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Thomas Watson Kirkconnell

Thomas Watson Kirkconnell, professeur d’université et administrateur (né le 16 mai 1895, à Port Hope, en Ontario; décédé le 26 février 1977, à Wolfville, en Nouvelle‑Écosse). Professeur d’anglais et de lettres classiques, Thomas Watson Kirkconnell est devenu l’un des traducteurs les plus prolifiques du Canada et le récipiendaire d’honneurs tant canadiens qu’étrangers. Il a été membre fondateur du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada. L’un des premiers pluralistes culturels, il a promu la tolérance et la célébration des cultures européennes au Canada, une diversité qu’il décrivait en utilisant la métaphore de la tapisserie.

Jeunesse et formation

Thomas Watson Kirkconnell est le troisième des cinq enfants de Thomas Allison et Bertha Gertrude (née Watson) Kirkconnell. D’une santé fragile, il ne fréquente l’école qu’à compter de l’âge de sept ans. Après avoir obtenu son diplôme du Lindsay Collegiate Institute avec distinction, il étudie à l’Université Queen’s pendant trois ans, obtenant une maîtrise en 1916 et recevant des médailles universitaires en grec et en latin.

Il cherche ensuite à s’enrôler dans l’armée pour servir en Europe; toutefois, n’ayant pas été accepté pour des raisons médicales, il passe le reste de la Première Guerre mondiale à travailler dans le secteur de l’internement. Souhaitant embrasser une carrière d’anthropologue, il se lance, de manière autonome, dans de nombreuses études dans ce domaine, avant que Franz Boas ne le dissuade de chercher à obtenir un diplôme. Éclectique dans ses choix de carrière, les différents cheminements qu’il entame en la matière sont continuellement entravés par la maladie. Il opte finalement pour le journalisme et postule, avec succès, pour une bourse de l’IODE lui permettant d’étudier à l’étranger en vue de l’obtention d’un baccalauréat en lettres avec spécialisation en économie à l’Université d’Oxford. Bien que n’ayant pas obtenu son diplôme, il verra sa thèse, The International Aspects of Unemployment, publiée en 1923.

Professeur d’université

Les débuts de la carrière universitaire de Thomas Watson Kirkconnell sont en grande partie marqués par le hasard. À l’automne 1922, alors qu’il est encore en train de réviser sa thèse de baccalauréat pour en faire le manuscrit d’un livre, il accepte un poste de chargé de cours remplaçant au département d’anglais du Wesley College (devenu ultérieurement le United College et aujourd’hui l’Université de Winnipeg). Il gravit rapidement les échelons universitaires et est nommé professeur titulaire en 1930. Trois ans plus tard, il accepte l’offre de présider le département de lettres classiques, un poste qu’il occupe jusqu’en 1940. Il répond ensuite positivement à la proposition de présider le département d’anglais à l’Université McMaster, des fonctions qu’il conserve jusqu’en 1948. À compter de cette date et jusqu’à sa retraite, en 1964, il sera le 11e président de l’Université Acadia.

Traducteur et poète

Ayant traduit plus de 4 000 pages de poésie de langues européennes différentes, Thomas Watson Kirkconnell s’avère un traducteur particulièrement ambitieux. Cette passion pour la traduction, qu’il conservera toute sa vie, prend naissance en 1925 à la suite du décès en couches de sa première femme Isabel. Ces circonstances tragiques l’amènent à traduire en anglais une centaine d’élégies dans près de 40 langues différentes. (Il épousera ensuite Helen Kitchener en 1930, avec laquelle il aura trois filles, qui viendront s’ajouter aux jumeaux nés de son premier mariage.)

Parmi ses publications ultérieures, on compte des traductions de recueils de poésie hongroise, islandaise, polonaise et ukrainienne. Son travail inclut également un certain nombre d’études sur John Milton, publiant trois volumes d’analogues traduits (des modèles qui pourraient avoir influencé les propres œuvres du poète). Bien que Thomas Watson Kirkconnell ait également composé plus d’un millier de pages de poésie originale, sa propre production n’est pas accueillie aussi bien que ses travaux de traduction. La professeure de traduction Judith Woodsworth suggère que cela est en partie dû à « la qualité inégale de son vaste corpus d’œuvres » et à son insistance à rester « solidement enraciné dans les traditions du 19e siècle ».

Pluralisme culturel et racisme

À l’époque où il mène, de manière autonome, des études en anthropologie et dans un certain nombre de domaines connexes, Thomas Watson Kirkconnell adopte et défend passionnément la théorie d’une inégalité des races et, plus particulièrement, de la supériorité des peuples « blancs » sur les peuples « non blancs ». Alors qu’il est encore jeune homme, il avance que l’immigration au Canada devrait être réservée aux Britanniques ou aux « Anglo‑Saxons », défendant également des politiques eugéniques comme la stérilisation des personnes jugées « inaptes ». Après avoir déménagé dans la ville plus cosmopolite de Winnipeg, alors qu’il pleure la perte de sa femme, il en vient à accepter l’égalité de tous les peuples européens, allant même bien au‑delà, en se faisant le champion de ceux qu’il appelle les « néo‑Canadiens », c’est‑à‑dire les immigrants d’Europe continentale et leurs descendants au Canada.

Ses efforts novateurs consistent principalement à traduire la poésie des immigrants en anglais et à tenter de faire connaître leurs contributions à la culture et à la société canadiennes. Outre ses traductions de poésie, entre 1935 et 1964 il mène également une enquête annuelle sur les ouvrages publiés dans des langues autres que l’anglais ou le français au Canada, pour la revue University of Toronto Quarterly. Dans l’un des recueils qu’il a traduits, Canadian Overtones (1935), il demande que des jours fériés nationaux, des programmes scolaires publics, des cours universitaires et même un institut national soient consacrés à l’histoire des diverses cultures et à leur coexistence au Canada. Son plaidoyer découle de la conviction que la fierté de leur culture d’origine inciterait les immigrants à s’efforcer d’être les meilleurs citoyens canadiens possibles. Il n’embrasse pas la métaphore de la mosaïque de son pair John Murray Gibbon, préférant évoquer une « tapisserie » nationale, dans laquelle les fils colorés de multiples cultures sont tissés en une pièce unique que constitue l’identité nationale.

Le militantisme de Thomas Watson Kirkconnell ne s’étend toutefois ni aux personnes d’origine africaine ou asiatique ni à celles d’ascendance autochtone. Bien qu’il soit conscient de leur culture, basant même, dans certains cas, sa poésie sur des récits autochtones traditionnels, il ne va pas au‑delà dans ses échanges avec eux. Cette décision est le résultat de sa croyance profondément ancrée en la supériorité biologique des personnes d’ascendance européenne. Jusqu’en 1953, il reste opposé au mariage interracial et, en 1966, il loue des recherches prétendant montrer que les Afro‑Américains sont intellectuellement inférieurs aux Américains blancs, soutenant également que les partisans de l’égalité raciale défendent des dogmes et non pas des faits.

En raison de son expertise en matière de cultures européennes, Thomas Watson Kirkconnell est sollicité par le gouvernement fédéral qui lui demande de l’aider à promouvoir l’unité nationale, au cours de la Deuxième Guerre mondiale. Il s’agit notamment de publier une brochure intitulée Ukrainian Canadians and the War et d’élaborer un programme appelé Canadians All consistant en une série radiophonique et en une brochure du même nom, publiée en anglais et en français et distribuée dans tout le pays. Toutefois, en raison des préjugés de leur auteur, ces initiatives excluent les personnes d’origine asiatique, africaine et autochtone (bien que ces dernières aient été incluses dans une deuxième édition de la brochure). En 1942, il est l’un des membres fondateurs du Comité de collaboration entre les citoyens canadiens. ( Voir aussi Citoyenneté canadienne.) Cependant, son anticommunisme déclaré devient rapidement une importante source de friction et il démissionne en 1944.

Guerrier de la guerre froide

Thomas Watson Kirkconnell est l’un des premiers et des plus virulents anticommunistes au Canada, faisant part de ses inquiétudes en la matière dès 1939. Toutefois, exaspéré par les réactions de ses opposants à ses positions, qui estiment qu’il invente les accusations qu’il formule, il s’abonne à plusieurs journaux russes et se lance dans une recherche méticuleuse dans d’autres publications, travaillant dans les bibliothèques publiques, en se concentrant plus particulièrement sur les lois adoptées et en rassemblant un énorme dossier de photocopies de sources originales, qu’il intitule « The Red Record ». Même si ce dossier ne sera jamais publié, son auteur présente certaines de ses recherches dans des conférences et des discours et transmet des renseignements à la GRC et à divers politiciens canadiens. Cependant, d’autres responsables politiques estiment que son militantisme pose un problème, le premier ministre William Lyon Mackenzie‑King envisageant même, tranquillement, par exemple, de le faire taire par décret.

En fin de compte, le conseil des gouverneurs de l’Université Acadia fait ce que le gouvernement fédéral n’a pas réussi à faire, imposant à Thomas Watson Kirkconnell de mettre un frein à sa campagne anticommuniste publique virulente. Cependant, en 1959, lors d’un incident embarrassant qui attire l’attention du pays, Thomas Watson Kirkconnell émet l’hypothèse, dans le journal local, que la fluoration de l’eau pourrait être un complot visant à rendre les Nord‑Américains mentalement favorablement prédisposés à la domination communiste. À la fin de sa vie, ses idées conspirationnistes débordent le champ du communisme et le conduisent à des positions de plus en plus extrémistes, notamment dans le cadre d’une chasse aux « preuves » visant à démontrer que le nombre de victimes de l’Holocauste a été gonflé, et à la croyance en d’autres théories antisémites.

Postérité

Au cours de sa vie, Thomas Watson Kirkconnell reçoit de nombreux prix, dont une douzaine de diplômes honorifiques, notamment la médaille Taras Shevchenko (1962) et la grande plaque Shevchenko (1964) du Comité ukrainien canadien; la médaille d’or de la liberté des Hungarian Freedom fighters (1964), la médaille George‑Washington de l’American Hungarian Studies Association (1967) et la médaille du Conseil de recherche en sciences humaines (1964). En 1963, il est intronisé chevalier commandeur de l’Order of the Icelandic Falcon et, en 1968, officier de l’Ordre du Canada.

En 1979, la salle Watson‑Kirkconnell des archives Esther Clark Wright, de l’Université Acadia, est créée pour abriter ses livres, ses dossiers et ses décorations. En 1986, la bibliothèque de l’Université Acadia publie un ouvrage contenant une notice biographique et la première tentative de bibliographie complète de ses œuvres.