Littérature populaire de langue française
Ce phénomène urbain qui a vu le jour avec l'industrialisation, au début du XXe siècle, regroupe plusieurs types d'écrits : romans historiques et d'aventures (voir ROMAN DE LANGUE FRANÇAISE), romans d'espionnage et romans policiers, romans sentimentaux et même la littérature « édifiante » (vie des saints, apologies ou encore le Journal de Gérard Raymond). En 1923, l'éditeur Édouard Garand décide de disputer le succès que connaissent au Québec les romans bon marché américains en lançant sa propre collection. Dans le « Le Roman canadien » seront publiés mensuellement des ouvrages qui exalteront le patriotisme et l'idéologie conservatrice, dont les auteurs seront, entre autres, Jean Féron, Ubald Paquin et Alexandre Huot.
En 1941, le roman-feuilleton Les Aventures policières d'Albert Brien, détective national des Canadiens français déclenche un engouement pour les publications hebdomadaires de 32 pages. En 1948, l'Imprimerie Judiciaire publie à elle seule huit séries. De 1947 à 1966, Pierre Saurel (pseudonyme de Pierre Daigneault) fait paraître chez ce même éditeur 934 Aventures étranges de l'agent IXE-13, l'as des espions canadiens. Le roman sentimental ne fait pas si bonne figure. De 1940 à 1960, il n'existe pratiquement qu'une seule collection s'adressant aux femmes, Les plus belles histoires d'amour, qui glorifient les vertus du mariage, de la famille, de la souffrance et de la soumission.
De nos jours, bien que les romans de la maison d'édition canadienne HARLEQUIN remportent un vif succès, ce sont des multinationales étrangères qui dominent le marché de la littérature sentimentale. Les 250 000 romans-photos qui se vendent chaque mois au Québec sont aussi d'origine étrangère, le plus souvent italienne. Plusieurs facteurs concourent à étouffer la production locale, en particulier la télévision, le succès grandissant des livres de poche et le « dumping » auquel se livrent les éditeurs étrangers. Les collections spécialisées de romans policiers sont à l'agonie. Entre autres auteurs connus dans ce genre, citons néanmoins Pierre Saurel, « Le Manchot », Claude JASMIN et Chrystine Brouillet.
Roman fantastique et science-fiction
Au XIXe siècle, les nouvelles publiées dans les journaux et les magazines du Québec mêlent le réel au fantastique sans jamais les opposer l'un à l'autre, ce qui constitue le principal critère du fantastique. Plus qu'un genre, le fantastique s'incorpore à une histoire. Par exemple, les auteurs contemporains Jacques FERRON, Anne HÉBERT, Jacques BENOÎT et Michel TREMBLAY intègrent des éléments de fantastique à des oeuvres qui, par ailleurs, n'appartiennent pas à ce genre. Quant à la science-fiction, elle était florissante dans les pays anglophones bien avant de commencer à se développer au Québec.
Mis à part quelques romans-feuilletons (notamment IXE-13) et la publication d'un roman de temps en temps, il faut attendre la RÉVOLUTION TRANQUILLE et l'émergence d'une certaine ferveur scientifique pour que la science-fiction prenne son envol au Québec. Certains auteurs (p. ex. Louky Bersianik, François Barcelo, Claire de Lamirande et Roger de Roches) exploitent ce genre pour exposer leurs réflexions et formuler une critique sociale; d'autres, comme Jean Tétreau et Emmanuel Cocke, l'explorent en dilettantes.
Nombre d'auteurs se consacrant à la science-fiction ou au fantastique (Esther Rochon, Elisabeth Vonarburg, Jean-Pierre April, Michel Bélil, Daniel Sernine et René Beaulieu) apparaissent dans la foulée de la création du magazine Requiem (fondé en 1974 et rebaptisé Solaris en 1979), qui organise des ateliers d'écriture, des concours de nouvelles et un congrès annuel (appelé « Boréal »), et du magazine Imagine..., qui publie exclusivement de la science-fiction. Par ailleurs, deux collections se spécialisent dans ces genres : « Nuits d'encre » (fantastique), publiée chez Desclez, et « Chroniques du futur », chez Préambule. On constate actuellement une volonté concrète d'assurer à la science-fiction québécoise une diffusion régulière, comme c'était le cas pour les séries « Volpek » (Yves THÉRIAULT) et « Unipax » (Maurice Gagnon), publiées par Lidec dans les années 60.
Bande dessinée
Contrairement aux autres formes de littérature populaire, la bande dessinée est apparue au Québec en même temps qu'ailleurs dans le monde. Raoul Barré fait paraître en 1902 sa première bande dessinée, intitulée Pour un dîner de Noël, dans le journal La Presse, qui est alors concurrence avec La Patrie pour dominer le marché. Le Père Ladébauche, du caricaturiste éditorialiste de La Presse Albéric Bourgeois, a été l'une des rares bandes dessinées à résister aux agences de presse qui, après 1910, se sont mises à fournir des dessins humoristiques quotidiens aux journaux du monde entier.
Onésime, d'Albert Chartier, est publié pour la première fois en 1944 dans le Bulletin des agriculteurs, suivi de son Séraphin illustré (une adaptation d'Un homme et son péché, de Claude-Henri GRIGNON) de 1951 à 1970 et de Ti-Prince, la suite de Séraphin, qui fait son apparition dans Bonnes soirées en 1955. En dehors de ces exemples, la bande dessinée québécoise se résume, jusqu'à la fin de la Révolution tranquille, à l'Histoire en images (1919-1936), publiée par la SOCIÉTÉ SAINT-JEAN-BAPTISTE, et aux illustrés de Fides destinés aux enfants (1944-1965, François, Claire et Hérauts). Ces dessins moralisateurs provenaient en général de l'étranger. À quelques rares exceptions près, les quotidiens n'accordaient aucune place aux bandes dessinées québécoises.
L'essor de la bande dessinée coïncide avec l'effervescence des mouvements étudiants et de la contre-culture de la fin des années 60. Le groupe Chiendent (1968), dirigé par Claude Haeffely et André Montpetit, appuie la création bédéiste. Les magazines Maclean's et Perspectives assurent la diffusion des premiers dessins. Pierre Dupras, caricaturiste de Québec-Presse, publie quelques recueils en 1970 et en 1971. Des magazines se multiplient et disparaissent peu après, par exemple BD, L'Hydrocéphale illustré et L'Écran. Robert Lavaill et Léandre Bergeron font un malheur avec leur Histoire du Québec.
En 1972, la maison d'édition L'Hydrocéphale Entêté fonde la coopérative Les Petits Dessins qui, en 1974, fournit quotidiennement six bandes dessinées au journal Le Jour. La coopérative ne dure pas longtemps. En 1973, La Presse publie chaque jour deux bandes dessinées québécoises : Les Microbes, de Michel Tassé, et Rodolphe, de Bernèche.
La bande dessinée québécoise se scinde ensuite en deux tendances principales. Le bulletin d'information BDK et la maison d'édition du même nom ainsi que les magazines Prisme et Baloune (héritier de Mainmise) favorisent l'expérimentation en dehors du format commercial rigide habituel. Le magazine Croc publie des bandes dessinées humoristiques à compter de 1979. Il fait paraître des livres de Réal Godbout et de Jacques Hurtubise en 1982, mais il met fin à son magazine Titanic après quelques numéros et ferme ses portes en 1995. Cocktail (1981-1982) reproduit des classiques de la bande dessinée ainsi que des oeuvres québécoises. Ovale, une jeune maison d'édition, offre au public des aventures mettant en vedette des personnages tels que Humphrey Beauregard et Ray Gliss.
Les éditeurs commerciaux cherchent aussi à élargir leur lectorat. Certains d'entre eux (Mondia, Mirabel, Ovale, Ville Marie) veulent reprendre la part du marché que les productions étrangères dominent actuellement à 95 p. 100. Depuis 1973, les livres tirés d'émissions pour enfants (Capitaine Bonhomme, Bobino) inondent les rayons. Jean-Pierre Girerd, caricaturiste de La Presse, s'essaie à la bande dessinée (On a volé la Coupe Stanley) avec peu de succès. Henri Desclez, qui avait été le rédacteur en chef du magazine Tintin avant de travailler aux Éditions Héritage (qui ont publié Nic et Pic, de Serge Wilson et Claude Poirier, ainsi que Monsieur Petitbois, de Bastien), produit en 1981 une collection de bandes dessinées dont le premier numéro est Atlantic City, de Cédric Loth et Pierre Montour. Il reste toutefois difficile et onéreux pour les éditeurs québécois de réussir dans ce domaine.
Voir aussi LITTÉRATURE DE LANGUE FRANÇAISE.