Littérature comparée
La littérature comparée consiste en l'étude internationale ou multilingue de l'histoire de la littérature. Elle étudie les grands courants de pensée, le style et les grandes écoles; mais aussi les genres, les formes et les modes littéraires, les sujets et les thèmes. Elle examine la présence d'une oeuvre littéraire, d'un auteur, d'une littérature, voire d'un pays dans une autre littérature nationale. Enfin, elle étudie des auteurs de langues différentes, mais liés par des « influences » et des affinités typologiques. La littérature comparée englobe la critique littéraire et la théorie et parfois la LITTÉRATURE ORALE ou folklorique, ainsi que les relations interdisciplinaires avec d'autres disciplines artistiques et d'autres sciences humaines, comme la philosophie et la psychologie.
Bien qu'elle existe dans la plupart des pays où l'on trouve des universités et des centres spécialisés dans le domaine des lettres et des sciences humaines, traditionnellement cette discipline a toujours été importante en France, aux États-Unis et en Europe de l'Est. On reconnaît trois grandes écoles : l'école orthodoxe ou française axée sur la recherche rigoureuse de preuves historiques de contacts, d'imitations, d'influences et de traductions; l'école nord-américaine qui met l'accent sur la méthodologie et la théorie; enfin l'école de l'Europe de l'Est qui intègre cette approche dans une vaste étude de l'histoire, de la théorie et de la critique de la littérature mondiale.
Villemain, érudit français, est probablement le premier à utiliser, en 1827-1828, le terme « littérature comparée » repris par la suite par l'influent critique C.A. Sainte-Beuve. L'équivalent anglais « comparative literature », créé par Matthew Arnold, est quelque peu déroutant, car la discipline ne procède pas tant par comparaison (comme dans toute recherche en sciences humaines) que par des études fondées sur le concept selon lequel la littérature est non seulement le produit d'une nation et l'expression d'une langue, mais aussi, comme la musique et la peinture, un phénomène humain universel.
Cette discipline a subi l'influence d'anciens courants méthodologiques comme le positivisme et la philologie du XIXe siècle, l'histoire des idées, le marxisme, les perspectives sociologiques et la psychanalyse du XXe siècle. Récemment, le formalisme et surtout le structuralisme et la théorie de la communication (la sémiologie) l'on fortement influencée.
Au Canada, la littérature comparée n'est devenue une discipline universitaire que dans les années 60. C'est à Northrop FRYE, premier à diriger le programme de littérature comparée de l'U. de Toronto, que revient la place d'honneur parmi les professeurs qui se sont intéressés à cette discipline à ses débuts. Ses nombreux ouvrages, dont Anatomy of Criticism (1957, trad. : Anatomie de la critique, 1969), The Secular Scripture (1976) et The Great Code (1982), le confirment comme principal historien et théoricien de la littérature canadienne.
Bien que l'enseignement systématique de la littérature comparée soit rare avant la fin des années 60, les universités canadiennes accordent, entre 1921 et 1969, environ 125 diplômes de deuxième et de troisième cycle pour des études portant sur la littérature comparée. Plusieurs Canadiens étudient à l'étranger (surtout en France, en Europe de l'Est et aux États-Unis).
Le programme d'études avancées de l'U. de l'Alberta, le premier au Canada, est créé en 1964, devient un département en 1969 et offre les trois cycles universitaires. Au cours de cette même période, d'autres universités mettent sur pied des programmes d'études avancées qui partagent le personnel et le matériel avec les départements d'anglais, de français et de langues étrangères. Au début des années 80, l'U. McGill, les universités de Carleton, de Montréal, de Toronto, de la Colombie-Britannique et de Sherbrooke offrent des programmes de deuxième et troisième cycle, tandis que des cours de premier cycle sont mis à l'essai aux universités de Windsor, de Dalhousie, de Mount Saint Vincent, de Saint Mary, d'Athabasca et de Calgary.
Chaque faculté semble avoir ses préférences : la théorie et la méthodologie littéraires avec l'accent sur le structuralisme et la sémiologie à l'U. de Montréal; les théories sociales et la pratique littéraire à McGill; la théorie et la méthodologie littéraires avec la critique des mythes, l'herméneutique, la phénoménologie et le structuralisme à l'U. de Toronto; le pluralisme méthodologique, la théorie de la traduction et l'histoire de la littérature à l'U. de l'Alberta, enfin la littérature canadienne comparée à l'U. de Sherbrooke. L'U. McGill ainsi que les universités de Carleton et de Toronto créent des centres de recherche spécialisés, et l'U. de l'Alberta un institut de recherche.
Comparative Literature in Canada, Littérature comparée au Canada, un bulletin bilingue créé en 1968, fait connaître les thèses et les programmes canadiens. Il tient aussi lieu « d'archives publiques » pour l'Association canadienne de littérature comparée (fondée en 1969), laquelle organise chaque année des réunions savantes . Elle fonde en 1974 la Canadian Review of Comparative Literature / Revue canadienne de littérature comparée et, à compter de 1977, publie une série de livres et de monographies. L'association et ses membres ont largement contribué au travail professionnel et savant de l'Association internationale de littérature comparée, dont une Canadienne, Eva Kushner, a été présidente. Les comparatistes canadiens participent à la plupart des conférences internationales et à plusieurs rencontres nationales de la profession et publient abondamment, au Canada comme à l'étranger.
La littérature comparée au Canada a contribué au renouvellement des études littéraires, en plus de favoriser les contacts internationaux en matière de recherche. Toutefois, en l'absence d'une base solide pour les programmes d'études secondaires ou pour la formation générale au premier cycle universitaire, la discipline demeure dans une situation très précaire du point de vue financier, administratif et scolaire. De l'extérieur, la littérature comparée est souvent perçue comme élitiste et cosmopolite, tandis que de l'intérieur, les spécialistes la voient comme étant le coeur de la recherche en littérature. Cependant , il ne fait pas de doute qu'elle reflète la nature foncièrement multiculturelle et plurilingue du Canada et qu'elle possède toutes les caractéristiques d'une discipline internationale.