Larry Grant (sʔəyəɬəq) | l'Encyclopédie Canadienne

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Larry Grant (sʔəyəɬəq)

Larry Grant (aussi connu sous les noms de sʔəyəɬəq [suh‑yuh‑shl‑uck] et de Hong Lai Hing), conteur, aîné musqueam, éducateur en hən̓q̓əmin̓əm̓, une langue autochtone en voie de disparition (né le 1er septembre 1936, à Agassiz, en Colombie‑Britannique). Larry Grant, d’ascendance musqueam et chinoise, a grandi sur le territoire des Musqueam à l’embouchure du fleuve Fraser. Le territoire non cédé des Musqueam englobe la ville actuelle de Vancouver, s’étendant jusqu’au ruisseau Harvey au nord et au fleuve Fraser à l’est. Après avoir pris sa retraite en tant que débardeur, Larry Grant a consacré sa vie à promouvoir la connaissance de la langue hən̓q̓əmin̓əm̓ et de son importance culturelle. Il est également professeur auxiliaire et aîné‑résident à l’Université de la Colombie‑Britannique. Il est reconnu comme un leader communautaire qui favorise le dialogue et la compréhension de l’histoire et de la langue musqueam en Colombie‑Britannique.

L’aîné Larry Grant

Enfance à la réserve Musqueam

Larry Grant est le deuxième des quatre enfants d’Agnes Grant, une matriarche musqueam, et de Hong Tim Hing, un agriculteur chinois. Au début du 20e siècle, des immigrants chinois cultivent les terres fertiles de la réserve indienne des Musqueam (voir aussi Réserves en Colombie‑Britannique). Hong Tim Hing est originaire d’un village agricole du nom de Sei Moon, dans la province du Guangdong, en Chine. Après son arrivée en Colombie‑Britannique, il travaille sur l’exploitation agricole de son père, située sur un terrain qui appartient au père d’Agnes Grant, Seymour Grant.

Hong et Agnes fondent finalement une famille. En grandissant, leur fils Larry ne voit que rarement son père, à l’exception de repas occasionnels dans les dortoirs où Hong vit avec d’autres agriculteurs. La Loi sur les Indiens stipule que les personnes non autochtones ne sont pas autorisées à cohabiter sur une réserve. Par conséquent, les enfants Grant vivent avec leur mère dans la réserve des Musqueam, où ils sont élevés avec l’aide de leurs grands‑parents et de la communauté dans son ensemble.

La séparation forcée entre Hong Tim Hing et la famille Grant signifie que Larry grandit en ne sachant que très peu de choses sur le côté chinois de son ascendance, s’identifiant plutôt à la branche musqueam de la famille, bien que le gouvernement canadien le reconnaisse comme citoyen chinois. Toute son enfance et sa jeunesse sont marquées par un sentiment de « non‑appartenance ». Le seul endroit où il se sent faire partie d’une communauté à part entière est la réserve des Musqueam; en effet, comme il l’a indiqué son grand‑père l’avait accepté, avec les autres enfants d’Agnes, comme étant pleinement Musqueam.

Cette situation permet à Larry Grant de s’imprégner de la richesse linguistique et culturelle de la communauté musqueam. Il se souviendra avoir écouté sa mère et ses tantes, à la table de la cuisine, parler pendant des heures en hən̓q̓əmin̓əm̓, racontant parfois des histoires transmises de génération en génération (voir Histoires orales et sources primaires autochtones). Selon ses enfants, leur mère, Agnes, était la dernière personne du groupe à parler couramment le hən̓q̓əmin̓əm̓. C’est elle qui rappellera fréquemment à Larry que la langue et l’histoire constituent des « ancres identitaires » et un « pont » vers la famille et la communauté.

Répercussion de la législation sur les communautés des Premières Nations et chinoises

La famille de Hong Tim Hing et d’Agnes Grant

S’il est vrai que Larry Grant n’a pas établi de liens solides avec le côté chinois de sa famille, son statut de citoyen chinois lui permet tout de même, ainsi qu’à toute sa fratrie, de bénéficier de circonstances exceptionnelles assez rares et de ne pas fréquenter le système des pensionnats indiens qui fonctionne au Canada de 1831 à 1996.

Larry Grant et ses frères et sœurs font partie des quelques rares enfants d’âge scolaire de la réserve à participer, à l’époque, à des potlatchs clandestins se tenant, en hiver, dans les « grandes maisons ». Ils jouent au slahal avec un ensemble d’os de cerf et regardent les cérémonies de danse de l’esprit de l’hiver. Au cours de leur jeunesse, les enfants apprennent à couper et à emballer le bois, ainsi qu’à faire du feu conformément à la tradition.

Pour Larry Grant, les effets dévastateurs des pensionnats indiens sur les enfants s’avèrent évidents dès leur retour à la maison. Ses cousins manquent d’estime d’eux‑mêmes et de confiance et n’ont pas acquis certaines compétences de vie comme la construction d’une maison ou d’un bateau, la sculpture d’un canot, la chasse ou la pêche. Il peut constater, de ses propres yeux, comment cet héritage des pensionnats indiens se répercute, jusqu’à l’âge adulte, sur la vie des membres de sa famille élargie.

Larry Grant souligne souvent l’héritage intergénérationnel des pensionnats indiens et les « actes de déni » intégrés dans la législation, comme la Loi sur les Indiens qui refuse aux peuples autochtones le droit de pratiquer leur culture et leur langue (voir Traumatisme intergénérationnel et pensionnats indiens). Il met en lumière les parallèles, en matière de privations de droits, vécues par les Autochtones et les Chinois au Canada, les premiers se voyant refuser l’intégration dans la collectivité, les deuxièmes, la citoyenneté canadienne et l’accès à la propriété foncière, et, les uns comme les autres, le droit d’accéder à de nombreuses professions et de faire notamment carrière comme médecins, avocats ou ingénieurs. Les Autochtones se voient également refuser un accès à l’éducation postsecondaire (voir aussi  : Racisme anti‑asiatique au Canada; Ségrégation raciale des Canadiens d’origine asiatique), les deux groupes se soutenant mutuellement pour faire face à ces contraintes.

Aîné et éducateur musqueam

Dès la fin de sa carrière en tant que mécanicien et débardeur et son départ à la retraite, le rôle d’éducateur et d’aîné de Larry Grant commence.

Il est non seulement aîné des Musqueam, mais également aîné‑résident à la First Nations House of Learning de l’Université de la Colombie‑Britannique (UBC). Il occupe, en outre, les fonctions de professeur adjoint au sein du programme de langue et de culture musqueam de l’UBC, où il enseigne la langue hən̓q̓əmin̓əm̓ en première année, tout en jouant un rôle de consultant linguistique et culturel pour la communauté musqueam.

Larry Grant aura besoin d’un certain temps pour bien comprendre en quoi consiste son rôle d’aîné‑résident, un poste qu’il occupe depuis 2001. Il explique à ce sujet : « Je suis un frère, un père, un grand‑père et celui qui a de l’expérience. Je dois agir de manière diplomatique, donc je suis aussi diplomate. Je dois comprendre la culture et l’histoire musqueam, sinon je ne pourrais rien expliquer en détail à ces étudiants autochtones. »

Larry Grant s’exprime en hən̓q̓əmin̓əm̓, pour la première fois, en public, en 2000, alors qu’âgé de 64 ans, il prononce un discours de bienvenue devant de nombreuses personnes rassemblées à l’occasion d’une manifestation de l’UBC à laquelle assiste sa tante Irene, une amie de sa mère Agnes. Il déclare à cette occasion : « Je pense souvent à toute la richesse intégrée dans une langue, dans n’importe quelle langue; c’est cette richesse qui a été refusée à notre peuple, et uniquement à notre peuple par la législation. »

Depuis ses premiers pas de leader communautaire, Larry Grant n’a toujours pas ralenti! Il multiplie les conférences sur le campus et prend la parole lors de manifestations culturelles et de rassemblements autochtones. En tant que directeur par intérim du département de la langue musqueam, il est à l’avant‑garde du mouvement vers la réconciliation, en contribuant à renommer divers lieux de la région métropolitaine de Vancouver.

En 2018, l’UBC dévoile des plaques de rue musqueam sur le campus dans le cadre d’un plan convenu en 2006 (voir Noms de rue autochtones au Canada). En 2022, Larry Grant participe au changement de nom officiel de la rue Trutch à Vancouver. À l’origine, la rue portait le nom de Joseph Trutch, premier lieutenant‑gouverneur de la Colombie‑Britannique (voir Lieutenants‑gouverneurs de la Colombie‑Britannique), un homme qui professait des opinions profondément racistes envers les Autochtones et s’était efforcé de réduire la taille des réserves. Le changement de nom a pris des années, mais, maintenant, la rue s’appelle rue Musqueamview, ou šxʷməθkʷəy̓əmasəm.

Larry Grant a également participé au changement de nom de l’école primaire Sir Matthew Begbie, à Vancouver, devenue ‘wək̓ʷan̓əs tə syaqʷəm’, un nom qui signifie « soleil se levant à l’horizon » en hən̓q̓əmin̓əm̓. Premier juge en chef de la Colombie-Britannique, sir Matthieu Begbie a été impliqué dans la décision controversée de pendre six chefs tsilhqot’in.

Parmi ses très nombreuses réalisations, la plus grande fierté de Lary Grant est la promotion de la culture musqueam auprès du grand public canadien. Il a ainsi déclaré : « Musqueam est toujours là et c’est notre terre! »

Il a ajouté : « Acceptez qui vous êtes, soyez à l’aise avec votre identité et réconciliez‑vous avec vous‑même, afin que cette ancre dont notre mère parlait devienne une partie de vous‑même. C’est‑là la chose la plus importante que je me suis efforcé de promouvoir, du mieux que j’ai pu. »