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Éducation antiraciste au Canada

L’éducation antiraciste est une stratégie éducative axée sur l’action qui a émergé au Canada dans les années 1960 grâce à l’activisme des membres de la communauté noire. L’objectif était de lutter contre le racisme et contre les autres systèmes connexes d’oppression sociale, dans des institutions comme les écoles. Les enseignants antiracistes du Canada considèrent que la suprématie blanche et le colonialisme sont des facteurs ayant contribué au racisme systémique d’aujourd’hui. Au fil des années, l’antiracisme a évolué dans les écoles canadiennes afin de lutter contre le racisme dans l’éducation et pour discuter des questions d’équité, de pouvoir, d’accès, de privilège blanc, et d’inégalités systémiques. Les initiatives antiracistes continuent d’évoluer dans les écoles canadiennes. Elles aident les enfants à comprendre comment reconnaître et combattre le racisme tout en contribuant à créer l’équité et le changement sociétal. 

Définitions

Suprématie blanche Idéologie selon laquelle les personnes blanches sont supérieures et devraient dominer la société.

Privilège blanc Avantages non mérités dont bénéficient les personnes blanches et qui leur permettent d’avoir accès à des ressources, ce qui les différencie de tout autre groupe racial au Canada.

Qu’est-ce que l’éducation antiraciste ?

L’éducation antiraciste consiste à reconnaître, par le biais de l’enseignement, la signification du concept de la race tout en examinant les liens entre le racisme d’aujourd’hui et l’histoire du colonialisme au Canada. Le racisme n’est pas seulement à propos d’actes individuels de préjudices, d’attitudes violentes, de perceptions négatives, et de stéréotypes véhiculés par certaines personnes. En raison de l’histoire colonialiste du Canada, le racisme est structurellement intégré en tant que pratique dans les écoles. Ceci est généralement reconnu comme du racisme systémique, et se reflète dans les diverses manières dont le pouvoir et le privilège agissent pour créer de la discrimination contre les élèves appartenant à des groupes minoritaires.

Les enseignants antiracistes reconnaissent l’histoire de la race comme étant une construction sociale. Ceci veut dire que le concept de la race a été créé par des personnes, et qu’il n’a aucune base scientifique ou biologique; cependant, il a de réelles conséquences sociales. Un des points clés de l’éducation antiraciste est que c’est le racisme qui fait en sorte que le concept de la race soit réel. Les enjeux de race et de différence sociale sont des questions de pouvoir et d’équité. En d’autres mots, l’éducation antiraciste détecte un lien entre la couleur de peau d’une personne et sa capacité à accéder à du pouvoir et des ressources. L’éducation antiraciste est étroitement liée à l’identification du racisme anti-noir et la lutte contre ce dernier : les pratiques qui imposent des hiérarchies raciales selon lesquelles les Noirs sont au bas de l’échelle.

Les enseignants antiracistes réfléchissent activement à leur enseignement et à tout potentiel de préjugés involontaires. L’éducation antiraciste est nécessaire pour lutter contre les défis auxquels sont confrontés les élèves non blancs, ainsi que pour encourager leurs réussites au sein du système scolaire. Elle fait appel aux enseignants pour aller de l’avant dans l’édification d’un système éducatif qui est équitable et exempt de toute injustice raciale. Il est également nécessaire pour les éducateurs d’aider les élèves blancs à travailler en solidarité avec leurs pairs non blancs. Au cours des dernières années, l’éducation antiraciste a été appelée à aborder les questions de l’indigénéité et du colonialisme. (Voir Peuples autochtones au Canada.) 

Racisme au sein de l’éducation canadienne

Le racisme dans les écoles est bien documenté. Il a commencé avec l’instauration de pensionnats indiens à travers le Canada dans les années 1800, et la mise en œuvre de la ségrégation raciale imposée aux élèves non blancs. (Voir Ségrégation raciale des Noirs au Canada; Ségrégation raciale des Autochtones au Canada; Ségrégation raciale des Canadiens d’origine asiatique). Au cours des récentes années, les élèves noirs et racisés ont été suspendus de l’école de manière disproportionnée.

Les écoles canadiennes peuvent être des endroits hostiles pour les Noirs, les Autochtones et les autres élèves racisés, pour plusieurs raisons. Plusieurs de ces élèves sont orientés vers des niveaux académiques qui sont inférieurs à leurs capacités en raison des faibles attentes et des attitudes discriminatoires de certains enseignants. Les élèves ne se voient pas représentés dans les classes où seule l’histoire de l’expansion européenne est enseignée, et où il n’existe pas de diversité dans le contenu scolaire ou chez les éducateurs. Les élèves doivent faire des demandes spéciales pour pouvoir assister à des jours fériés qui sont importants pour leurs communautés culturelles et religieuses. Les élèves racisés sont soumis à un racisme subtil et quotidien de la part de leurs pairs et de leurs enseignants. Lorsque l’école est un endroit où les élèves ne se sentent pas en sécurité, cela mène au décrochage scolaire.

Suprématie blanche en éducation

Les enseignants antiracistes abordent les questions de pouvoir, d’identité et de privilège pour expliquer les systèmes d’inégalités de la société qui sont également présents dans les écoles. Ces éducateurs comprennent que pour créer un changement dans la société, il faut commencer par créer un engagement contre le racisme au sein même de la population des élèves dans les classes. L’éducation antiraciste met en cause la suprématie blanche comme l’une des racines du racisme contemporain. Cette suprématie blanche est un facteur important de l’établissement du Canada en tant que nation et des privilèges accordés aux colons européens. Aujourd’hui, nous savons que c’est là que se dresse le privilège blanc.  

Le privilège blanc ne signifie pas que les personnes blanches ne travaillent pas fort; cela signifie qu’elles bénéficient d’avantages inconscients et inapparents, ce qui leur permet d’avoir un meilleur accès à une éducation postsecondaire, au perfectionnement professionnel, aux soins de santé, à la sécurité, et bien plus. Le privilège blanc se révèle également dans les écoles lorsque les élèves blancs font la découverte des succès de leurs ancêtres et qu’ils voient d’autres personnes blanches dans les manuels scolaires (contrairement aux élèves non blancs).

Le but de l’éducation antiraciste est de se questionner sur qui détient le pouvoir dans les écoles d’aujourd’hui, ainsi que de tenir des conversations avec les élèves sur la manière de renverser cet héritage de suprématie et de privilège blancs. Les enseignants antiracistes réfléchissent sur la façon dont le privilège blanc fonctionne pour faire en sorte que les inégalités dans la société apparaissent normales et naturelles. L’éducation antiraciste préconise les changements dans le curriculum pour que les élèves puissent s’instruire sur les conséquences dévastatrices du colonialisme. Les enseignants antiracistes veulent enseigner les réussites et les valeurs de nombreuses traditions du monde entier, et pas seulement celles des Européens. Ils cherchent également à remettre en question les inégalités qui sont intrinsèques au système d’éducation existant afin que les élèves puissent voir comment elles reflètent les inégalités dans la société en général.

Développement de l’éducation antiraciste au fil des ans

Au Canada, certains des travaux pionniers de l’éducation antiraciste sont attribués à Rosalie Silberman Abella, Agnes Calliste, Barb Thomas, Enid Lee, Carl James et George Dei. L’éducation antiraciste émerge au début des années 1960 et est le fruit de revendications de la part de parents, de membres des communautés, et d’universitaires. Les gens se sont organisés en partie en réaction à la Loi sur le multiculturalisme adoptée en 1988. En éducation, le multiculturalisme consiste à combattre le racisme en célébrant la diversité et l’inclusion. Les défenseurs de l’éducation antiraciste soutiennent que le fait de célébrer les différences a pour résultat une tendance à ignorer la diversité au sein des groupes, et n’entraîne pas des discussions sur la discrimination. Il est possible que cette approche puisse également négliger la manière dont les différences entre individus sont perçues négativement comme étant des déficits ou des désavantages.     

De son côté, l’éducation antiraciste examine les raisons pour lesquelles la discrimination existe. Les éducateurs étudient comment les violents comportements et attitudes actuels sont le résultat direct de la politique gouvernementale et de la suprématie blanche. Les enseignants antiracistes créent des plans de cours qui suscitent des conversations sur la manière de faire des changements individuels et sociétaux.

Exemples d’initiatives antiracistes

En 1993, le ministère de l’Éducation et de la Formation de l’Ontario lance les lignes directrices de L’antiracisme et l’équité ethnoculturelle dans les conseils scolaires, afin de permettre aux conseils scolaires de développer et de mettre en place des politiques visant à reconnaître et à éliminer les diverses formes de racisme au sein de leurs systèmes et de leurs écoles. Depuis, le mouvement de l’éducation antiraciste croît et progresse partout au Canada, et il a des résultats institutionnels positifs. Cependant, le racisme est loin d’être éliminé.

Une importante initiative antiraciste est développée dans la région de Peel en Ontario, l’une des régions les plus diversifiées de la province. En 1996, le Conseil scolaire du district de Peel élabore un document de politique intitulé The Future We Want : Building an Inclusive Curriculum (Le futur que nous voulons : bâtir un curriculum inclusif) afin de soutenir les enseignants dans la création d’un programme scolaire inclusif. 

En Saskatchewan, le Regina Public Schools élabore ACT ! Together We Make A Difference (Agissez ! Ensemble nous faisons une différence) pour les écoles, afin de promouvoir des relations équitables à différents niveaux. (Voir Regina.) Le programme cherche à faciliter le développement du leadership chez les jeunes et le personnel afin d’améliorer l’éducation antiraciste en milieu scolaire et de créer des communautés d’apprentissage respectueuses, libres de discrimination et de racisme, de la 6e à la 12e année.

Plus récemment, le Conseil scolaire du district de Toronto lance un cours pilote de 12e année intitulé Deconstructing Anti-Black Racism in the Canadian and North American Context (Déconstruire le racisme anti-noir dans le contexte canadien et nord-américain). (Voir Toronto; Racisme anti-noir au Canada.) Le programme de ce cours est développé par les éducateurs D. Tyler Robinson, Tiffany Barrett, Remy Basu et Kiersten Wynter, et est introduit dans quelques écoles secondaires, avec un potentiel d’enseignement plus vaste.

L’éducation antiraciste est un engagement constant pour l’obtention de résultats positifs et équitables dans tous les programmes et services d’éducation pour tous les élèves.