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IODE (Ordre impérial des filles de l’Empire)

L’IODE est une organisation caritative canadienne. Fondé en 1900 sous le nom d’Ordre impérial des filles de l’Empire, son but initial était de promouvoir le patriotisme envers l’Empire britannique. (Voir Impérialisme.) L’IODE a contribué à construire une identité anglo-canadienne à l’image de la Grande-Bretagne. L’IODE a amélioré la vie de certaines femmes canadiennes et défendu des causes comme l’amélioration des soins de santé et le renforcement de la citoyenneté canadienne. Toutefois, l’organisation a parfois fait preuve de complicité à l’égard du racisme et de l’oppression. De plus en plus conscient du problème, l’Ordre impérial des filles de l’Empire a changé son nom pour IODE en 1978-1979 et s’est recentré sur le Canada. Aujourd’hui, l’IODE se consacre surtout au bien-être des enfants, à l’éducation et aux services à la communauté.

Imperial Order Daughters of the Empire (IODE)

Création

L’IODE est fondé en 1900 par Margaret Polson Murray, une journaliste et philanthrope canadienne originaire d’Écosse. En 1899, celle-ci se trouve en Angleterre lorsque la guerre des Boers éclate et fait ses premières victimes. Inspirée par le sentiment patriotique du moment, elle se met au travail dès son retour au Canada pour rassembler des femmes afin de soutenir l’Empire britannique. Dans sa vision à la fois impérialiste et nationaliste, Margaret Polson Murray imagine une organisation à la grandeur de l’Empire, mais centrée au Canada. Toutefois, ses plans sont contrecarrés par l’existence de la Victoria League, basée en Angleterre. L’organisation demeure donc principalement canadienne, bien que des chapitres (composés en grande partie d’expatriées britanniques) soient fondés à Terre-Neuve (qui ne fait pas encore partie de la Confédération canadienne), aux États-Unis, aux Bermudes, aux Bahamas et en Inde.

Effectifs et structure

Margaret Polson Murray est l’épouse de John Clark Murray, un professeur de philosophie très influent de l’Université McGill, et elle utilise son réseau au sein de l’élite pour lancer et faire grandir l’IODE. Pour cette raison, le groupe est initialement composé surtout de femmes urbaines de classe moyenne mariées à des hommes de la haute société. Les membres sont recrutées en grande partie sur invitation et les membres invitées peuvent être admises ou exclues par un vote. Par la suite, les effectifs deviennent intergénérationnels, les mères recrutant leurs filles ou belles-filles. Les effectifs culminent à 50 000 membres durant la Première Guerre mondiale, retombent à 20 000 membres durant l’entre-deux-guerres, remontent à 35 000 membres durant la Deuxième Guerre mondiale, puis connaissent ensuite un déclin continuel.

Officiellement, l’IODE est ouvert à « toutes les femmes et enfants de l’Empire britannique, ou de territoires étrangers, qui vouent une sincère allégeance à la Couronne britannique ». En pratique, toutefois, les adhésions se révèlent plus sélectives, selon les époques et les endroits. Bien que l’IODE soit officiellement non confessionnel, ses membres sont à l’origine presque exclusivement protestantes. La diversité socioculturelle s’accroît par la suite avec la création de chapitres spécifiques, comme les chapitres catholiques au Québec, les chapitres juifs au Québec et en Ontario, le chapitre Jon Sigurdsson à Winnipeg (composé d’immigrants islandais), le chapitre Saint Margaret of Scotland d’Alberta (composé d’immigrants hongrois) et le chapitre autochtone de Colombie-Britannique. (Voir Peuples autochtones au Canada.)

Activités (1900-1945)

En temps de guerre, l’IODE assure un solide soutien aux forces armées. Pendant la guerre d’Afrique du Sud, il travaille à localiser et identifier les tombes des Canadiens tombés au combat. Pendant la Première Guerre mondiale, l’IODE fournit d’énormes contributions en matériel de guerre, à commencer par un cuirassé. Les membres visitent les épouses et les familles des soldats dans leurs maisons, s’efforcent de convaincre les hommes de s’enrôler, font campagne pour le service militaire obligatoire et combattent le mouvement pacifiste. En tant qu’organisation, l’IODE s’associe aussi à la Ligue anti-germanique, et coupe les liens avec tout groupe affilié à des nations « ennemies ».

Dès la création de l’IODE, ses membres accueillent les immigrants au Canada dans les principaux ports d’entrée du pays. Pendant l’entre-deux-guerres, l’IODE devient encore plus active en matière d’immigration, particulièrement dans le but d’assurer leur « canadianisation », c’est-à-dire leur intégration à la société canadienne. Parmi ses initiatives, on compte des bibliothèques itinérantes, des journaux pour enfants, des images, des films, des conférences, des nouvelles et des pièces de théâtre patriotiques. L’IODE s’associe également à d’autres organisations de femmes pour soutenir les foyers pour femmes, conçus pour préserver la vertu des femmes immigrantes. (Voir Immigration au Canada.)

L’IODE favorise une immigration britannique de classe moyenne et travaille dans ce but avec d’autres organisations canadiennes. L’organisation s’inquiète du nombre grandissant d’« étrangers », en l’occurrence, des Européens continentaux, qui constituent le plus important contingent d’immigrants durant cette période. Cette position est inspirée par des théories scientifiques racistes, par l’eugénisme et par la croyance en une hiérarchie raciale telle que formulée par James Woodsworth dans Strangers Within Our Gates. Ceci conduit l’IODE à s’opposer activement à l’immigration de peuples de descendance africaine ou asiatique. Par exemple, en 1911, l’IODE adresse une pétition au ministre de l’Intérieur afin que le gouvernement bloque l’immigration d’Afro-Américains dans l’Ouest canadien. En 1923, l’IODE appuie les politiciens de Colombie-Britannique qui exercent des pressions, avec succès, afin que le gouvernement fédéral mette fin à l’immigration en provenance de Chine. (Voir Décret C.P. 1911‑1324, la proposition d’interdiction de l’immigration noire au Canada et Loi de l’immigration chinoise.)

Lorsque la Deuxième Guerre mondiale éclate, les membres de l’IODE recueillent des fonds, tricotent des vêtements, fournissent des livres et font don d’un bombardier. L’organisation accueille aussi des épouses de guerre britanniques, et dans certains cas, leur envoie des robes de mariage. Mais l’IODE continue aussi à promouvoir la hiérarchie raciale. Le chapitre national adopte une motion appelant le gouvernement fédéral à renouer avec ses politiques de la Première Guerre mondiale en internant les « étrangers ennemis et Canadiens naturalisés subversifs ». Le chapitre provincial de Colombie-Britannique estime qu’il est impossible d’« assimiler à la vie canadienne » les personnes de descendance japonaise (qui ont été internées). (Voir Internement au Canada.)

Après-guerre et guerre froide

Dès les premières années de l’après-guerre, l’IODE s’efforce de commémorer le conflit, en érigeant des monuments et en agrandissant son programme War Memorial Scholarship. Sur un autre front, l’organisation réalise, entre autres projets provinciaux, une étude sur la protection de l’enfance en Alberta en 1947. Ses préoccupations bien fondées conduisent à la création d’une Commission royale l’année suivante.

Alors que s’approfondit la Guerre froide, l’IODE fonde deux nouveaux comités : « Combatting Communism » et « Democratic Action ». Entre autres activités anti-communistes, l’IODE encourage ses membres à voter « intelligemment », distribue des pamphlets, organise des émissions radiophoniques et promeut la participation à des mesures de défense civile. L’IODE continue à faire pression sur le gouvernement pour qu’il priorise une immigration d’origine britannique, et les membres demeurent très actifs pour guider les immigrants vers la pleine citoyenneté, et sont présents aussi bien dans les ports où arrivent les immigrants que dans les bureaux de citoyenneté.

De la fin des années 1950 jusqu’aux années 1970, l’IODE s’intéresse au Nord canadien, particulièrement les Territoires du Nord-Ouest, s’efforçant d’aider le gouvernement à assimiler et « moderniser » les peuples autochtones qui y vivent, en partie par crainte d’ingérences russes. Ces interventions comprennent un financement pour la construction de centres communautaires, des projets locaux de santé et d’éducation et des dons de produits de tricot. (Voir Inuits.)

Des années 1960 à aujourd’hui

Comme l’a noté l’historienne Katie Pickles, L’IODE a « survécu très longtemps à l’Empire qu’il avait pour but de défendre », et sa longévité a été attribuée à son aptitude à s’adapter au fil du temps. Néanmoins, le défi est plus important pour l’organisation dans les années 1960, alors que son origine impérialiste rétrograde apparaît de plus en plus déplacée dans la société canadienne. « Sommes-nous des dinosaures? » se demande une membre de l’IODE dans la revue de l’organisation, Echoes, en 1962. En 1964, l’IODE prétend que le Canada n’est pas « une société multilingue ou multiculturelle » (bien que l’organisation soutienne le bilinguisme et le biculturalisme officiels en tant que moyens de résister à l’américanisation), et en 1965, il n’appuie pas nécessairement l’adoption du nouveau drapeau canadien. L’IODE persiste dans ce type de positions : le rapatriement de la Constitution ne lui semble nullement nécessaire (Voir Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme; Loi constitutionnelle de 1982.)

Vers 1970, l’IODE développe un sentiment de malaise à l’égard de son histoire. Sentant décliner son influence, l’organisation cherche à se distancer de l’étiquette « WASP » (blanc, anglo-saxon et protestant) qui lui est inévitablement accolée. En 1971, lorsque l’IODE soumet un mémoire au gouvernement fédéral, il tente d’obtenir l’appui d’autres groupes, particulièrement ceux qui ne sont pas d’ascendance britannique. En 1978 et 1979, le nom de l’organisation devient officiellement IODE. À un certain point, l’acronyme IODE est associé à la formule « Inclusif, organisé, dévoué, enthousiaste ». En 1991, l’IODE devient une organisation caritative agréée et adopte un énoncé de mission officiel soulignant son dévouement à « améliorer la qualité de vie des individus par le soutien à l’éducation, les services à la communauté et les programmes de citoyenneté ».

En 2021, l’IODE compte 1 750 membres dans neuf provinces et un territoire, avec six chapitres provinciaux, un chapitre municipal et 101 chapitres primaires. Les membres donnent bénévolement du temps et fournissent plus de 1,5 million de dollars par année pour soutenir différentes entreprises caritatives aux niveaux primaire, provincial et national, incluant le soutien pour des communautés nordiques éloignées, des hôpitaux, des écoles, des refuges et des foyers de soins spéciaux.