Dans la foulée du Congrès mondial acadien, tenu à l’été 2004 en Nouvelle-Écosse en vue d’y souligner les quatre siècles de présence française, le gouvernement progressiste-conservateur de John Hamm dépose, le 1er octobre 2004, un projet de loi qui reconnaît l’Office des affaires acadiennes et l’intègre à la loi sur la fonction publique provinciale. La Loi concernant l’Office des affaires acadiennes et la prestation par la fonction publique de services en français est adoptée par la législature le 14 octobre 2004 et reçoit l’assentiment royal le 18 octobre suivant.
L’adoption de la Loi sur les services en français
Le projet de loi 111 reconnaît que l’Office a pour mission d’appuyer les ministères, les organismes et les sociétés d’État dans l’élaboration et l’adoption ou la prestation de politiques, de programmes et de services en français adaptés aux besoins de la collectivité acadienne et francophone de la Nouvelle-Écosse (voir Histoire de l’Acadie.)
La Loi précise qu’un règlement doit être adopté avant le 31 décembre 2006, afin de fixer les services qui seront offerts en français.
Dans son préambule, la Loi, ayant pour titre abrégé Loi sur les services en français (LSF), précise que la Constitution canadienne reconnaît le français comme l’une des langues officielles du Canada, que la collectivité acadienne et francophone joue un rôle important dans la province et que la Nouvelle-Écosse entend promouvoir l’essor de cette collectivité et tient « à la sauvegarde pour les générations à venir de la langue française » (voir Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme; Loi sur les langues officielles (1969); Loi sur les langues officielles (1988); Français acadien).
En plus de confier à l’Office des affaires acadiennes (OAA) la tâche de conseiller et d’appuyer les ministères, les offices et les organismes gouvernementaux, la LSF attribue aussi des responsabilités au ministre. Ce dernier doit également conseiller le gouvernement concernant la prestation de services en français au sein des ministères et des organismes et l’essor de la collectivité acadienne et francophone. Le ministre doit, entre autres, établir des priorités, élaborer des plans, des politiques et des services, coordonner et surveiller leur mise en œuvre par la fonction publique, formuler des recommandations quant à leur financement et donner suite « aux préoccupations de la population concernant la qualité des programmes et des services en français ». Le ministre doit présenter des rapports annuels sur les activités réalisées, les services fournis et l’accès des francophones à ces services.
Un coordonnateur des services en français est nommé à l’intérieur des ministères et des organismes. Un comité de coordination des services en français est constitué; il est présidé par l’employé principal de l’OAA et composé des divers coordonnateurs des services en français.
L’entrée en vigueur du Règlement sur les services en français
Entré en vigueur le 31 décembre 2006, le Règlement concernant les services en français pris par le gouverneur en conseil en vertu de l’article 10 de la Loi sur les services en français décrit les mesures que les ministères, les offices et les organismes du gouvernement doivent respecter pour améliorer les services en français offerts par la province.
Le Règlement sur les services en français (titre abrégé) prescrit que « des améliorations concrètes et mesurables soient apportéesaux services offerts en français par le gouvernement de la Nouvelle-Écosse ». Le ministre doit procéder à l’examen des services en français avant le 31 juillet 2010, pour « évaluer l’efficacité du présent règlement par rapport à la réalisation de l’objectif énoncé ».
Les institutions publiques désignées doivent élaborer et publier un plan annuel de services en français avant le 31mars de chaque année à partir de 2007. Ces plans doivent expliciter les instructions fournies au personnel sur la manière de répondre aux demandes de services en français, les services offerts, les mesures qu’elles prendront pour maintenir ou améliorer les services et la façon dont « le plan favorisera la préservation et l’essor de la collectivité acadienne et francophone ».
Après le 1er janvier2008, les plans de services en français doivent faire état des progrès réalisés. En établissant leurs objectifs, les institutions désignées doivent accorder la priorité à deux éléments en particulier: la demande de services en français faite par la population et le risque que représente le fait de ne pas fournir ces services pour la santé ou la sécurité du public. L’OAA doit publier chaque année la liste de tous les coordonnateurs des services en français.
Le Règlement précise que les institutions doivent répondre en français à toute correspondance reçue en français, que les documents d’information diffusés simultanément en français et en anglais affichent un logo bilingue de la province et que « des mesures raisonnables et appropriées soient prises pour sensibiliser le public à la disponibilité des services en français et en anglais ».
L’OAA est chargé de consulter régulièrement la collectivité acadienne et francophone relativement aux services offerts par le gouvernement.
Les institutions publiques qui mènent des consultations provinciales doivent en tenir au moins une en français.
On prévoit aussi que tout nouveau contrat accordé pour un tiers qui fournit des services aux institutions soit assujetti au Règlement.
La réalité complexe de l’utilisation du français dans l’espace public
Ayant pour mission d’appuyer les ministères, les organismes et les sociétés d’État dans la création et l’adaptation des politiques, des programmes et des services en français propres à répondre aux besoins de la collectivité acadienne et francophone, l’OAA a commandé une étude sur les vécus, les croyances et les attitudes ethnolangagiers des Acadiens et des francophones de la Nouvelle-Écosse en 2007.
L’étude a été effectuée en 2007-2008 auprès de 600 Néo-Écossais résidant dans les régions d’Argyle, de Clare, de Chéticamp, d’Halifax et de l’Isle-Madame, qui représentent 70% des francophones de la province. Kenneth Deveau, Rodrigue Landry et Réal Allard ont élaboré une centaine de questions visant à évaluer les structures liées à la proactivité de l’offre de services en français et les variables sociologiques, psychologiques et langagières des répondants.
L’enquête rappelle que le français a occupé une place limitée dans les études secondaires et postsecondaires des répondants; ces derniers ont étudié partiellement ou entièrement en anglais dans la majorité des cas. Une légère majorité de répondants se disent peu au courant de leurs droits linguistiques. Par ailleurs, la moitié des répondants pensent que le français bénéficie désormais d’un statut égal dans leur région et deux tiers croient que la situation du français s’améliorera dans leur région, malgré les statistiques qui illustrent des reculs: 80% des répondants parlent le français avec leurs parents, 74% le parlent avec leurs frères et sœurs et 67% avec leurs enfants.
Même si les trois quarts des répondants préfèrent que leurs enfants reçoivent leur éducation en français, une majorité importante privilégie l’usage de l’anglais dans les domaines publics, institutionnels et culturels, malgré leurs identités acadienne et francophone. Cela s’explique par le fait qu’ils se considèrent aussi bons en français qu’en anglais à l’oral, mais meilleurs en anglais en lecture et à l’écrit.
Globalement, les répondants tendent à utiliser le français dans des contextes privés et l’anglais dans des contextes publics.
Concernant les services gouvernementaux, les répondants sont plus disposés à utiliser le français s’il y a une offre active de services en français (accueil, épinglettes, aisance du prestataire à l’oral, etc.), mais en l’absence de cette offre, la majorité des répondants n’exigeront pas de service en français.
Si l’offre de service est active, 87% des répondants poursuivront la conversation en français, mais en son absence, la probabilité diminue, car « la francité du vécu ethnolangagier, le degré de scolarisation et les expériences de conscientisation contribuent indirectement à la probabilité d’utiliser des services gouvernementaux en français », selon les chercheurs.
Si la collectivité acadienne et francophone a fait preuve d’une persévérance remarquable dans sa résistance à l’assimilation culturelle et linguistique et d’une ouverture aux nouveaux francophones qui s’installent dans la province, on commence à peine à comprendre la complexité de la relation individuelle à l’utilisation du français dans l’espace public.
En conclusion, les chercheurs recommandent que les services en français soient offerts à l’oral (dans les bureaux et lors des appels téléphoniques) et sous forme bilingue à l’écrit (notamment dans les formulaires, l’affichage et les panneaux), que l’on recrute et forme des fonctionnaires bilingues conscients des enjeux concernant l’utilisation des services en français et que l’on élabore une campagne de promotion de la langue française et des cultures francophone et acadienne.
Les limites et les difficultés
En ce qui concerne les soins de santé, l’Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques a mené une recherche exploratoire en 2012 comparant l’espace francophone dans les résidences collectives d’aînés. L’étude permet de constater que la Homes for Special Care Act ne prévoit aucune disposition linguistique et que le Plan pour les services en français ne prévoit aucune mesure pour les foyers de soins.
Parmi les 15 foyers néo-écossais qui ont participé à la recherche, six indiquent ne servir aucun aîné francophone. Par ailleurs, 60% des foyers recensés comptent de 20 à 40 résidents francophones. Une légère majorité pourtant ne fait aucun effort pour communiquer avec leurs résidents en français et les trois quarts n’ont pas de blocs de lits réservés aux francophones. Très peu de résidents demandent des services en français, mais un peu plus d’aînés demandent des émissions de radio et de télévision en français, ou encore des menus adaptés à la culture acadienne ou francophone.
La Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse (FANE) dénonce les changements qu’a apportés le gouvernement néo-démocrate à la LSF en 2011. La même année, il a aboli les circonscriptions électorales acadiennes protégées et a fait passer les Affaires acadiennes sous la gouverne du ministre des Communautés, de la Culture et du Patrimoine, réduisant de ce fait les pouvoirs du ministre des Affaires acadiennes et de la communauté acadienne et francophone.
Lors de la campagne électorale à l’automne 2013, les libéraux de Stephen McNeil proposent de rétablir les circonscriptions acadiennes et de renforcer la LSF.