Jacob Scheier, poète, essayiste, journaliste et enseignant (né le 2 février 1980 à Toronto, en Ontario). En 2008, il devient l’un des plus jeunes poètes à remporter le Prix du gouverneur général de poésie de langue anglaise pour More to Keep Us Warm, son premier ouvrage.
Premières années et éducation
Jacob Scheier découvre la poésie par sa mère, la poète et activiste canadienne Libby Scheier, surtout connue pour son œuvre Kaddish for My Father. Jacob Scheier compose ses premiers poèmes — qu’il croit alors destinés à devenir des paroles de chansons —, à l’âge de 16 ans. À la mort de sa mère, emportée par le cancer du sein, il découvre que la poésie a un effet apaisant qui l’aide à faire son deuil. Selon Jacob Scheier, un bon poème permet à son auteur de ressentir ce dont il a besoin, tout en faisant appel à son intellect et à sa spiritualité. Ayant fréquenté l’Université Ryerson, à Toronto, il obtient plus tard son diplôme en sciences humaines de l’Université York.
More to Keep Us Warm
Le premier ouvrage de poésie de Jacob Scheier, More to Keep Us Warm (2007) déborde d’humour et d’une confiance rarement observée dans un premier recueil. Les poèmes qu’il renferme sont d’une audacieuse honnêteté quant aux normes supposées de la vie, qu’il s’agisse des parents ou de la guerre. Dans son long poème « Genesis », structuré selon le calendrier des versets de la Bible, Jacob Scheier détaille le conflit immémorial qui oppose intuition et rationalité. Sa mère lui fournit l’impulsion vers la langue lyrique et forge ses premiers rapports avec le monde naturel [traduction libre] : « [Elle] m’a appris le nom / des bêtes qui volent / et de celles qui rôdent. » Pour sa part, son père lui impose les limites strictes du monde rationnel [traduction libre] : « Plusieurs titres accompagnaient son nom, / le bénissant au passage / d’une aura d’autorité. / Il guérissait, non pas par le toucher ou la parole, / mais par une petite granule ronde / à avaler ». Ces petits comprimés ronds de réalité étouffent le pouvoir de la langue de sa mère, entraînant une perte du véritable soi aux yeux du poète.
Le poème le plus connu de Jacob Scheier, « Big Band Music », qui revêt la forme d’une critique cinglante de la guerre, est empreint d’une nostalgie et d’un sentiment de perte à divers niveaux [traduction libre] :
Voici une musique destinée à ce qu’il en était de nos corps,
avant que les pas de danse appris
nous servent à éviter de poser les pieds sur une mine.
Il y a quelque chose dans l’allure du rythme,
de la manière dont elle ne ralentit pas pour permettre d’admirer le paysage
de la manière dont elle présume que le monde persistera
après la dernière note.
More to Keep Us Warm remporte en 2008 le Prix du gouverneur général de poésie de langue anglaise.
Le deuxième volume de poésie de Jacob Scheier, Letter From Brooklyn (2013), regorge d’humour et de sagesse, doublés d’un sens de l’acceptation qui trahit l’âge du poète. Fruits de six années de création, bon nombre des poèmes qui s’y trouvent sont inspirés des conversations qu’il entretient avec le pont de Brooklyn, qu’il traverse régulièrement lors de ses années à New York. Dans « The World-Changing Business », Jacob Scheier examine le processus de compréhension de la vision de son père, dans le cadre duquel il rapproche la difficulté qu’il a à accepter les opinions de ce dernier au profond respect qu’il voue à ses convictions politiques [traduction libre] :
Les affaires qui changent le monde,
c’étaient celles de ma famille. Mon père
m’a montré sa vitrine marquée par l’histoire,
m’assurant qu’un jour, tout cela m’appartiendrait.
Mais notre magasin, c’était le monde, et le monde
n’était censé appartenir à personne,
ou plutôt il devait appartenir à chacun d’entre nous.
De toute façon je n’y comprenais rien,
mais ainsi était le monde
quand j’étais petit.
Tout au long du poème, il suggère que dans le monde qu’il s’était construit, son père était, à la manière d’un enfant, incapable d’accepter les conséquences complexes du monde réel [traduction libre] : « La façon qu’il avait de ne rien posséder. / Je pensais que l’entreprise était vouée à nous rendre / tous enfants un jour. Pourtant l’enfance / s’est révélée décevante ». La subtilité de Jacob Scheier est à la fois poignante et puissante dans sa manière de dresser le portrait d’un homme dont la perception du monde était aussi naïve et malavisée que celle d’un enfant.
La poésie et les essais de Jacob Scheier sont publiés dans un large éventail de revues littéraires, dont Descant, Geist et Rattle.Ses poèmes inspirent par ailleurs un spectacle de danse contemporaine et, en 2014, il prend part au Festival international des auteurs. On peut régulièrement lire Jacob Scheier dans le quotidien National Post et le magazine NOW.Depuis 2008, il fait office, à titre bénévole, d’animateur entre pairs auprès de Bereaved Families of Ontario, un organisme appuyant les familles endeuillées; enfin, depuis 2011, il organise régulièrement des ateliers d’écriture ayant pour thème le deuil.