.), de 1820 à 1835 environ, serait vraisemblablement le seul Canadien à fabriquer des chronomètres, dont l'un est conservé par le Musée maritime de l'Atlantique, à Halifax. Un autre fabricant d'horlogerie spécialisée, Nathan Fellows Dupuis, est professeur de sciences naturelles et d'astronomie à l'UNIVERSITÉ QUEEN'S, à Kingston (Ontario). Des exemplaires de ses horloges astronomiques en tour, à balancier et à cadrans multiples et même d'un mouvement horloger en bois, sont préservés à l'Université Queen's. Au fils des ans, de nombreux Canadiens obtiennent des brevets (au Canada ou aux États-Unis) pour leurs innovations dans le domaine de l'horlogerie, notamment John Colquehoun (24125, 28877), Howard Felt (US 494919), George Hess (30429, 32485) et Stephen Willcock (36532, 51032 et US451353, 557040).
Avant l'arrivée des manufacturiers d'horloges, plusieurs petits fabricants d'horloges et de montres publient des annonces dans les annuaires municipaux ou provinciaux de l'Est canadien, mais leur formation et leur expertise laissent souvent à désirer. Selon toute vraisemblance, plusieurs sont formés en Europe ou aux États-Unis, mais il n'existe aucune étude systématique sur leur formation et leur apprentissage ou sur la transmission des connaissances par la première génération d'immigrants.
Après la fin des travaux du Chemin de fer du Pacifique, il y a une importante migration vers l'ouest et les horlogers sont probablement nombreux à participer à ce mouvement pour aller offrir leurs services à une population de plus en plus nombreuse. Malheureusement, à l'heure actuelle les recherches sur cette discipline sont rares dans l'Ouest du Canada. Nous savons que les membres de certaines communautés, les HUTTÉRIENS par exemple, emportent avec eux des montres entièrement fabriquées en bois par leurs artisans. Ces derniers continuent à fabriquer pendant longtemps des mouvements et des boîtiers en bois. Cependant, ils ne jouent pas un rôle déterminant dans le développement de la technologie des montres et des horloges.
Le premier fabricant canadien d'horloges inscrit aux annales est le Canada Clock Co. de Whitby, en Ontario. La compagnie commence sa production en 1872, déménage à Hamilton (Ontario) et continue à fabriquer des horloges sous le nom de Hamilton Clock Company jusqu'en 1880. Suite à un changement de direction, elle reprend le nom de Canada Clock Company, mais fait faillite en 1884. La compagnie la plus grande et la plus prospère dans ce domaine est celle d'Arthur Pequegnat. Elle ouvre ses portes en 1904 à Berlin (aujourd'hui Kitchener), en Ontario. Les horloges de Pequegnat possèdent un mouvement simple, monté dans différents modèles d'horloges et de pendules, des plus petits aux plus grands, baptisés pour des raisons de marketing du nom de villes canadiennes ou des personnages royaux. Il les vend partout au Canada avant de fermer ses portes en 1941. Les horloges de Pequegnat sont très prisées par les collectionneurs. Le MUSÉE NATIONAL DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE à Ottawa en possède une collection presque complète.
En 1890, Henry Playtner de Preston en Ontario (né Ploethner de parents Allemands) et Edward Beeton, qui ne participe que pendant deux mois au projet, fondent le Canadian Horological Institute à Toronto. D'excellents artisans étudient à cette école supérieure d'horlogerie et de réparation offrant des programmes allant jusqu'à deux ans. Le plus haut niveau académique y est le A1. Les autres niveaux sont le A et le « perfectionnement » composé d'étudiants expérimentés dans le domaine qui complètent une formation de six à douze mois ou d'étudiants libres. Le livre de Playtner, Canadian Horological Institute (1904), trace un tableau très intéressant des débuts d'un apprenti. L'institut offre des cours jusqu'en 1913. Peu après Playtner s'installe dans l'Ohio et fonde l'Elgin Watchmakers' College. De temps à autre, il est possible de dénicher de véritables chefs-d'œuvre fabriqués par l'un des quatorze diplômés du plus haut niveau (le niveau trois) du Canadian Horological Institute. Il s'agit de pièces uniques qui reflètent une qualité d'artisanat hors pair.
Au XXe siècle, des Canadiens effectuent des avancées techniques notables en horlogerie. En 1927, alors qu'il travaille au laboratoire Bell Labs dans le New Jersey, Warren Marrison d'Inverary, en Ontario, invente un chronomètre basé sur les vibrations d'un cristal de quartz. Son horloge à quartz devient incontournable dans la chronométrie scientifique avant d'être diffusée sous forme de montres très populaires au Canada. En 1973, Bowmar Digital Products d'Ottawa adopte son expertise électronique pour fabriquer des montres à affichage numérique à prix modique pour le marché commercial. Aux États-Unis, la montre à affichage numérique Pulsar se vend à 2100 $ US, celle de Bowmar, dans son boîtier en or, se vend à 150 $. Comme pour les calculatrices électroniques, la production de masse à l'étranger de montres à affichage numérique à base de quartz fait rapidement baisser le coût de 90 %; en 1974, Bowmar vend ses modèles et sa technologie à une société américaine.
Le roman de T.C. HALIBURTON, The Clockmaker; or The Sayings and Doings of Sam Slick of Slickville, raconte les mésaventures, au Canada et aux États-Unis, d'un vendeur d'horloges itinérant plutôt louche. Le récit, même s'il relève de la fiction, décrit les aspects sociaux du marché de l'horlogerie au début du XIXe siècle. En effet, dans les campagnes canadiennes, la vente itinérante d'horloges était une pratique courante durant la première moitié du XIXe siècle.