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Jean-Marc Vallée

Jean-Marc Vallée, réalisateur, scénariste, monteur, producteur (né le 9 mars 1963 à Montréal, au Québec; décédé le 25 décembre 2021 à Berthier-sur-Mer, au Québec). Le cinéaste québécois Jean-Marc Vallée était l’un des cinéastes canadiens les plus honorés. Artiste habile au talent pour la sentimentalité astucieuse et l’intensité dramatique, Jean-Marc Vallée était reconnu pour sa capacité à tirer des performances authentiques et sincères de ses acteurs. Il est surtout connu pour ses films ayant comme protagonistes des personnages perdus ou blessés qui tentent de se retrouver ou de se guérir; comme dans son film sur l’âge de la maturité C.R.A.Z.Y. (2005), un film largement considéré comme l’un des meilleurs films canadiens de tous les temps, qui obtient de multiples prix Génie, dans ses drames hollywoodiens Dallas Buyers Club (2013), Wild (2014), et Demolition (2015), et dans ses séries sur la chaîne HBO Big Little Lies (2017-2019) et Sharp Objects (2018). Jean-Marc Vallée a remporté de nombreux prix Génie et prix Iris, deux prix Emmy, un Prix du Gouverneur général pour les arts du spectacle, et de nombreuses distinctions internationales.

Jean-Marc Vallée

Éducation et début de carrière

Jean‑Marc Vallée étudie en cinéma à l’Université de Montréal. S’appuyant sur la force de son court métrage primé Stéréotypes (1992), il passe à la réalisation d’un long métrage avec Liste noire (1995), un film de genre habilement conçu. Ce thriller policier film d’inspiration hitchcockienne se démarque à la fois du cinéma d’auteur artistique et des comédies commerciales grossières qui caractérisent le cinéma québécois de l’époque. Le film devient le film québécois le plus rentable de 1995, et obtient neuf nominations pour les  prix Génie, notamment dans les catégories du meilleur réalisateur et du meilleur montage.

Enhardi par ce succès, Jean‑Marc Vallée déménage à Los Angeles. Il réalise le western Los Locos (1998), mettant en vedette et produit par Mario Van Peebles, et le thriller érotique Loser Love (1999). Il réalise également deux autres courts métrages acclamés par la critique; Les Fleurs magiques (1995), qui remporte un prix Génie, et Les Mots magiques (1998), qui obtient un prix Jutra.

C.R.A.Z.Y. (2005)

Jean-Marc Vallée est découragé par les projets vides qui lui sont proposés. Il commence à travailler sur une idée de scénario qui lui est présentée par son ami François Boulay au sujet de sa propre expérience de jeune homme homosexuel ayant grandi au  Québec durant la Révolution tranquille. Jean-Marc Vallée et François Boulay s’inspirent de leurs propres expériences d’enfances et complètent le scénario de  C.R.A.Z.Y.. Le scénario est à l’origine centré sur une famille catholique de Boston, tel que Jean-Marc Vallée prévoit le présenter aux producteurs hollywoodiens. Cependant, son ami Michel Côté, qui faisait partie de la distribution de Liste noire et dont la célébrité au Québec lui donne un certain pouvoir d’influence sur l’industrie, convainc Jean‑Marc Vallée de situer le film au Québec et de le tourner en français. Cet exploit prend une dizaine d’années à se réaliser. Jean-Marc Vallée est si déterminé à créer un ton et un style particulier qu’il diffère volontairement ses honoraires de réalisateur et de coproducteur, soit un total d’environ 600 000 $, afin de pouvoir couvrir le coût substantiel des droits musicaux de 6,5 millions de dollars dans le budget du film.

Michel Côté joue le rôle du père canadien‑français conventionnel qui a de la difficulté à s’entendre avec ses cinq fils; plus particulièrement avec Zachary (joué par Marc‑André Grondin) dont l’homosexualité naissante est perçue par son père comme étant incompréhensible. Le scénario nostalgiquement accrocheur du film, le superbe jeu des acteurs, la bande sonore remarquable et la réalisation de main de maître font de C.R.A.Z.Y. cette chose la plus rare : un film fortement divertissant et accessible qui reflète une expérience canadienne réelle dans laquelle on peut se reconnaître.

C.R.A.Z.Y. devient un succès critique et commercial au Québec et à l’étranger. Il est le film canadien le plus rentable de l’année, et il remporte de nombreux prix importants. Il reçoit dix prix Génie et 13 prix Jutra (maintenant les prix Iris), incluant des prix pour le meilleur film, le meilleur réalisateur et le meilleur scénario original. Il remporte également la  Bobine d’or (maintenant le prix Écran d’or Cineplex pour un long métrage) pour le film canadien ayant obtenu les meilleures recettes de l’année au guichet; le Billet d’or pour les meilleures recettes de l’année au Québec; et le prix Jutra (maintenant prix Iris) pour le film s’étant le plus illustré à l’extérieur du Québec deux années de suite.

Marc-André Grondin, Michel Côté et Jean-Marc Vallée

The Young Victoria (2009)

Le réalisateur américain Martin Scorsese est un grand admirateur de C.R.A.Z.Y.. Il engage Jean‑Marc Vallée pour réaliser The Young Victoria (2009; v.f. Victoria : Les jeunes années d’une reine), un film romancé sur la relation entre la reine Victoria et le Prince Albert. Le scénario est écrit par le scénariste oscarisé Julian Fellowes (Gosford Park [v.f. Un week-end à Gosford Park], Downton Abbey) et met en vedette Emily Blunt. The Young Victoria est généralement bien accueilli par la critique et par le public. Il prouve que Jean-Marc Vallée peut également livrer la marchandise lorsqu’il est engagé sur des projets à gros budget. Le film remporte une douzaine de prix internationaux, incluant un BAFTA et un Oscar pour la conception des costumes.

La transition réussie de Jean-Marc Vallée à Hollywood marque également la maturation du cinéma québécois et l’ascension de l’un de ses meilleurs cinéastes au niveau des artistes de premier plan des talents de Hollywood. Les réalisateurs Philippe FalardeauXavier Dolan et surtout Denis Villeneuve suivent bientôt les traces de Jean‑Marc Vallée.

Café de Flore (2011)

Quelle que soit la notoriété du film The Young Victoria, il n’arrive pas à la cheville de l’émouvant C.R.A.Z.Y.. Le film suivant de Jean‑Marc Vallée, Café de Flore, une coproduction franco‑canadienne, est un conte ambitieux, presque mystique, sur l’amour filial et la nature des âmes sœurs. Largement inspiré du propre divorce de Jean-Marc Vallée, c’est un film d’art complexe qui se déplace entre plusieurs personnages et se déroule sur différentes époques. Café de Flore reçoit un accueil mitigé de la critique et du public lors de sa sortie. Mais il obtient 13 nominations pour les prix Génie, et devient par la suite un film culte.

Dallas Buyers Club (2013) et Wild (2014)

Après cette incursion dans l’univers du chic film d’auteur, le polyvalent Jean‑Marc Vallée retourne à Hollywood pour réaliser deux films biographiques à la distribution impressionnante. Le film Dallas Buyers Club (2013) devient le premier film réalisé par un québécois à être en nomination aux Oscars dans la catégorie du meilleur film. Le film Wild (2014) est basé sur le best-seller autobiographique de Cheryl Strayed qui raconte sa randonnée de 1770 km le long de la Pacific Crest Trail, après des années de toxicomanie et de traumatismes. La réputation de Jean-Marc Vallée en tant que directeur d’acteurs est solidifiée lorsque Matthew McConaughey et Jared Leto remportent tous deux des Oscars pour leur travail dans Dallas Buyers Club, et que Reese Witherspoon et Laura Dern obtiennent des nominations pour Wild. Jean-Marc Vallée et son co-monteur Martin Pensa obtiennent une nomination pour le montage du film Dallas Buyers Club.

Jean-Marc Vallée tourne une scène avec Reese Witherspoon pour le film Wild (2014)

Demolition (2015) et séries sur HBO

Jean-Marc Vallée continue à s’établir en tant que réalisateur prolifique de premier plan avec le film Demolition. Ce film est son quatrième long métrage en cinq ans. Il met en vedette Jake Gyllenhaal, Naomi Watts et Chris Cooper, et il raconte l’histoire d’un homme aux prises avec la mort subite de son épouse. Le film fait l’ouverture du Festival international du film de Toronto et remporte le Audience Award lors du SXSW Film Festival de 2016.

Jean‑Marc Vallée continue à faire preuve d’une remarquable endurance créative en réalisant l’intégralité des deux premières saisons de séries notables diffusées sur HBO : la série Big Little Lies (2017-2019), écrite par David E. Kelley et mettant en vedette Reese Witherspoon, Nicole Kidman, Shailene Woodley et Laura Dern; et la série Sharp Objects (2017), une adaptation du roman policier primé de Gillian Flynn, mettant en vedette Amy Adams. Big Little Lies devient l’un des drames les plus acclamés de l’année. La série remporte huit prix Emmy, incluant celui pour la réalisation exceptionnelle de minisérie, film ou émission spéciale dramatique, et celui de minisérie exceptionnelle.

Lors d’une entrevue pour le Globe and Mail en 2016, Jean-Marc Vallée déclare, au sujet de la différence entre un film pour le cinéma et une série télévisée : « ce n’est pas de la télévision, il s’agit simplement d’un film qui dure sept heures. On tourne les épisodes un, deux et trois comme des longs métrages, on fait une pause de dix jours, et on est de retour pour tourner les épisodes quatre, cinq, six, sept comme un autre long métrage. C’est un marathon, mais c’est le même genre de travail créatif.

En décembre 2018, HBO annonce que Jean-Marc Vallée réaliserait la minisérie Gorilla and the Bird, écrite par le scénariste de Demolition, Bryan Sipe, et basée sur les mémoires de Zach McDermott à propos de son combat avec la psychose.

Jean-Marc Vallée (à gauche) avec Jake Gyllenhaal sur le plateau du film Demolition (2015).

Vie personnelle

Jean-Marc Vallée a été marié à l’actrice et écrivaine Chantal Cadieux de 1990 à 2006. Ils ont deux fils. Alex Vallée est acteur, il a joué dans plusieurs séries télévisées québécoises, ainsi que dans le film Starbuck (2011) de Ken Scott, un succès au box-office. Émile Vallée est monteur. Il a obtenu une nomination pour un prix Emmy avec son père pour leur travail sur Sharp Objects.

Jean-Marc Vallée est décédé subitement d’un arrêt cardiorespiratoire à son chalet situé à l’extérieur de la ville de Québec, le jour de Noël 2021. Son décès à l’âge de 58 ans, annoncé le lendemain de la découverte de son corps, sème des ondes de choc dans les industries cinématographiques du Canada et de Hollywood. Dans une chronique spéciale du Hollywood Reporter publiée quelques jours après la mort de Jean-Marc Vallée, le réalisateur Denis Villeneuve qualifie Jean-Marc Vallée de “… phare. Il a été celui qui nous a montré le chemin. Il était une bouffée d’air frais vraiment nécessaire dans un paysage cinématographique parfois léthargique. C’était un homme qui ne faisait pas de compromis. Il visait la vérité émotionnelle et l’authenticité de la vie… Il aimait l’humanité, n’en cherchant ni la rédemption ni l’évolution, mais embrassant plutôt sa condition.”


Prix

Prix Génie

  • Meilleur court métrage (Les Fleurs magiques) (1996)
  • Meilleur film (C.R.A.Z.Y.) (2005)
  • Meilleur réalisateur (C.R.A.Z.Y.) (2005)
  • Meilleur scénario original (C.R.A.Z.Y.) (2005)
  • Prix Bobine d’or (C.R.A.Z.Y.) (2005)

Prix Jutra

  • Meilleur court métrage (Les Mots magiques) (1999)
  • Meilleur film (C.R.A.Z.Y.) (2006)
  • Meilleur réalisateur (C.R.A.Z.Y.) (2006)
  • Meilleur scénario (C.R.A.Z.Y.) (2006)
  • Film s’étant le plus illustré à l’extérieur du Québec (C.R.A.Z.Y.) (2006)
  • Billet d’or (C.R.A.Z.Y.) (2006)
  • Film s’étant le plus illustré à l’extérieur du Québec (C.R.A.Z.Y.) (2007)

Autres

  • Meilleure comédie (Stéréotypes), Yorkton Short Film Festival (1992)
  • Réalisateur le plus prometteur, Rendez‑vous du cinéma québécois (1992)
  • Grand Prix (Les Fleurs magiques), compétition internationale du Festival international du court métrage de Clermont‑Ferrand (1998)
  • Prix du Jury, meilleur film dramatique (Les Mots magiques), Aspen Shortsfest (1999)
  • Meilleur film canadien (C.R.A.Z.Y.), Festival international du film de Toronto (2005)
  • Prix du public (C.R.A.Z.Y.), AFI Fest (2005)
  • Prix du public (C.R.A.Z.Y.), Atlantic Film Fest (2005)
  • Meilleur réalisateur (C.R.A.Z.Y.), Festival international du film de Gijón (2005)
  • Meilleur scénario (C.R.A.Z.Y.), Festival international du film de Gijón (2005)
  • Prix spécial du jury, meilleur film (C.R.A.Z.Y.), Festival international du film de Gijón (2005)
  • Meilleur film canadien (C.R.A.Z.Y.), Vancouver Film Awards Critics Circle (2006)
  • Prix du public, meilleur film narratif (The Young Victoria), Hamptons International Film Festival (2009)
  • Prix du public (The Young Victoria), Cinéfest Sudbury (2009)
  • Meilleur film canadien (Café de Flore), Atlantic Film Festival (2011)
  • Meilleur film canadien (Café de Flore), Vancouver Film Critics Circle (2012)
  • Prix Sebastiane (Dallas Buyers Club), Festival International du Film de San Sebastián (2013)
  • Meilleure révélation pour un réalisateur (Wild), Hollywood Film Awards (2014)
  • Prix du Centre national des arts, Prix du Gouverneur général pour les arts du spectacle (2015)
  • Meilleure réalisation pour une minisérie, un téléfilm ou une émission spéciale dramatique (Big Little Lies), prix Primetime Emmy (2017)
  • Meilleure minisérie (Big Little Lies), prix Primetime Emmy (2017)
  • Prix pour remarquable réalisation cinématographique pour télévision et télésérie (Big Little Lies), Directors Guild of America (2018)