Le lobbying est le processus qui permet aux particuliers et aux groupes de faire entendre leurs intérêts aux gouvernements fédéral, provincial ou municipal dans le but d’influer sur les politiques ou les politiques publiques ou les décisions des gouvernements. Les lobbyistes peuvent être des tiers, qui communiquent au nom de leurs clients, ou des employés d’une société ou d’une organisation qui cherche à influer sur un gouvernement. Ce genre d’activité pouvant engendrer des conflits d’intérêts, le lobbying est soumis à une surveillance serrée du public. Au niveau fédéral, les activités de lobbying sont encadrées par la Loi sur le lobbying. Les provinces et les municipalités, quant à elles, utilisent leurs propres lois et règlements sur le lobbyisme.
Qu’est-ce que le lobbying?
Le lobbying est le processus qui permet aux particuliers et aux groupes de présenter et de promouvoir leurs intérêts auprès des titulaires de charge publique de manière à influer sur certaines politiques gouvernementales. Les lobbyistes professionnels sont payés pour aider ceux qui veulent faire part de leurs préoccupations à un gouvernement.
Aux termes de la Loi sur le lobbying fédérale, le lobbying s’entend de toute communication avec un agent du service public concernant la politique fédérale (y compris la préparation, la modification et l’adoption des lois, des résolutions, des règlements ou des programmes), les subventions fédérales ou tout autre avantage financier, les contrats fédéraux, ou l’organisation d’une rencontre entre un client et un titulaire de charge publique.
Le lobbying est lié au favoritisme. Il met en jeu des relations entre des particuliers ou des groupes privés et des agents du secteur public – des gens qui ont été élus ou nommés pour siéger au sein d’un organe législatif (comme le Parlement ou le Sénat) ou qui sont employés dans la fonction publique. Une « nomination partisane » est la nomination d’une personne à un poste en raison d’un lien entre cette personne et l’agent public responsable de la nomination. Les liens étroits ou l’échange de cadeaux ou de faveurs entre les agents de la fonction publique et des groupes ou des personnes du secteur privé font souvent ressortir des problèmes de conflit d’intérêts. Le cas échéant, un agent public peut sembler gérer les politiques gouvernementales dans son propre intérêt plutôt que dans l’intérêt du public.
Le système du lobbying peut faire l’objet d’abus. Il est toutefois également un vecteur important pour la défense de différentes causes et l’évolution des politiques. Le système est encadré par la législation sur les conflits d’intérêts et la tenue d’un registre des lobbyistes aux niveaux fédéral, provincial et municipal. Généralement, les lobbyistes doivent s’enregistrer auprès de l’autorité de réglementation du lobbying. Ils doivent déclarer toutes leurs rencontres avec des agents publics.
Histoire de la réglementation du lobbying
Le lobbying est aussi ancien que l’art de la politique. Il ne commence toutefois à attirer l’attention et les questions du public qu’à la fin du 19e siècle, lorsque les journalistes et les réformateurs exposent son usage abusif et certaines dérives donnant lieu à des cas de corruption sur la scène politique américaine. En 1890, le Massachusetts adopte une loi anti-lobbying qui va servir de modèle pour la loi adoptée par le Maryland (en 1900), le Wisconsin (en 1905) et quelques autres États.
L’Anti-Lobbying Act (loi contre le lobbying) est basée sur le principe de publicité. Ce principe veut que la publicité et la transparence du processus de décision des organes gouvernementaux contribuent à réduire la corruption. La loi exige des conseillers et des autres agents des organes législatifs qu’ils s’enregistrent auprès du sergent d’armes en lui fournissant le nom et l’adresse de leur employeur ainsi que la période, les conditions et l’objet de leur emploi.
Le lobbying fait partie de la scène politique canadienne depuis les premiers temps de la colonisation. Les subventions, les monopoles et les concessions qui ont rendu possibles les premiers voyages de Cartier, Frobisher, Hudson et bien d’autres ont été ainsi obtenus grâce à des activités de lobbying à la cour. Les décisions en faveur du Family Compact ou de la clique du Château ont également résulté d’activités de lobbying auprès du cabinet et du parlement britannique.
Avec l’établissement d’un gouvernement responsable puis de la Confédération en 1867, les lobbyistes tournent leur attention vers les gouvernements fédéral et provinciaux. Ils se concentrent au début sur les partis politiques, l’Assemblée législative et le gouvernement en place. Avec la complexification croissante des gouvernements qui exercent leur influence dans pratiquement chaque aspect de la vie sociale et économique. Conséquemment, les lobbyistes en viennent à prêter une attention plus grande aux membres de la fonction publique et du Cabinet qu’aux membres de la législature et des partis politiques. Aujourd’hui, les lobbyistes du fédéral cherchent à influer sur les politiques en rencontrant les députés et les sénateurs, ainsi que les ministres et autres responsables publics.
Que font les lobbyistes?
On imagine souvent les lobbyistes comme étant des personnages cherchant à corrompre et qui n’interviennent dans les affaires publiques qu’à leur profit. Ce portrait s’est vérifié lors des nombreux scandales qui ont éclaté au Canada depuis celui du Pacifique (1872-1873) jusqu’à nos jours. Seul un petit nombre de lobbyistes s’efforcent en fait d’atteindre leurs fins par des tactiques vénales, autrement dit par la corruption. La grande majorité d’entre eux gagnent leur vie en appliquant leurs connaissances à la manière dont sont élaborées les politiques et à la façon d’accéder à ce processus.
Les connaissances concernant le processus d’élaboration des politiques sont très utiles puisqu’en sachant qui fait quoi et où, le lobbyiste est en mesure d’utiliser au mieux l’information dont il dispose. Un lobbyiste expérimenté saura par exemple à quel jeune responsable faire appel pour résoudre un problème technique mineur. Il saura aussi quels seront le meilleur endroit et le meilleur moment pour présenter un problème important à un haut fonctionnaire ou à un ministre. Il saura quels problèmes pourront être résolus en passant un simple coup de téléphone et lesquels nécessiteront la formation de coalitions et le ralliement de l’opinion publique grâce à des initiatives de lobbying au niveau local.
Les connaissances du lobbyiste sont mises à profit 1) en représentant certains intérêts auprès du gouvernement, 2) en offrant des services de mis en relation ou 3) en dressant l’organigramme du processus décisionnel (cartographie décisionnelle) pour des clients. La représentation d’intérêts comprend la description des besoins et des points de vue d’un certain groupe à des agents, des politiciens et parfois au grand public. Les employés permanents des associations commerciales consacrent par exemple beaucoup de temps à ce type d’activités en compagnie d’autres groupes de pression. Les services de mise en relation permettent d’introduire le client auprès des agents appropriés. Ils les conseillent aussi sur la meilleure manière de présenter leur cas. Les services de cartographie décisionnelle sont plus complexes et plus chers, car le lobbyiste doit alors aider le client à élaborer une stratégie pour acheminer une proposition d’un bout à l’autre du processus décisionnel.
Projets et modification des politiques
Au lieu de concentrer leurs activités sur les grandes questions politiques, la plupart des lobbyistes travaillent sur des projets particuliers afin d’aider des clients à obtenir des contrats d’approvisionnement pour le gouvernement, des subventions industrielles incitatives, des permis, l’accès à des ressources naturelles ou de légères modifications de règlement. Ce type de lobbying ne s’appuie pas nécessairement sur le trafic d’influence. (Voir Corruption politique.) En fait, il a été décrit comme étant la tâche « ennuyeuse, répétitive, chronophage et chère » qui consiste à conseiller des clients sur la manière de postuler pour une subvention ou de soumettre une offre.
Le lobbying axé sur les vastes changements de politique est une activité très chronophage et dispendieuse. Il s’étale souvent sur plusieurs années et fait appel à de nombreux participants à l’échelle internationale. L’industrie du tabac et le lobby de la santé croisent par exemple le fer depuis des décennies sur les questions relatives à la réglementation des produits du tabac. Chaque camp forme des coalitions avec des organisations qui partagent les mêmes idées, au Canada et à l’étranger. Ces coalitions cultivent un soutien au niveau local, exercent une pression directe sur les ministres et les fonctionnaires, font appel à des sociétés de lobbying et à des associations, financent des activités de recherche visant à soutenir leur cause et attaquent en justice les autres parties et le gouvernement. Le lobby de la santé a parfaitement réussi à retourner l’opinion publique et à mettre en place des politiques restrictives, mais le combat continue.
Le secteur du lobbying face aux soupçons du public
Au Canada, l’industrie du lobbying se concentre à Ottawa pour les questions relevant du fédéral, dans les capitales provinciales pour les questions de niveau provincial. Elle s’étend souvent aux questions de niveau municipal. Les lobbyistes peuvent être des conseillers qui exercent une pression au nom d’autres personnes, ou des employés salariés de groupes d’intérêt, de sociétés ou de syndicats. Le cas échéant, on les nomme alors « lobbyistes salariés » ou « lobbyistes internes ». Les cabinets d’avocats et les entreprises de relations publiques font aussi fréquemment du lobbying. Les sociétés de lobbying professionnel peuvent se spécialiser dans des domaines spécifiques, par exemple sur certains types d’approvisionnement, ou toucher un peu à tout. Elles peuvent être affiliées auprès de sociétés multinationales réputées qui peuvent offrir aux clients une aide en matière de publicité, de relations publiques ou de sondage de l’opinion publique en plus des activités classiques de lobbying.
Les lobbyistes ont pour vocation de peser sur l’orientation des gouvernements pour leur propre bénéfice. La pratique attire ainsi souvent les soupçons du public. Ces activités sont réglementées, mais les informations à fournir sont minimales. De plus, les coûts élevés du lobbying font que le surcroît de pouvoir qu’il permet d’obtenir est réservé aux plus riches. Au Canada, les assemblées législatives provinciales et fédérale ont adopté des lois visant à contrebalancer la nature opaque de ces activités et l’inhérente inégalité d’accès qui en découle. La confiance du public dans le système dépend non seulement de la réglementation, mais aussi d’une gestion efficace et d’une vérification continue de la conformité.
Loi sur le lobbying
Les lobbyistes du gouvernement fédéral doivent se conformer aux termes de la Loi sur le lobbying. Entrée en vigueur en 1989 sous le nom de Loi sur l’enregistrement des lobbyistes, cette loi ne faisait qu’exiger des lobbyistes qu’ils s’enregistrent, qu’ils nomment leurs clients et les organismes qu’ils approchaient et qu’ils définissent l’objet de leur lobbying. Les lobbyistes travaillant pour des associations ou des sociétés devaient seulement s’identifier et donner le nom de leur employeur. Plusieurs critiques ont estimé que ces exigences de divulgation étaient trop modestes, que les sanctions prévues pour ceux qui ne s’enregistraient pas étaient inadéquates et que les pouvoirs d’investigation du registraire étaient trop limités. Ils ont également critiqué le fait qu’il ne soit pas exigé que le registraire n’ait aucun lien avec le gouvernement. Un membre de l’opposition a même qualifié la Loi de « loi sur les cartes professionnelles » (business card bill) pour souligner que les renseignements exigés pourraient tenir sur une carte professionnelle.
En réponse aux pressions en faveur d’une transparence et d’une obligation de rendre compte accrues, la Loi a subi plusieurs modifications. Elle a été modifiée quatre fois, en 1995, 1996, 2003 et 2004, avant d’être complètement révisée et rebaptisée Loi sur le lobbying en 2006. Le texte de loi mis à jour est entré en vigueur le 2 juillet 2008. Il abolit le poste de registraire des lobbyistes et le remplace par celui de commissaire au lobbying. Le commissaire est un agent du Parlement. Il est indépendant et en théorie moins susceptible d’être influencé politiquement. Il dispose de pouvoirs d’investigation et a pour mandat de sensibiliser chaque acteur au Code de déontologie des lobbyistes. La nouvelle Loi interdit à tous les fonctionnaires qui quittent leur poste d’exercer une quelconque activité de lobbying dans les cinq années qui suivent. Cette mesure s’applique à tous les députés fédéraux, aux sénateurs et à leurs employés ainsi qu’aux titulaires de charge publique de haut rang.
Précédemment, la loi prévoyait que les infractions ou les non-conformités à la Loi sur le lobbying ne pouvaient faire l’objet d’une enquête et de poursuites que dans les deux ans suivant les faits reprochés. La Loi sur le lobbying étend ce délai de prescription à 10 ans. Elle prévoit que les amendes en cas d’infraction peuvent aller jusqu’à 200 000 dollars, assorties ou non d’une peine d’emprisonnement de deux ans au maximum. Le commissaire peut de plus interdire à tout lobbyiste ayant été reconnu coupable d’une infraction aux termes de la loi d’exercer toute activité de lobbying pendant deux ans au maximum.
Enregistrement et déclaration des lobbyistes aux termes de la Loi sur le lobbying
Aux termes de la Loi sur le lobbying, les lobbyistes sont classés en deux catégories : les « lobbyistes-conseils », qui sont des personnes engagées par leur client pour communiquer avec un titulaire de charge publique ou pour organiser des rencontres entre leur client et des titulaires de charge publique ; et les « lobbyistes salariés », qui sont employés de l’organisation pour laquelle ils exercent leurs activités de lobbying. Les lobbyistes salariés sont eux-mêmes divisés entre ceux qui travaillent pour une société (entité à but lucratif) et ceux qui travaillent pour une organisation (entité à but non lucratif).
Les personnes suivantes ne sont pas considérées comme étant des lobbyistes aux termes de la Loi : les membres des gouvernements provinciaux, municipaux et autochtones ainsi que les membres de leur personnel, les agents diplomatiques, les fonctionnaires consulaires et les représentants officiels au Canada d’un gouvernement étranger ainsi que les membres, les agents ou les représentants des Nations Unies. De plus, les simples citoyens et les bénévoles (qui ne sont pas rétribués pour communiquer) ne sont pas considérés comme des lobbyistes aux termes de la Loi.
Les lobbyistes-conseils doivent s’enregistrer auprès du Commissariat au lobbying du Canada dans les dix jours qui suivent leur sélection comme lobbyiste pour un client particulier. Les lobbyistes salariés doivent s’enregistrer dans les deux mois qui suivent le début de leurs activités de lobbying. Tous les lobbyistes doivent présenter un rapport mensuel de leurs activités de lobbying. Ces rapports précisent le nom du titulaire de charge publique contacté, les dates des contacts effectués et les sujets discutés. Les lobbyistes doivent expliquer la nature du lobbying effectué pour un client dans leur dossier d’enregistrement. Ils doivent de plus divulguer tous les postes de fonction publique qu’ils ont occupés antérieurement.
Les lobbyistes doivent présenter leur déclaration mensuelle au Commissariat au lobbying du Canada dans les quinze jours qui suivent la fin du mois s’ils ont communiqué oralement et de manière planifiée avec un titulaire de charge publique au cours du dernier mois, si des renseignements antérieurs doivent être modifiés, si de nouveaux renseignements doivent être ajoutés à une déclaration antérieure, ou s’ils ont mis fin à leurs activités de lobbying. Toutes les déclarations et tous les enregistrements ainsi que les statistiques relatives aux enquêtes sur la conformité effectuées par le commissaire peuvent faire l’objet de recherche en ligne à partir du site du Commissariat au lobbying du Canada.
Problèmes
La Loi sur le lobbying et le Code de déontologie des lobbyistes traitent sérieusement du problème de trafic d’influence et des conflits d’intérêts qui peuvent en résulter. La Loi interdit à tout ancien titulaire d’une charge publique d’exercer une quelconque activité de lobbying dans les cinq années qui suivent la cessation de ses fonctions. Cette interdiction peut être levée par le commissaire à la seule discrétion de celui-ci. De plus, le Code de déontologie des lobbyistes avertit les lobbyistes qui désirent entreprendre des activités politiques que celles-ci pourraient vraisemblablement faire croire à une « personne raisonnable » qu’un sentiment d’obligation a été créé chez le titulaire de charge publique concerné. Il ne s’agit pas là d’une interdiction pure et simple de s’engager dans des activités politiques, mais le Code tente d’encadrer aussi bien les situations de conflits d’intérêts réelles que les situations qui pourraient être perçues comme telles. Il a donc pour vocation de conseiller une certaine prudence en la matière.
Malgré plusieurs modifications apportées à la loi, celle-ci présente toujours des défauts. Les agents du gouvernement ne sont par exemple pas obligés de tenir des registres officiels faisant état de leurs contacts avec les lobbyistes. Les titulaires de charge publique visés par la loi sont simplement tenus de confirmer le contenu des activités de lobbying telles que mentionnées par le lobbyiste. De plus, les lobbyistes ne doivent pas être rétribués en fonction de leurs résultats. Ils doivent être payés, quels que soient ces résultats. Cela étant dit, les lobbyistes non payés ou « bénévoles » ne sont pas obligés de s’enregistrer, pas plus que les particuliers. Les bénévoles aisés et dotés d’un carnet d’adresses bien rempli peuvent donc contacter et influencer des titulaires de charge publique sans être soumis à aucun contrôle.
Les infractions à la Loi sur le lobbying – telles que le défaut d’enregistrement ou des déclarations fausses ou trompeuses dans des documents présentés au commissaire – sont punissables pénalement. (Voir aussi Enquête criminelle.) Les infractions au Code de déontologie des lobbyistes ne sont pas assorties de peines similaires. Elles doivent simplement être rendues publiques dans un rapport présenté devant le Parlement par le commissaire.
Voir aussi Groupes de pression; Favoritisme politique au Canada.