Éditorial

La corvette Ville de Québec et la bataille de l'Atlantique

L'article suivant est un éditorial rédigé par le personnel de l'Encyclopédie canadienne. Ces articles ne sont pas généralement mis à jour.

La plupart des gens seraient portés à croire que les batailles principales de la Seconde Guerre mondiale étaient terrestres. Normandie, Stalingrad ou El-Alamein par exemple. Pourtant, beaucoup d'historiens affirment que ce sont les batailles navales qui ont mené à la victoire alliée, en particulier la bataille de l'Atlantique. Sans la ligne de ravitaillement de l'Atlantique, le Royaume-Uni n'aurait pas eu assez d'armes, de carburant, de denrées alimentaires et de renforts pour résister à l'ennemi. Advenant la chute de l'Angleterre, toute tentative de reconquête de l'Europe se serait avérée impossible.

Le Canada joue un rôle important dans cette lutte navale. Un élément clé de sa contribution est une flotte composée de petits navires d'escorte sans prétentions : les corvettes. Le sous-marin allemand s'avère être une arme dévastatrice lors de la Première Guerre mondiale et il est clair qu'il serait à nouveau une sérieuse menace lors de la Deuxième. Avant 1939, la Défense nationale n'a ni la prévoyance ni les ressources pour construire des destroyers, ces grands navires rapides et bien armés qui constituaient la première ligne de défense contre les sous-marins. Elle concentre plutôt ses efforts à la construction de plus petits vaisseaux de patrouille qui serviraient principalement à la défense côtière. Ces navires de plus petite taille pourraient être construits en sol canadien et seraient opérables par de petits équipages.

Le vaisseau est conçu à partir des plans d'une baleinière côtière. Il n'est pas sans défaut, mais son coût et les délais de construction sont avantageux. Winston Churchill les surnommera « les méchants pas chers ». On les appellera « corvettes » (un terme naval désignant un petit navire de guerre du XVIIIe siècle). Le premier contrat prévoit la construction de 28 navires par 12 chantiers navals répartis entre le Canada Atlantique et la Colombie-Britannique. Les membres d'équipages volontaires ne sont pas considérés comme des membres réguliers de la marine et portent un uniforme à rayures ondulées.

Corvette Ville de Quebec
La Corvette Ville de Quebec, 1942-43

La corvette est un navire navigable, mais inconfortable. Sa coque arrondie la fait tanguer comme un bouchon de liège. Les marins disent d'elle qu'elle pourrait tanguer sur de l'herbe mouillée. On trouve à son bord 40 charges sous-marines, et sur l'avant pont, un canon de 100 mm (4 po). Les corvettes s'avèrent rapidement utiles, car les sous-marins allemands coulent des millions de tonnes de marchandise dans l'Atlantique Nord. Ils mènent même des raids dans les eaux du large canadiennes, jusque dans le Saint-Laurent. Les Alliés adoptent alors une stratégie efficace de la Première Guerre en regroupant les navires marchands en convois protégés par une escorte aérienne et navale formée de corvettes. Les premières corvettes mises en service sont le Navire canadien de Sa Majesté (NCSM) Windflower et NCSM Trillium, qui mettent le cap sur l'Angleterre le 6 décembre 1940... avec de faux canons en bois!

Pour repérer un ennemi submergé, les corvettes utilisent la technologie ASDIC (nommée d'après la Commission commune franco-britannique de lutte anti-sous-marine), mieux connue sous le nom de SONAR. L'ASDIC émet des ondes sonores à intervalles réguliers sous la mer, lesquelles rebondissent sur les objets, ce qui permet à l'opérateur d'en calculer la distance. C'est le 10 septembre 1941 que les corvettes Chambly et Moose Jaw deviennent les premières à couler un sous-marin (U-501).

Après le débarquement allié réussi en Afrique du Nord, les corvettes canadiennes participent aux escortes en vue du ravitaillement des forces terrestres. Parmi elles, la corvette Ville de Québec, construite à Québec et mise en opération le 24 mai 1942. Le 13 janvier 1943, elle escorte un convoi de 15 navires dans la Méditerranée, lorsque l'opérateur ASDIC Stanley Mill signale la présence d'un sous-marin à l'avant tribord. Il s'agit du sous-marin U-224. Construit à Kiel, en Allemagne, celui-ci entre en service le 20 juin 1942. Le sous-marin s'était faufilé dans le détroit de Gibraltar sous le couvert des nuages qui cachaient la lune. Il avait été repéré auparavant dans ce passage dangereux, mais avait réussi à fuir l'attaque.

Le Ville de Québec attaque immédiatement en larguant en losange dix grenades sous-marines, et causant ainsi des dommages au sous-marin qui est forcé à faire surface. Les canons de la corvette ouvrent alors le feu, empêchant ainsi les Allemands d'utiliser leur canon de pont. Le capitaine de la corvette donne ensuite l'ordre d'éperonner le sous-marin. L'équipage rapportera avoir entendu « un bruit d'écrasement sur notre coque suivi d'une explosion à l'arrière ». Le U-224 sombre ensuite et explose sous l'eau. On ne repêche qu'un survivant, le premier lieutenant Wolf-Dietrich Danckworth. Les navires du convoi font hurler leurs sirènes en hommage.

Le coulage du sous-marin fait la manchette. Le Ville de Québec reçoit la visite d'amiraux et de dignitaires, dont le vice-amiral Louis Mountbatten et, de retour en Angleterre, du Roi et de la Reine. Le capitaine de corvette, A.R.E. Coleman, est décoré de l'Ordre du service distingué.

Corvette Sackville
La Corvette Sackville, dans le port de Halifax, 2008 (photo par James H. Marsh).

Après la guerre, le Ville de Québec est désarmé le 6 juillet 1945. Il est ensuite vendu à des fins commerciales et renommé Dispina. Une frégate de patrouille canadienne porte le nom de Ville de Québec en son honneur encore aujourd'hui. L'ancienne corvette NCSM Sackville évite le parc à ferraille et est remise en état en guise d'hommage flottant à tous les navires et tous les combattants qui ont servi pendant la guerre. NCSM Sackville est aujourd'hui amarré dans le port d'Halifax, arborant les couleurs de camouflage blanc et bleu qu'il portait à une certaine époque dans l''Atlantique Nord.

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