Introduite par Camille Laurin, la Loi 101, soit la Charte de la langue française (1977), fait du français la langue officielle de l’État et des tribunaux au Québec. Le français devient la langue normale et habituelle au travail, dans l’enseignement, dans les communications, dans le commerce et dans les affaires.
Contexte historique
Avec l’avènement de la Confédération en 1867, les leaders canadiens-français au Québec constatent que les droits des minorités francophones sont menacés. C’est le cas au Nouveau-Brunswick (voir Question des écoles au Nouveau-Brunswick), en Ontario (voir Question des écoles de l’Ontario) et au Manitoba (voir Question des écoles du Manitoba), surtout dans les systèmes d’éducation. (Voir aussi Question des écoles du Nord-Ouest; Article 23 et éducation francophone hors Québec.)
Ces réalités ouvrent la voie au nationalisme musclé de Lionel Groulx. (Voir Nationalisme canadien-français.) Ce dernier voit la Conquête comme étant la pire catastrophe qui ait touché le peuple canadien-français. Ce courant nationaliste mène plus tard au mouvement séparatiste, incluant le Rassemblement pour l’indépendance nationale (voir Parti Québécois).
Entretemps, la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme (1963-1971) révèle que le poids politique et économique des Canadiens et des Canadiennes francophones est inadéquat par rapport à leur nombre. En 1965, les francophones québécois(es) gagnent en moyenne 35 % de moins que les anglophones. Plus de 80 % des employeurs et des employeuses sont anglophones. La représentation au sein de l’administration fédérale et les services en français à l’extérieur du Québec sont aussi des préoccupations de longue date.
Le mouvement nationaliste québécois considère que la fragilité de la langue française rend nécessaire sa protection de la majorité nord-américaine. Protéger la langue française servirait aussi d’outil de promotion nationale. Ceci permettrait alors aux francophones d’obtenir le contrôle économique et politique de la province.
Législation au Québec
L’évolution des lois sur la langue a été graduelle au Québec. (Voir Politiques linguistiques du Québec.) La loi 63 entre en vigueur en novembre 1969. Cette loi exige que les enfants scolarisés en anglais acquièrent une connaissance pratique du français. La loi 63 assure aussi que les personnes immigrantes ont une connaissance pratique du français à leur arrivée au Québec. ( Voir aussi Politique d’immigration québécoise.) En 1974, le gouvernement libéral de Robert Bourassa met en œuvre la loi 22. Celle-ci déclare que le français est la langue officielle du Québec. La nouvelle loi oblige tout immigrant et toute immigrante arrivant au Québec à s’inscrire à une école de langue française.
Une nouvelle loi sur la langue figure aux plus hauts rangs des priorités du Parti Québécois, qui arrive au pouvoir en 1976 sous la direction de René Lévesque. En 1977, le parti introduit le projet de loi 1. Celui-ci est fortement appuyé par les groupes nationalistes et les organisations syndicales dont les membres francophones souhaitent bénéficier d’un meilleur accès aux emplois. L’initiative du PQ rencontre une égale opposition des dirigeant(e)s d’entreprises et de la population anglophone de la province. Ce premier projet de loi est retiré à la suite des pressions exercées par l’Opposition libérale, mais il réapparaît sous la forme du projet de loi 101.
Introduite par Camille Laurin, la loi 101 fait du français la langue officielle du gouvernement du Québec et de la société québécoise. L’enseignement en français devient obligatoire pour les immigrants et immigrantes. C’est le cas même pour ceux et celles en provenance d’autres provinces canadiennes. Une exception est possible dans les cas où il existe une « entente de réciprocité » entre le Québec et la province d’origine.
Le groupe de pression anglophone Alliance Québec est le produit du conflit qui en résulte.
Contestations judiciaires
Une série de jugements modifient le contenu et réduisent la portée de la loi 101. En 1980, la Cour suprême du Canada rend caduc l’article de la Charte faisant du français la langue de l’Assemblée législative et des tribunaux. (Voir Système judiciaire canadien.) En 1984, on déclare que l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés limite le pouvoir conféré par la Loi 101 de réglementer la langue d’enseignement (voir Affaire concernant la Loi 101). Ainsi, les enfants ayant fréquenté une école primaire de langue anglaise ailleurs au Canada obtiennent le droit d’étudier dans le système public anglophone au Québec. Durant cette même année, la Cour suprême juge que l’usage obligatoire du français dans l’affichage commercial public n’est pas compatible avec le droit à la liberté d’expression. Ces jugements provoquent de l’insatisfaction au sein des groupes nationalistes tout en produisant quelques soulagements au sein de la population anglophone. Comme on peut s’y attendre, de telles remises en cause de la Loi 101 ne laissent indifférents ni les membres du Parti Québécois ni même ceux du Parti libéral.
Le gouvernement de Robert Bourassa présente alors le projet de loi 178 en décembre 1988. Cette loi permet l’affichage public bilingue, mais seulement à l’intérieur des commerces. Pour éviter tout autre recours, le gouvernement invoque l’article 33, soit la disposition de dérogation. Ceci permet à la loi d’ignorer certaines clauses de la Charte canadienne des droits et libertés.
Autres clauses linguistiques
En 1993, le gouvernement de Robert Bourassa introduit la loi 86. Cette loi permet l’anglais sur les enseignes commerciales extérieures. Le français doit cependant occuper au moins deux fois plus d’espace que l’anglais.
Dans les années qui suivent le référendum québécois de 1995, les dirigeants du Parti québécois parviennent à contenir les positions plus radicales à l’égard des politiques linguistiques. Malgré cette tendance, en 2002, le gouvernement de Bernard Landry passe la loi 104. Celle-ci supprime une échappatoire donnant accès aux écoles de langue anglaise via les écoles « passerelles ». Ces dernières permettent aux allophones et francophones d’accéder au système public anglophone après avoir étudié dans une école privée de langue anglaise.
La Cour d’appel du Québec annule cette loi en 2007 et la Cour suprême du Canada en fait de même en 2009. Toutefois, la Cour suprême du Canada accorde au Québec un délai d’un an pour élaborer une nouvelle loi conforme à la Constitution canadienne. Le gouvernement du Québec, sous le premier ministre libéral Jean Charest, introduit alors la loi 103 en 2010. Cette loi exige au moins trois ans d’études dans une école de langue anglaise privée avant d’avoir accès au système public anglophone. Le gouvernement libéral s’inspire de cette loi et passe plus tard la loi 115 pour mieux encadrer les écoles passerelles.
En 2013, le gouvernement du Parti québécois dépose le projet de loi 14, que certains groupes anglophones jugent pire que la loi 101. Elle étend la législation aux petites entreprises. Elle révoque également le statut bilingue de toute municipalité dont la proportion d’anglophones descend sous les 50 %. Le projet de loi est bloqué par les partis d’opposition et le gouvernement décide finalement d’abandonner cette initiative.
Projet de loi 96
En mai 2021, le gouvernement de la Coalition Avenir Québec annonce une réforme importante de la loi 101 avec son projet de loi 96, qui prend force de loi le 1er juin 2022. Le gouvernement québécois fait valoir qu’il est nécessaire de préserver le français dans la province. Les militants des communautés anglophones et autochtones du Québec, eux, critiquent cette initiative.
Une série de mesures sont introduites, selon laquelle le français doit devenir la langue de communication exclusive du gouvernement. Certaines exceptions sont prévues pour le tourisme, les soins de santé et pour les immigrants pendant leurs six premiers mois au Québec. Les critiques font valoir que l’exception dans le domaine des soins de santé est ambiguë, tandis que la période de six mois pour les nouveaux immigrants est insuffisante. D'autres exemptions concernent les peuples autochtones et les anglophones ayant des droits linguistiques acquis antérieurement. Une exception est également faite pour le système judiciaire; toutefois, la loi précise que les juges ne devraient pas être tenus de connaître d’autres langues que le français.
Le projet de loi 96 limite le nombre d’étudiants pouvant fréquenter les cégeps de langue anglaise. Plus précisément, il ne doit pas dépasser 17,5 % des étudiants au Québec. De plus, les étudiants des cégeps anglophones devront suivre davantage de cours en français.
Les entreprises de 25 à 49 employés sont également assujetties à la politique de la Loi 101 qui veut que le français soit la langue commune au travail. Auparavant, cette disposition ne s’appliquait qu’aux entreprises de 50 employés et plus.
De façon controversée, le projet de loi 96 invoque la clause dérogatoire. Celle-ci permet à la loi de contourner certains droits garantis par la Charte canadienne des droits et libertés. Certains reprochent à la loi de donner à l’OQLF trop de pouvoir pour enquêter sur l’utilisation du français par les entreprises.