Irving Martin Abella, C.M., O. Ont., MSRC, historien, professeur, administrateur (né le 2 juillet 1940 à Toronto, Ontario; mort le 3 juillet 2022). Irving Abella a été professeur d’histoire à l’Université York de 1968 à 2013. Il a été un pionnier dans le champ de l’histoire ouvrière canadienne et s’est aussi spécialisé dans l’histoire des Juifs au Canada. Il est le co-auteur de l’ouvrage None Is Too Many : Canada and the Jews of Europe 1933-1948, portant sur l’antisémitisme au sein des politiques d’immigration du gouvernement du Canada. Il a été président du Congrès juif canadien de 1992 à 1995 et a participé à la création du Centre d’études juives de l’Université York. Il a été reçu membre de l’Ordre du Canada, de l’Ordre de l’Ontario et de la Société royale du Canada.
Jeunesse, formation et vie familiale
Irving Abella naît et grandit à Toronto, en Ontario, fils de Louis et Esther Abella. Il fait ses études postsecondaires à l’Université de Toronto, obtenant son baccalauréat ès arts en 1963, sa maîtrise ès arts en 1964 et son doctorat en philosophie en 1969. Sa thèse porte sur l’histoire ouvrière au Canada. Il enseigne l’histoire juive et l’histoire ouvrière à l’Université York de 1968 à 2013. C’est en complétant son doctorat qu’il rencontre Rosalie Silberman, une étudiante en droit de six ans sa cadette. Ils se marient en 1968. En 2004, Rosalie Silberman Abella devient la première femme juive, ainsi que la première réfugiée à siéger à la Cour suprême du Canada. Elle sert à la Cour jusqu’à sa retraite en 2021. Le couple a deux enfants, Jacob et Zachary.
Carrière universitaire
Irving Abella commence à enseigner l’histoire à l’Université York en 1968 et devient un des premiers spécialistes de l’histoire ouvrière canadienne. Il documente également le traitement des Juifs au Canada, avant et pendant la Deuxième Guerre mondiale. (Voir aussi Paquebot Saint Louis; Le Canada et l’Holocauste; Antisémitisme au Canada.) Il crée le premier cours universitaire en études juives canadiennes au Glendon College de l’Université York au début des années 1970, ce qu’il considérera comme son plus grand accomplissement. Il joue un rôle important dans la création du Centre d’études juives Israël et Golda Koschitzky à l’Université York. À la fin de sa carrière de professeur, il détient la chaire J. Richard Schiff sur la population juive canadienne à l’Université York.
Publications
Irving Abella est surtout connu pour avoir co-rédigé, avec Harold Troper, l’ouvrage None Is Too Many : Canada and the Jews of Europe 1933-1948. Le livre fait sensation au Canada car il remet en question le mythe bien établi selon lequel le Canada a toujours accueilli à bras ouverts les immigrants et les réfugiés. Les auteurs révèlent que les politiques d’immigration du gouvernement canadien ont été non seulement discriminatoires mais aussi antisémites.
Parmi les autres ouvrages marquants d’Irving Abella, on retrouve Nationalism, Communism, and Canadian Labour (1973), On Strike: Six Key Labour Struggles in Canada 1919–1949 (1974), Growing Up Jewish: Canadians Tell Their Own Stories (avec Edwin Goldman et Rosalie Sharp, 1997) et A Coat of Many Colours: Two Centuries of Jewish Life In Canada (1990; trad. La tunique aux couleurs multiples : Deux siècles de présence juive au Canada, 1990).
Engagement organisationnel et militantisme
Outre sa carrière universitaire, Irving Abella est très actif dans la communauté juive canadienne. Il est directeur du Fond Nouvel Israël, éditeur de Middle East Focus et président de l’Holocaust Documentation Project. Il préside le Congrès juif canadien de 1992 à 1995. Il est également président de la Société historique du Canada (CHA) de 1999 à 2000 et président de la chaîne religieuse Vision TV.
Durant son mandat de président du Congrès juif canadien, Irving Abella exerce des pressions afin que le gouvernement du Canada traque les criminels de guerre. On estime que quelque 2 000 collaborateurs et criminels de guerre nazis se sont réfugiés au Canada après la Deuxième Guerre mondiale. La Commission sur les criminels de guerre au Canada, aussi appelée Commission Deschênes, s’efforce de traquer les criminels de guerre dans les années 1980. Son action n’aboutit toutefois à aucun procès criminel, et ses conclusions sont critiquées. En 1997, dans un interview de Mike Wallace, l’animateur de l’émission d’actualités de CBS 60 Minutes, Irving Abella déclare que pour être admis au Canada, il suffisait de montrer un tatouage de SS, ce qui apportait une preuve solide des convictions anticommunistes de l’immigrant potentiel. Pendant les années 1930 et 1940, Vincent Massey s’est opposé à l’immigration juive et à l’établissement de réfugiés juifs d’Europe, principalement parce qu’on soupçonnait tous les Juifs d’être des sympathisants communistes.
Prix et récompenses
Irving Abella et Harold Troper remportent le prix Leon Jolson en 1983 pour None Is Too Many. En 1993, Irving Abella est reçu membre de l’Ordre du Canada. « Par ses écrits et ses conférences », peut-on lire dans sa présentation, « il nous a grandement aidés à apprécier toute la richesse de notre histoire et la diversité de nos origines en tant que nation, et à mieux comprendre l’apport de générations d’immigrants au Canada. » Également en 1993, il est fait membre de la Société royale du Canada. En 2006 il reçoit le prix Louis Rosenberg pour service distingué de l’Association d’études juives canadiennes. Il reçoit aussi des diplômes honorifiques de l’Université Western et du Barreau de l’Ontario. En 2014, Irving Abella est reçu dans l’Ordre de l’Ontario pour « sa contribution à la documentation de l’histoire des Canadiens juifs, et son engagement en faveur de la justice sociale et de la tolérance ». Il reçoit également la Médaille du jubilé d’or de la reine Elizabeth II en 2002, et la Médaille du jubilé de diamant en 2012.
Postérité
Irving Abella meurt d’une longue maladie peu après son 82e anniversaire. Pionnier de l’histoire ouvrière et de l’histoire des Juifs au Canada, son œuvre la plus connue restera sans doute None Is Too Many: Canada and the Jews of Europe 1933-1948. Par son travail, il a non seulement révélé l’antisémitisme présent parmi les responsables du gouvernement canadien dans les années 1930 et 1940, mais aussi amené la mise en place d’une politique plus ouverte à l’égard des réfugiés. Les archives d’Irving Abella, incluant les entrevues d’histoire orale très poussées qu’il a réalisées, sont conservées dans la collection Irving Abella aux Archives publiques de l’Ontario.