James Paton Clarke, compositeur, chef d'orchestre, organiste, maître de chapelle, professeur (né en 1807 ou en 1808, probablement à Édimbourg, Écosse, décédé le 27 août 1877 à Toronto, ON). L’une des figures de proue du développement musical à Toronto, James P. Clark est le premier chef d’orchestre de la Toronto Philharmonic Society. En plus d’être organiste d’église et professeur de chant, de piano et de guitare, Clarke compose des morceaux pour piano et des chansons (parmi lesquelles Lays of the Maple Leaf et Songs of Canada, qui datent de 1853), il compose et arrange de la musique d’église. Le King’s College de Toronto lui décerne le premier baccalauréat canadien en musique en 1846. Six de ses compositions ont été rééditées dans la collection du Patrimoine Musical Canadien et quelques-unes d’entre elles ont depuis été enregistrées.
Jeunesse
Fils de musicien, Clarke travaille d'abord comme assistant d'un marchand de musique d'Édimbourg. En 1829, il dirige la psalmodie à l'église Saint George's de Glasgow, et deux ans plus tard, il signe en tant que « chef de musique [de cette église] et professeur de piano forte et de chant » la seconde édition de son recueil Parochial Psalmody. En 1834, il devient l’organiste d’une autre église de Glasgow, puis émigre l'année suivante au Canada pour s'établir à Elora, à quelque 85 km à l'ouest de Toronto, où il exerce probablement le métier d’agriculteur.
Début de carrière au Canada
En 1842, il entretient des liens avec la cathédrale anglicane Saint James' de Toronto (les archives témoignent d'un salaire versé à Clarke pour avoir accordé l'orgue et le piano), et en 1844, il devient organiste à l'église anglicane Christ Church de Hamilton. Il assiste en 1845 à la réunion de fondation de la Toronto Choral Society; cette même année, il dirige l'un des deux concerts organisés par John McCaul dans le cadre de la commémoration triennale du King's College. Il est donc invité à s'établir à Toronto où il devient chef d'orchestre de la Toronto Philharmonic Society, nouvellement formée, et poursuit ses activités de professeur de piano, de guitare et de chant.
McCaul voit donc en Clarke un partenaire capable de le seconder dans son ambition de faire vivre la musique des grands maîtres, de Haendel à Mendelssohn. Les deux hommes travaillent en collaboration jusqu'en 1865, respectivement en tant que président et chef d'orchestre de nombreuses sociétés musicales, et à nouveau en 1872 lors de la renaissance de la Philharmonic Society. Le 28 février 1873, Clarke est au pupitre pour le premier et seul oratorio complet qu'il ait dirigé à Toronto, Le Messie de Haendel.
Au cours de ses huit premières années à Toronto, Clarke s’acquiert une réputation considérable dans le monde de la musique. Épaulé par McCaul, il met à l'affiche, en 1846 et 1847, quelques-unes des premières représentations torontoises des symphonies de Beethoven et de Mozart. Son hymne à huit voix « Arise, O Lord God, Forget Not the Poor », soumis au King's College en 1846, lui vaut le premier baccalauréat de musique jamais décerné par une université canadienne. Bien qu’il ne fasse pas partie du corps professoral du College, il se peut qu’il y ait occupé le poste de professeur adjoint.
Carrière musicale à Toronto
Clarke est organiste à la cathédrale Saint James' pendant l'année précédant sa destruction par le feu en 1849. Vers la même époque, il enseigne à la Toronto Normal School et dans une école de garçons, la Toronto Academy. Ses compositions furent publiées chez Nordheimer et dans l'Anglo-American Magazine, et méritèrent trois prix attribués par le King's College en 1848.
La chance cesse toutefois de lui sourire vers 1853. Un certain R.G. Paige, ayant participé avec ses filles à l'un des concerts de Clarke, devient si populaire que la Toronto Vocal Music Society le nomme directeur à la place de Clarke en 1853, ce qui a pour effet de diviser les membres et d'entraîner la dissolution de la société. La même année, la candidature de Clarke à un poste de professeur au Trinity College est rejetée au profit de G.W. Strathy. Le 31 mai 1854, The Daily Leader de Toronto s'en prend aux chansons de Clarke en les qualifiant d'œuvres « plus que médiocres » et « tristement dépourvues de forme et d'originalité », ajoutant, assez injustement, que « le style ampoulé et clinquant de l'accompagnement » tente de masquer la pauvreté de la mélodie.
Malgré les nombreux revers qui jalonnent sa carrière, Clarke semble toujours avoir été tenu en haute estime. Dans la première annonce qu'il fait paraître à Toronto (The British Colonist, 11 novembre 1845), il se présente comme professeur de piano de vingt ans d’expérience et ancien élève de Domenico Crivelli, professeur de chant à la RAM de Londres. Clarke est en outre adepte de la méthode d'enseignement du piano de Johann Bernard Logier, une méthode progressiste malgré ses défauts qui met l'accent sur l'enseignement collectif. Ce n’est donc pas l’incompétence mais plus probablement la maladie, les rivalités et la malchance qui expliquent son retrait quasi complet de la scène musicale torontoise, entre le concert de mai 1855 à la Philharmonic Society et le début des années 1870. S'il a pu quitter la ville un certain temps, on sait qu’il demeurait à Toronto en 1861. Après 1855, toutefois, Clarke n’apparaît plus dans les documents officiels en tant que chef d'orchestre, organiste ou professeur.
En 1861, Clarke fait paraitre avec John Carter et G.W. Strathy A Selection of Chants and Tunes à l'intention du diocèse torontois de l'Église d'Angleterre (Toronto, 1861), et dirige un concert gala à l'occasion de l'ouverture de la première ligne de tramways à Toronto, ainsi qu'un concert d'extraits d'Il Trovatore, tous deux au Yorkville Town Hall qui vient d'être inauguré. Il est enregistré en tant que professeur de musique dans les annuaires, dans les années 1860; ce n'est donc qu'à la reprise des activités de la Philharmonic Society en 1872 que Clarke peut être de nouveau reconnu publiquement. Une santé défaillante va toutefois bientôt mettre un terme à sa carrière.
Compositions
Avant même de quitter l’Écosse, Clarke a déjà publié de ses pièces dans des publications comme le Border Galand (v. 1829), The Western Galand (v. 1832, The Harmonicon (1832-1833) et le Chameleon (1833). La plus intéressante d’entre elles, « Away to Loch Long » (parue dans le Chameleon), a été écrite d’une traite et présente un accompagnement original d’une grande diversité harmonique et rythmique. Ce morceau nous permet donc de supposer que la simplicité des autres compositions pour voix de Clarke est délibérée, non accidentelle.
Suivant les goûts de l’époque, Clarke se consacre entièrement, tant en Écosse qu’au Canada, à écrire « pour le peuple » et à édifier un patrimoine national. Les titres qu’il donne à ses œuvres canadiennes en font foi, témoignant de la réalité du pays : « The Wild Stream Leaps » (jouée en 1851), « The Maple Leaf » (Nordheimer, v. 1852 », « The Trapper’s Song » (Anglo-American Magazine, septembre 1852), « A Forest Home » (ibid., octobre 1852), « A Canadian Christmas Carol » (ibid., janvier 1853) et, surtout, son « Lays of the Maple Leaf, or, Songs of Canada » (Nordheimer, 1853), un cycle de sept morceaux pour voix solo, duo et chœur qui lui vaut une reconnaissance immédiate, et mérite sans aucun doute une renaissance moderne.
Seules trois pièces instrumentales ont été conservées : « The Janus Minuet » (Musical Times, New York, 25 avril 1852), un morceau très composé qui se joue de la même façon à l’endroit ou à l’envers; la « Burlington Polka » (1851), et l’enjouée « Favorite Toronto Air », qu’il a « arrangée comme un rondeau pour le piano forte » et dédié à Mme John McCaul (Nordheimer, avant 1853). Ces trois compositions, ainsi que sept des chansons et des morceaux pour chœur de Clarke ont été publiées dans le Patrimoine Musical Canadien, vols. 1, 2, 3 et 5. « Favorite Toronto Air » a été enregistrée par Elaine Keillor. La partition pour piano de Clifford Ford, « A Little Fantasy on J.P. Clarke’s Ballad “Summer and Winter” » (1986) est publiée dans le Musical Canada.
Un jeune contemporain de Clarke raconte qu’« au cours des dernières années de sa carrière, il a composé nombre de trios et de quatuors pour orchestre de chambre aussi appréciables qu’originaux, selon les meilleurs modèles classiques » (« Music in Toronto », The Mail, 21 décembre 1878). Il indique par ailleurs que Clarke, dans ses dernières années, joue du second violon ou de l’alto dans des ensembles de chambre, ce qui indique que ses compositions d’alors sont purement instrumentales et non destinées à des performances vocales.
Diplôme controversé
Si Clarke s’est vu décerner un doctorat en musique (le premier donné par une université canadienne), on n’en est pas encore certain (voir Grades en musique). Le programme de musique à l’Université de Toronto, créé le 1er juillet 1856, nomme Clarke parmi ses futurs diplômés. Toutefois, sur la copie trouvée dans les archives de l’Université, le nom de Clarke est rayé et une annulation apparaît dans la marge, ce qui suggère un abandon de dernière minute. D’autres archives universitaires ainsi que plusieurs dictionnaires reconnus font état de son doctorat, alors que Clarke lui-même s’identifie, après 1856, avec la seule mention de B.Mus. Il a été dit de lui après sa mort, sans fondement, qu’il détenait un doctorat de l’Université d’Oxford.
Importance historique
Clarke n'est pas seulement le premier musicien du Canada dont le nom ait trouvé place dans les principaux dictionnaires musicaux (qui, malheureusement, contiennent autant d'erreurs que de vérités), mais également le premier musicien du Canada anglais à avoir écrit et publié un nombre appréciable de compositions. Outre Parochial Psalmody et l'ouvrage en coédition A Selection of Chants and Tunes déjà cités, ses recueils incluent The Choir (Glasgow? 1835, choix de chœurs, d'hymnes, etc., coédité avec A. Thomson) et Canadian Church Psalmody (Toronto 1845; contient deux Te Deum et sept autres pièces de sa composition).
Une version de cet article est parue originalement dans l’Encyclopédie de la musique au Canada.
Voir aussi Hugh Clarke, son fils, et Inventions et appareils.