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Louis Riel (opéra)

Louis Riel est un opéra en trois actes composé par Harry Somers, dont les livrets (textes de l’opéra) anglais et français sont respectivement attribuables à Mavor Moore et Jacques Languirand. Il raconte l’histoire du personnage politique et culturel métis légendaire, Louis Riel. Sans conteste l’opéra canadien le plus connu, il est commissionné par la Fondation Floyd S. Chalmers (aujourd’hui le fonds Chalmers) dans le cadre des célébrations du centenaire en 1967. Il est initialement produit par la Compagnie d’opéra canadienne (COC), avec le soutien financier de la Commission canadienne du Centenaire et du Conseil des arts du Canada et de la province de l’Ontario (maintenant Conseil des arts de l’Ontario). En 2017, l’opéra a été réinventé par Peter Hinton, qui cherche à mieux incorporer les Autochtones et leurs points de vue dans l’œuvre.

Synopsis et musique

L’opéra de 18 scènes couvre 16 années de la vie de Louis Riel, enseignant manitobain et héros métis de la Rébellion de la rivière Rouge (1869-1870), en passant par la Rébellion du Nord-Ouest (1884-1885), jusqu’à son procès et sa mise à mort par pendaison, en 1885, à Regina. Il offre aussi une dramatisation des machinations politiques d’Ottawa, qui ont découlé des actions de Louis Riel, et de plusieurs confrontations entre sa famille, ses amis, ses ennemis et lui.

La partition de Harry Somers se distingue de l’habituelle écriture orchestrale en raison de ses sonorités électroniques et d’une musique plus abstraite et atonale (c.-à-d. une musique qui n’est écrite dans aucune tonalité en particulier). Il incorpore aussi des éléments de la musique traditionnelle autochtone, du folklore européen, de la chanson populaire et de la musique religieuse. Le livret utilise des citations réelles, comme celle de sir John A. Macdonald : « Il sera pendu, même si tous les chiens du Québec aboient en sa faveur. »

Première

Les premières performances de Louis Riel ont lieu au O’Keefe Centre (aujourd’hui le Sony Centre for Performing Arts), à Toronto, les 23 et 28 septembre et le 11 octobre 1967. Il est aussi présenté à Montréal dans le cadre d’Expo 67 à la Salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts les 19 et 21 octobre. L’œuvre est mise en scène par Leon Major et dirigée par Victor Feldbrill, alors que la scénographie et les costumes sont faits par Murray Laufer et Marie Day. La distribution originale comprend Bernard Turgeon dans le rôle de Louis Riel, Cornelis Opthof dans la peau de sir John A. McDonald et Joseph Rouleau en Monseigneur Taché. Patricia Rideout, Mary Morrison et Roxolana Roslak jouent respectivement les rôles de la mère, de la sœur et de la femme de Louis Riel, tandis que Howell Glynne est William McDougall et Ermanno Mauro défend Baptiste Lépine. La production profite de six performances supplémentaires (jouées devant les membres de la Fondation Floyd S. Chalmers) à Toronto en 1969 et est adaptée par Franz Kraemer pour sa diffusion télévisuelle sur les ondes de CBC en 1969.

Reprises

En 1975, Louis Riel est repris par la Compagnie d’opéra canadienne pour quelques performances, dont une le 27 septembre à Toronto pour honorer la 16e Assemblée générale du Conseil international de la musique. L’opéra fait aussi l’objet de trois représentations au Centre national des Arts (CNA), à Ottawa, les 14, 16 et 18 octobre, et vit sa première états-unienne au Kennedy Center, à Washington, le 23 octobre dans le cadre des célébrations du bicentenaire.

En novembre 1985, l’opéra est présenté à la conférence Image of Riel in Canadian Culture, à Guelph, en Ontario, durant laquelle Victor Feldbrill dirige l’Orchestre du Centre national des Arts. Bernard Turgeon et Roxolana Roslak reprennent leurs rôles, et sont rejoints par Donald Rutherford (John A. Macdonald), Jean-Pierre Hurteau (Monseigneur Taché), Diane Loeb (la mère), Ann Cooper (la sœur), Ronald Bermingham (William McDougall) et Remo Marinucci (Baptiste Lépine).

Il faudra attendre aux 27 et 28 janvier 2005 avant que Louis Riel ne soit rejoué, cette fois-ci par l’Opéra McGill à la Place des Arts de Montréal pour célébrer le 100e anniversaire du programme de musique de l’Université McGill (voir aussi Départements de musique de l’Université McGill). Dans cette production, Luc Lalonde défend le rôle de Louis Riel, Michael Meraw celui de John A. Macdonald, et John Taylor joue Monseigneur Taché. La mise en scène est signée par François Racine, et la direction musicale est l’œuvre d’Alexis Hauser pour cette reprise, qui remporte le prix Opus de l’événement de l’année.

Du 4 au 7 février 2010 se déroule la première ouest-canadienne de l’opéra à Vancouver, une production de l’orchestre symphonique et de l’ensemble opératique de l’Université de la Colombie-Britannique, en collaboration avec le programme de théâtre de l’université et le Chan Centre for the Performing Arts. Dwight Bennet assure la direction musicale, et Nancy Hermiston la mise en scène. Louis Riel est joué par Andrey Andreychik. La première est précédée d’un symposium sur la culture métisse et sur d’autres cultures autochtones, ainsi que sur les influences contemporaines de celles-ci. Aussi, à l’ordre de ce symposium figurent un discours de la juge en chef du Canada, Beverley McLachlin, et une performance de la scène du procès, mettant en vedette Bernard Turgeon dans le rôle de Louis Riel.

Reprise dans le cadre du 150e anniversaire du Canada

En 2013, la Compagnie d’opéra canadienne et le Centre national des Arts annoncent une production du 50e anniversaire de l’opéra pour 2017 sous la direction du directeur Peter Hinton. Confronté à des questions difficiles lorsqu’il doit raconter l’histoire d’un héros métis sous une « forme eurocentrique » (un opéra) à une époque de vérité et de réconciliation, Peter Hinton apporte quelques changements à l’œuvre originale. Il ajoute de nouveaux rôles tels la Land Assembly (un chœur silencieux de comédiens autochtones qui sont témoins pendant la représentation) et The Folksinger, un personnage qui guide l’opéra (rôle joué par Jani Lauzon).

Alors que les rôles principaux de Louis Riel (Russell Braun) et de sa femme (Simone Osborne) sont joués par des comédiens non autochtones, d’autres comédiens sont des Autochtones, y compris Everett Morrison (Wandering Spirit) et Joanna Burt (Sara Riel). Peter Hinton incorpore aussi du dialogue en michif (fourni par Norman Fluery) de même que de nouvelles traductions de sections en langue crie (par Billy Merasty). Louis Riel sera présenté par la COC à Toronto du 20 avril au 13 mai et par le CNA à Ottawa du 15 au 17 juin.

Réception

À la suite de la première, en 1967, Kenneth Winters décrit dans le Telegram, de Toronto, l’opéra comme un « pastiche… grand, efficace, excitant, hétérogène… Sans sonner indémodable, il était une démonstration vigoureusement actuelle et de qualité; une main effrontée, désinvolte, prenant habilement le pouls des tendances sociales, dramatiques et musicales. » Dans une critique du Washington Star de la performance de 1975 à Washington, Wendell Margrave parle « d’une des partitions les plus imaginatives et puissantes à être écrite depuis 75 ans ». Un enregistrement vidéo de cette performance est utilisé par Centredisques pour produire un coffret de trois disques contenant l’opéra intégral.

La majorité des productions de l’opéra suscitent les critiques en raison du manque de représentation autochtone pour les comédiens et la direction créative. La reprise 2017 de Peter Hinton aborde certaines de ces préoccupations. Même si certains croient qu’il y a encore de la place pour de la croissance à cet égard, la comédienne et chanteuse métisse Jani Lauzon dit espérer que la reprise soit un « tremplin » pour les Autochtones dans l’opéra et pour les spectateurs non autochtones.

Enregistrements

« Kuyas », la berceuse chantée durant le troisième Acte par la femme de Louis Riel à leur enfant, sert de pièce test, avant la première de l’opéra, pour le Concours musical international de musique de Montréal de 1967. Elle est enregistrée en 1983 par Roxolana Roslak sous l’étiquette Centredisques.

En juillet 2011, l’adaptation télévisuelle de 1969 à CBC sort en DVD, poussant Robert Everett-Green du Globe and Mail à écrire dans sa critique qu’il s’agit « à la fois d’une histoire personnelle et d’une épopée à l’échelle nationale, bénéficiant d’un livret aussi excitant et tendu que bien écrit ».