Lisa Robertson est poétesse et essayiste (née le 22 juillet 1961 à Toronto, en Ontario). La poésie de Lisa Robertson est connue par son engagement subversif envers les traditions classiques de la poésie occidentale et envers la philosophie. Un personnage influent parmi les écrivains expérimentaux du Canada, Lisa Robertson est devenue l’unе des poétesses les plus célèbres du pays et dans le monde entier.
Enfance, études et carrière
Lisa Robertson déménage à Vancouver, en Colombie-Britannique, en 1984 pour étudier à l’Université Simon Fraser, mais elle ne termine pas ses études; elle abandonne l’école pour devenir une libraire indépendante. Elle se joint à l’École d’écrivains du Kootenay (un collectif d’écrivains à Vancouver) en 1990, mais son style d’écriture diffère sensiblement de celui de l’avant-garde habituellement associé à l’École d’écrivains du Kootenay pendant les années 1980 et 1990.
On qualifie la poésie de Lisa Robertson comme étant de nature expérimentale dans son ensemble, bien qu’elle évite une catégorisation explicite en mélangeant des idées d’un large éventail de mouvements littéraires. Elle combine des techniques d’avant-garde avec des sujets classiques de poésie et des pierres de touche traditionnelles, en évitant des formes poétiques habituelles et la franchise du lyrisme en faveur de l’approche elliptique et philosophique. Lisa Robertson renvoie souvent aux traditions élaborées par la poésie classique, surtout par l’ancienne poésie romaine, en s’exerçant avec les genres et les conventions qui y sont propres.
La poésie de Lisa Robertson utilise plutôt des énoncés philosophiques et de la prose que des formes poétiques traditionnelles, même si elle travaille dans le cadre des traditions poétiques de long terme et les renverse. XEclogue (1993) s’inspire d’Eclogues, de Virgil, pour examiner et critiquer des conceptions traditionnelles de la nature et de la féminité, devenues des clichés habituels dans la tradition poétique. Ce sujet est présent aussi dans Debbie: An Epic (1997), l’ouvrage qui modifie le genre épique classique pour servir la politique contemporaine de féminisme radical. Les deux ouvrages varient sur le plan formel : ils combinent de la poésie en vers avec de la poésie en prose, mais aussi des dialogues et des notes en bas de pages pour créer des poèmes longs. Lisa Robertson explore souvent des formes poétiques et des genres. Elle reproduit des éléments provenant des traditions poétiques bien établies dans le but de dévoiler leur dynamique politique, souvent considérée normale pour l’expression littéraire. De cette façon, les travaux de Lisa Robertson montrent son rapport à l’École d’écrivains du Kootenay, dont les écrivains d’avant-garde utilisent souvent la même technique. Cependant, Lisa Robertson occupe une place à part, car elle se concentre plutôt sur les formes et les postulats de la littérature canonique que sur le langage moderne du capitalisme néolibéral, le point qui unit plusieurs écrivains liés à l’École d’écrivains du Kootenay ou influencés par cette école et par les personnalités comme Lissa Wolsack et Kathryn MacLeod à la fin des années 1980 et dans les années 1990.
Féminisme et philosophie
Les poèmes et les essais de Lisa Robertson sont aussi inspirés par les idées féministes. The Weather (2001), comme XEclogue,reprend la tradition pastorale en poésie et ses origines classiques, mais ce recueil de poèmes représente aussi une critique féministe de cette tradition en la repensant dans l’optique des lesbiennes. Comme cet ouvrage est inspiré par la tradition classique et qu’il rappelle le livre précédant de Lisa Robertson, XEclogue, il porte en même temps l’empreinte de l’influence des mouvements littéraires contemporains comme l’écriture conceptuelle, un mouvement international de l’écriture qui repose moins sur une langue particulière, mais sur des concepts. The Men: A Lyric Book (2006) s’inspire aussi de la tradition épique tout en négociant les relations de genres et en médiant ces tensions qui forment l’engagement d’une femme écrivaine et son désir d’entrer les canons de la littérature et de la philosophie, deux domaines traditionnellement dominés par les hommes.
Si les écrivains contemporains d’avant-garde ont tendance à éviter le lyrisme ou autrement à dénigrer des formes modernes d’expressions lyriques, Lisa Robertson retourne en arrière pour explorer les racines du lyrisme dans la tradition poétique. Outre les traditions de la poésie classique et de la littérature féministe, Lisa Robertson s’inspire du canon de la philosophie occidentale, ce qu’on voit en toute évidence dans R’s Boat (2010). Le « R » dans le titre de ce livre est pour le nom du philosophe Jean-Jacques Rousseau. Dans le titre, comme partout dans le livre, Lisa Robertson utilise des énoncés ou des phrases philosophiques comme des unités de composition, en mélangeant la poésie avec la forme d’essai.
Essais
Lisa Robertson est aussi essayiste et a écrit un livre sur l’espace urbain et l’architecture : Occasional Works and Seven Walks from the Office for Soft Architecture (2003) et une collection de divers essais nommés Nilling: Prose Essays on Noise, Pornography, The Codex, Melancholy, Lucretius, Folds, Cities and Related Aporias (2012). Ses écrits poétiques et ses essais relient son approche esthétique aux concepts utopiques, tout en reconnaissant les risques inhérents aux projets utopiques. Lisa Robertson relie les questions politiques et la poésie aux considérations des impulsions utopiques. D’ailleurs, ses intérêts d’écrivaine sont très divers : elle a écrit sur l’art, le design intérieur, l’alimentation, l’astrologie et sur d’autres sujets.
Traductions
Lisa Robertson vit en France de 2003 à 2007, où elle traduit des auteurs français vers l’anglais, par exemple les œuvres de la romancière Michèle Bernstein. La traduction et les erreurs de traduction jouent aussi un rôle dans sa poésie, surtout quand elle fait des références directes aux premiers poètes et philosophes ou quand elle les traduits, par exemple dans Lisa Robertson’s Magenta Soul Whip (2009), où elle inclut des vers qui déforment des passages de Confessions,deSt. Augustine.
Prix et distinctions
Lisa Robertson a reçu plusieurs prix et distinctions pour son travail. Debbie: An Epic a été en lice pour le prix littéraire du Gouverneur général : poésie en 1998. L’Université de Cambridge lui a offert une bourse de recherche scientifique en poésie, Judith E. Wilson, en 1999. The Weather a rapporté le prix ReLit pour une œuvre de poésie en 2002, le même prix pour lequel Lisa Robertson était en lice de nouveau en 2010 pour son ouvrage Lisa Robertson’s Magenta Soul Whip. En 2006, son livre de colportage Rousseau’s Boat, qui lui servira de base partielle pour son livre R s Boat, a reçu le Prix bpNichol Chapbook.
Lisa Robertson était une poétesse invitée, chargée de cours et artiste en résidence à l’Université de Californie, à Berkeley, au California College of the Arts, à la Capilano University, à The American University of Paris, au Dartington College of Arts (maintenant l’Université de Falmouth), au Piet Zwart Institute, à la Naropa University et à l’Université de Princeton. Ses archives sont conservées à l’Université Simon Fraser au département des collections spécialisées et des livres rares.