La période qui s’étend de la Deuxième Guerre mondiale à la signature de la Charte canadienne des droits et libertés, en 1982, a souvent été qualifiée de révolution des droits au Canada. Cette période a vu s’accroître la sensibilisation et le militantisme en faveur des droits de la personne. Au niveau communautaire, les femmes, les communautés queer, les peuples autochtones et les militants à la défense des droits des personnes handicapées ont revendiqué une inclusion accrue et ont obtenu des gains significatifs. Simultanément, le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux ont voté des lois interdisant la discrimination et protégeant les droits fondamentaux de plus de personnes au Canada.
De 1945 à 1960
Avant la Deuxième Guerre mondiale, plusieurs groupes marginalisés, au Canada, mettent de l’avant des revendications comme le droit de vote et la fin de la discriminationraciale. (Voir Début des mouvements de femmes au Canada; Droit de vote des Noirs au Canada ; Droit de vote des peuples autochtones.) Bien que les progrès soient inégaux, la sensibilisation et le militantisme à l’égard des droits de la personne s’accroissent graduellement au Canada. À la fin de la Deuxième Guerre mondiale, les efforts de la communauté internationale pour assurer la paix et la coopération ont pour effet d’accroître la pression internationale en faveur de lois protégeant les droits de la personne.
Dans tout le Canada, les politiciens se mettent au travail. L’Ontario lance le mouvement en promulguant le Racial Discrimination Act en 1944. Cette loi interdit la publication ou l’affichage de propos discriminatoires à l’égard de la race ou des croyances d’une personne ou d’un peuple. En 1947, la Déclaration des droits de la Saskatchewan devient la première charte des droits au Canada. Cette loi inclut les libertés de conscience, d’expression et d’association, la protection contre la détention arbitraire. Elle protège aussi le droit aux élections, à l’emploi, à la propriété et à l’éducation. Comme celle de l’Ontario, la Déclaration des droits de la Saskatchewan interdit la publication ou l’affichage de propos discriminatoires sur la base de la race ou des croyances d’une personne. Elle va même plus loin, incluant la religion, la couleur de la peau, l’ethnicité, et la nationalité. Au cours des années 1950 et 1960, plusieurs législatures provinciales et territoriales promulguent aussi leur charte des droits de la personne.
Cette évolution est liée à l’influence dont le Canada jouit dans le monde à cette époque. Après les atrocités de la Deuxième Guerre mondiale, beaucoup dans la communauté internationale se tournent vers la prévention de la violence et la protection des peuples. Ainsi, le professeur de droit canadien John Humphrey devient directeur de la division des droits de l’Homme des Nations Unies (ONU) en 1946. Il travaille étroitement avec Eleanor Roosevelt, le représentant des États-Unis à la Commission de l’ONU sur les droits de l’Homme. John Humphrey rédige l’ébauche d’une charte des droits internationale qui deviendra plus tard la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH). Le Canada passe près de s’abstenir lors du vote. Toutefois, il se joint à d’autres membres de l’ONU en donnant son appui à la DUDH le 10 décembre 1948. (Voir John Humphrey, Eleanor Roosevelt et la Déclaration universelle des droits de l’homme.)
Années 1960 et 1970
Dans les années 1960 et 1970, des gens se réunissent au sein de groupes d’intérêt ou d’appartenance. (Voir aussi Groupes de pression.) Ces groupes cherchent à accroître leur influence politique et à améliorer leur vie en s’appuyant sur les droits de la personne. Le soutien aux droits des femmes continue à s’accroître avec l’arrivée de la seconde vague du féminisme. Les femmes sont à l’avant-garde des mouvements pour le désarmement nucléaire et contre la Guerre du Viêt Nam. (Voir aussi Mouvement pacifiste.) Elles se rallient également autour d’enjeux comme une représentation accrue, l’accès à l’emploi et à l’éducation et l’intégrité physique. (Voir Avortement au Canada.)
Durant cette période, les communautés gaie, lesbienne, bisexuelle et transgenre (LGBT) font également des gains limités. (Voir aussi Culture queer; Célébration de la fierté au Canada.) Leurs revendications permettent d’accroître la sécurité et l’inclusion pour l’ensemble de la communauté gaie, et incluent notamment la décriminalisation des relations sexuelles entre hommes âgés de plus de 21 ans en 1969. En 1977, le Québec devient la première province à interdire la discrimination sur la base de l’orientation sexuelle.
Les personnes handicapées luttent aussi pour obtenir plus de droits civiques pendant cette période. L’un des principaux enjeux est l’opposition à leur propre institutionnalisation. Le Mouvement des droits des personnes handicapées canadien se voit renforcé par l’expérience des anciens combattants revenus de la guerre. Les anciens combattants handicapés ont droit à de meilleurs soins et à une meilleure reconnaissance que les civils. Ceci conduit les militants des droits des personnes handicapées, de même que les anciens combattants qui les appuient, à revendiquer plus de droits.
Les peuples autochtones s’appuient aussi sur les droits de la personne pour revendiquer des ressources, des terres et l’autonomie gouvernementale. Les peuples autochtones réalisent ainsi de nouveaux gains politiques, alors que les gouvernements fédéral et provinciaux deviennent plus réceptifs aux réclamations faites au nom des droits de la personne. (Voir Droits des Autochtones au Canada; Livre blanc de 1969.)
Les gouvernements répondent à ce militantisme communautaire en rédigeant des lois protégeant les droits de la personne. La première de ces lois au niveau fédéral est présentée par le premier ministre conservateur John Diefenbaker en 1960. La Déclaration canadienne des droits est avant-gardiste, mais limitée, car elle ne s’applique qu’aux lois et aux actions du gouvernement fédéral.
Les lois provinciales deviennent également plus efficaces. En 1962, les lois anti-discrimination de l’Ontario sont réunies dans le Code des droits de la personne de l’Ontario. Cette loi provinciale institue également la Commission ontarienne des droits de la personne. La promulgation de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec est retardée, car le gouvernement prépare une législation distincte sur la langue. Elle entre en vigueur en 1975.
Au niveau fédéral, la Loi canadienne sur les droits de la personne est votée en 1977. (Voir aussi Commission canadienne des droits de la personne.) À cette époque, la plupart des provinces et territoires sont régis par leurs propres lois sur les droits de la personne. Par conséquent, cette loi ne s’applique qu’aux employés ou aux bénéficiaires du gouvernement fédéral, aux Premières Nations et aux entreprises réglementées au niveau fédéral. Grâce à ces protections juridiques accrues aux deux niveaux de gouvernement, les défenseurs des droits de la personne de tout le pays réalisent de puissants gains.
Les années 1980 et après : Charte canadienne des droits et libertés
En 1982, la Constitution du Canada est rapatriée. Cela veut dire que le Parlement canadien peut désormais modifier la Constitution sans l’approbation du parlement britannique. La Loi constitutionnelle de 1982 inclut la Charte canadienne des droits et libertés. La Charte devient ainsi un élément permanent de la loi suprême du pays. En conséquence, les droits de la personne définis dans la Charte ont préséance sur la Déclaration canadienne des droits.
La Charte des droits et libertés est une loi d’application plus large et plus puissante. Cela est dû au fait qu’elle touche les lois et les actions des gouvernements provinciaux aussi bien que du gouvernement fédéral. Elle précise comment les tribunaux doivent rendre leurs décisions dans les causes de droit. Elle encourage également ceux qui rédigent les lois et les politiques à tous niveaux à se conformer à la Charte dès le départ. La Charte garantit notamment la liberté d’expression et de religion, le droit à un gouvernement démocratique, le droit de vivre et de travailler n’importe où au Canada, les droits juridiques des personnes accusées de crimes, le droit à l’égalité, le droit d’utiliser les langues officielles du Canada, et le droit des minorités francophones ou anglophones à recevoir une éducation dans leur langue.
Depuis 1982, des individus ou des groupes se sont adressés aux tribunaux pour préciser davantage la portée des droits et libertés garantis par la Charte. Des progrès importants ont été réalisés, quoique plus lentement pour certains groupes. Par exemple, les peuples autochtones luttent encore pour obtenir l’égalité des droits en matière de logement, d’accès à l’éducation et à l’eau potable. (Voir Droits des Autochtones au Canada.)
Voir aussi La révolution des droits au Canada (résumé en termes simples); Libéralisme; Justice sociale; Philosophie : éthique, philosophie sociale et politique.