Jean Vauquelin, navigateur et officier de marine français (né en février 1728 à Dieppe, France; décédé le 10 novembre 1772 à Rochefort, France). Navigateur de talent depuis son plus jeune âge, il s’illustre comme capitaine de navire marchand, puis officier naval pendant la guerre de Sept Ans. Son sang-froid, son audace et ses talents de commandant sont remarqués lors des sièges de Louisbourg en 1758 et de Québec en 1759 et 1760.
Définitions
Roturier/roturière - Personne qui ne provient pas de la noblesse
Corsaire – Navire marchand armé qui s’attaque aux navires d’autres pays avec l’autorisation du gouvernement.
Mousse – Jeune garçon qui fait son apprentissage du métier de la mer.
Jeune marin
L’enfance de Jean Vauquelin demeure mal connue. Il naît en 1728 à Dieppe, une ville portuaire du nord de la France. Vers l’âge de 12 ans, il voyage aux côtés de son père, un armateur investi dans le commerce avec les Antilles. C’est auprès de lui qu’il apprend les rudiments de la navigation et le rude métier de corsaire. S’il paraît jeune pour exercer ce métier, il faut savoir que c’est vers cet âge en moyenne que de jeunes Français, souvent fils de marins, s’engagent comme mousses à bord des navires marchands au 18e siècle. Jean Vauquelin évolue dans cet univers maritime et s’affirme rapidement comme un navigateur de talent. C’est ainsi qu’il est nommé, à l’aube de ses 20 ans, officier sur une frégate armée lors de la guerre de Succession d’Autriche (1740-1748).
Après les hostilités, Jean Vauquelin poursuit ses activités en tant que capitaine à bord d’un navire marchand. Lorsque la guerre de Sept Ans (1756-1763) éclate, le commandant de la marine au Havre le recrute pour servir comme officier bleu. C’est ainsi qu’on désigne les roturiers recrutés dans la marine marchande au 18e siècle pour servir, à titre temporaire, dans la marine royale. Les officiers bleus se distinguent des officiers rouges issus de la noblesse.
Siège de Louisbourg 1758
En 1758, Jean Vauquelin est nommé lieutenant de frégate. Il commande alors l’Aréthuse, une frégate de 30 canons rattachée à l’escadre chargée de ravitailler la ville fortifiée de Louisbourg, capitale de la colonie française de l’Île-Royale. La forteresse est alors assiégée et bloquée par une force britannique considérable composée de 150 navires de transport et d’une escadre de 40 navires.
Contre toute attente, Jean Vauquelin parvient à forcer le blocus et rejoint Louisbourg le 9 juin. Il participe activement à la défense de la place. L’Aréthuse, ancrée dans le port, entrave fortement les manœuvres de l’ennemi par un feu nourri. Malgré la défaite française, les actions de Jean Vauquelin sont remarquées par ses supérieurs, qui lui font des éloges. Tous soulignent « la fermeté et le sang-froid avec lequel (sic) le [capitaine] Vauquelin qui commande cette frégate a essuyé le feu du canon et des bombes de l’ennemi dans le port qui lui avait été confié. »
En juillet 1758, Jean Vauquelin obtient l’autorisation du gouverneur Augustin de Boschenry de Drucourt de retourner en France étant donné la situation périlleuse à Louisbourg. Jean Vauquelin parvient une seconde fois à tromper la vigilance des bateaux britanniques qui tiennent le blocus. Il sème ses poursuivants, traverse l’océan Atlantique et repasse en France après une traversée fulgurante qui lui vaut les félicitations du ministre de la Marine, Nicolas René Berryer. (Voir aussi Ministère de la Marine.)
La duchesse de Mortemart, enthousiasmée par le récit des exploits de Jean Vauquelin, demande alors au ministre Berryer de lui accorder une promotion. Ce dernier reconnaît que Vauquelin est un héros, mais qu’il n’est pas un gentilhomme. Malgré ses exploits, Jean Vauquelin n’est donc pas promu capitaine de vaisseau en raison de ses origines roturières.
Siège de Québec 1759
En mai 1759, Jean Vauquelin est de retour au Canada comme commandant de la frégate Atalante, un navire de 34 canons. Il escorte un convoi de trois navires transportant du matériel jusqu’à Québec. Il précède de quelques jours seulement l’arrivée des forces britanniques venues assiéger la ville et commandées par le major général James Wolfe. Les troupes britanniques sont transportées par une puissante marine de 186 navires. Cette flotte comprend 49 navires de guerre, le reste étant composé de navires de transport de troupes, de matériel et de bateaux-hôpitaux.
Aussitôt arrivé à Québec, Jean Vauquelin est nommé responsable de la défense du port par le gouverneur Pierre de Rigaud de Vaudreuil de Cavagnial. Il est également chargé de l’inspection des batteries de canons des fortifications de la ville. Il était courant lors des batailles, aux 18e et 19e siècles, que des officiers navals se voient confier des tâches liées à l’artillerie. La nature de leur métier et de la guerre en mer en faisait des officiers particulièrement compétents dans ce domaine.
Jean Vauquelin s’acquitte de sa mission avec l’énergie habituelle. Par contre, sa rivalité avec le capitaine Jacques Kanon fait échouer ses efforts pour coordonner les forces navales françaises devant Québec. Favori du munitionnaire général des armées françaises au Canada, Joseph-Michel Cadet, Jacques Kanon exerce une forte influence à Québec. À un certain moment, il refuse même de servir sous les ordres de Jean Vauquelin, dont le grade est pourtant supérieur au sien. Finalement, la défense de Québec ne résiste pas à l’invasion britannique et la ville capitule le 18 septembre 1759, quelques jours après la bataille des plaines d’Abraham.
Au printemps 1760, Jean Vauquelin constitue une petite flotte composée de l’Atalante, la Pomone, la Pie et quelques autres embarcations. Il accompagne l’armée de François-Gaston de Lévis en route pour reprendre la ville de Québec. Malgré la victoire de la bataille de Sainte-Foy le 28 avril 1760, les Français ne parviennent pas à reprendre la ville et abandonnent le siège après l’arrivée de navires britanniques venus secourir Québec. Le 16 mai, l’Atalante (34 canons) est prise en chasse par les navires anglais Lowestoft (28 canons) et Diana (32 canons). Jean Vauquelin couvre la retraite des navires de transport qui l’accompagnent et attirent ses ennemis plus loin, près de Pointe-aux-Trembles (Neuville). Malgré une situation défavorable, il oppose une farouche résistance et fait évacuer son équipage sur la berge sous un feu incessant. Selon un rapport militaire de mai 1760, Jean Vauquelin combat les tirs britanniques pendant deux heures sans baisser le pavillon du roi. À bout de munitions, il est fait prisonnier. Un bon nombre d’officiers et de membres d’équipage sont tués ou blessés.
Fin de carrière
La ténacité de Jean Vauquelin impressionne fortement ses adversaires. Le commandant de Québec James Murray, le considère comme un combattant exceptionnel, si bien qu’il est rapidement libéré et retourne en France. De retour au pays, Jean Vauquelin poursuit sa carrière dans la marine royale et obtient le grade de lieutenant de vaisseau en 1761. Il commande plusieurs navires, tels que la Bricole, la Coulisse et la Garonne, qui l’amènent jusque dans l’océan Indien.
En décembre 1769, Jean Vauquelin est accusé de commerce illicite, notamment en ce qui concerne la traite des Noirs. (Voir aussi Esclavage des Noirs au Canada.) Un ordre royal le condamne à trois mois de prison au château du Taureau. Transféré à Nantes, il n’est libéré que le 1er mai 1770. En août 1772, il se voit confier le commandement du Faune, mais son état de santé se dégrade précipitamment. Jean Vauquelin meurt de maladie à Rochefort, trois mois plus tard.
Héritage
La vie de Jean Vauquelin est à l’image de nombre d’officiers qui s’illustrèrent par leur bravoure au 18e siècle, mais dont les origines roturières furent un obstacle à la réalisation de leurs ambitions dans la société française de l’Ancien Régime. (Voir aussi Régime seigneurial.) Ses exploits inspirent de nombreux auteurs canadiens. Certains, comme Faucher de Saint-Maurice et le poète Louis Fréchette, succombent à la tentation d’élever son histoire au rang de légende. D’autres, comme Aegidias Fauteux et Gustave Lanctôt, dressent de lui un portrait plus nuancé, sans doute plus près de la réalité. Une statue à son image est inaugurée le 22 juin 1930 à Montréal en face du monument dédié à l’amiral anglais Horatio Nelson.