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Marie-Claire Blais

Marie-Claire Blais, CC, OC, MSRC, romancière, dramaturge et poète (née le 5 octobre 1939 à Québec en Québec; décédée le 30 novembre à Key West en Floride). Auteure canadienne des plus reconnues et étudiées, elle a près d’une cinquantaine d’ouvrages à son actif. Fière militante de la francophonie, son œuvre explore, entre autres, les thèmes de la violence, de la révolte et de la haine.
Marie-Claire Blais

Enfance et formation

Aînée d’une famille de cinq enfants, Marie-Claire Blais grandit dans le quartier ouvrier de Limoilou, à Québec et est éduquée par des religieuses catholiques. La situation financière de ses parents la force à quitter les bancs d’école à 15 ans à peine pour intégrer le marché du travail. Elle loue son propre appartement et travaille dans des magasins et des usines tout en consacrant tout son temps libre à l’écriture. Après un séjour à Montréal, elle suit un cours du soir en création littéraire à l’Université Laval, où son talent est d'ailleurs vite remarqué parJeanne Lapointe, professeure de littérature, et le père Georges-Henri Lévesque, vice-président du Conseil des arts du Canada à l’époque. Ce dernier offre son soutien lors de la publication de son premier roman et aide la jeune romancière à obtenir une bourse d’écriture qui lui permet de vivre et de travailler à Paris pendant un an.

La belle bête (1959)

Marie-Claire Blais publie La belle bête en 1959 alors qu’elle n’a que 20 ans. L’œuvre est généralement saluée par la critique, mais est aussi mal reçue par certains, qui trouvent le roman immoral. D'une violence et d'un langage cru tout nouveau pour l'époque au Québec, l'intrigue du roman laisse des marques ineffaçables dans l'imaginaire de ses nombreux lecteurs. L'histoire des relations tordues entre une jeune femme laide et son jeune frère, simple d'esprit, mais d'une beauté exceptionnelle, sert de tremplin à toute une panoplie d'émotions plus fortes les unes que les autres; les critiques évoquent une sauvagerie sans nom, d'où la stupeur éprouvée par les lecteurs vu le jeune âge de l'auteure. Ce roman est tout de suite publié en France, en 1960, et traduit en anglais (sous le titre de Mad Shadows), en espagnol et en italien.

L’œuvre unique est remarquée ensuite par l’influent critique américain Edmund Wilson, qui mentionne Marie-Claire Blais dans son livre O Canada, An American’s Notes on Canadian Culture (1965) : « [Elle] est un vrai phénomène ; possiblement un génie ». Avec le soutien de Wilson, la romancière réussit à décrocher deux bourses de la Fondation John-Simon-Guggenheim.

Une auteure prolifique

Un deuxième roman, intitulé Tête blanche (1960), suit rapidement La belle bête. En 1965, Marie-Claire Blais publie le roman très acclamé Une saison dans la vie d'Emmanuel, traduit dans plus d'une dizaine de langues. Cette œuvre remporte le prestigieux prix Médicis de France ainsi que le Prix France-Québec. Plus de 2 000 livres, thèses, articles, critiques et entrevues sont rédigés sur ce roman et les multiples interprétations qu'en fait la critique littéraire représentent un hommage certain à la riche complexité du roman.

Une saison dans la vie d'emmanuel (marie-claire blais)

Les publications se multiplient par la suite, et l’auteure demeure très active dans le monde littéraire. Elle obtient un premier prix littéraire du Gouverneur général en 1968 avec Les manuscrits de Pauline Archange, un récit troublant qui traite de l’enfance, de la cruauté et de la transgression, et dans lequel une myriade de personnages s’échangent les rôles de victimes et de bourreaux. Le sourd dans la ville est aussi récompensé d’un prix du Gouverneur général en 1979; un livre difficile dans lequel tout se passe dans les monologues internes des personnages. Les thématiques de la violence et d’un sombre futur continuent d’être présents dans Visions d’Anna, qui paraît en 1982 et remporte le prix Anaïs-Ségalas de l'Académie française.

En janvier 2018, elle publie Une réunion près de la mer, ce qui met fin à sa série de romans intitulée Soifs et sur laquelle elle a travaillé au cours des 20 dernières années. Cette série comprend 10 romans mettant en scène une centaine de personnages, souvent des marginaux malmenés par la vie, qui représentent la complexité du tissu social de l’Amérique. L’ensemble des personnages développés dans chaque livre sont réunis dans le dernier opus pour la grande finale de la série.

Adaptations

Plusieurs œuvres de Marie-Claire Blais sont adaptées à d’autres formats. Le roman La Belle Bête, notamment, est transformé en ballet en 1977 par le Ballet national du Canada et ramené sur scène en 1987 à l’occasion de l’anniversaire de la compagnie. En 2006, il est porté au grand écran par le directeur Karim Hussain, mettant en vedette, entre autres, Carole Laure et Caroline Dhavernas. Plusieurs de ses autres romans sont adaptés pour le cinéma; on pense à Une saison dans la vie d'Emmanuel (1972), réalisé par Claude Weisz, qui a remporté le prix de la Quinzaine des jeunes réalisateurs au Festival de Cannes, Le sourd dans la ville (1987), réalisé par Mireille Dansereau et qui a remporté un prix à la Mostra de Venise, et L'océan (1971), adapté en téléfilm par Jean Faucher.

Poésie et théâtre

Marie-Claire Blais œuvre aussi comme auteure dramatique et poète. Elle publie deux recueils de poésie et écrit une dizaine de pièces de théâtre, dont un texte français inspiré d'une traduction de Seamus Heaney de l'Antigone de Sophocle, présenté par le Théâtre du Nouveau Monde (TNM) en 2005. Elle participe, de plus, à la scénarisation de la série de James Dormeyer, Journal en images froides (1978) et de celui d'Anne Claire Poirier pour l' Office national du film (ONF), Tu as crié LET ME GO (1996).

Des romans objets d’études

Les romans de Marie-Claire Blais sont étudiés un peu partout dans le monde francophone, mais aussi anglophone. Son œuvre est comparé à celui de Virginia Woolf, de William Faulkner, et même de Fedor Dostoïevski. Certains critiques trouvent son écriture assez difficile à suivre : peu de ponctuation et de référence temporelle, beaucoup de violence, de rage. Marianne Ackerman disait même dans le périodique The Walrus : « Se peut-il que, tout en étant un génie — comme l’ont mentionné certains grands littéraires —, Marie-Claire Blais soit aussi totalement illisible? ».

Lorsque Marie-Claire Blais reçoit un doctorat honorifique de l’Université d’Ottawa, le Sénat de l’université mentionne dans son éloge que « l’écriture de Marie-Claire Blais possède une violence qui n’est ni gratuite ni complaisante, et non plus exhibitionniste. Son lyrisme très personnel lui permet d’aller au-delà des apparences superficielles et de révéler une enfance solitaire ou remplie d’abus, une perte d’innocence, mais aussi une grande tendresse. [...] La richesse et l’abondance dans ses romans, la musicalité de sa poésie et la qualité exceptionnelle des dialogues écrits ont gagné la reconnaissance du public, de ses pairs et du monde littéraire ».

Très discrète au sujet de sa vie personnelle, elle est toutefois souvent invitée à participer à des discussions sur la littérature LGBTQ2 et son œuvre est également étudié dans cette perspective (voir Culture queer). Elle croit fermement que « chaque être humain a droit à une voix ». Aussi donne-t-elle dans ses écrits une voix aux marginaux et aux opprimés. L’écrivaine et féministe Nicole Brossard précise que chez Blais, « et c’est vrai dans son œuvre, les femmes, comme les homosexuels, hommes ou femmes, font partie de l’humanité exploitée et blessée ». Malgré cette douleur et cette violence exprimées dans son œuvre, Marie-Claire Blais se dit optimiste : « Je suis dans l'espérance. Parce que c'est dans l'être humain de vouloir changer, de vouloir être dans l'univers, pas seulement dans son pays, et d'avoir une compréhension universelle des autres. »

Vie personnelle

Au début des années 1960, Marie-Claire Blais s’installe à Cambridge, aux États-Unis, où elle fait la rencontre de la peintre américaine Mary Meigs. En 1963, elle emménage dans une maison près de Cape Cod avec la peintre et la conjointe de celle-ci, l’écrivaine Barbara Deming. Plusieurs œuvres d’art de Mary Meigs sont inspirées de sa liaison avec Marie-Claire Blais et la peintre illustre plusieurs des romans en édition à tirage limité de l’auteure (dont une édition de luxe d’Une saison dans la vie d’Emmanuel). En 1972, Marie-Claire Blais déménage en Bretagne, en France, avec Mary Meigs et, après avoir passé quelques années en Europe, elles s’installent à Montréal, où l’auteure a continué à écrire de manière prolifique. Montréal et les Cantons de l’Est l'a inspiré et servent de toile de fond à plusieurs de ses œuvres.

Mary Meigs, peintre et écrivaine américaine

Prix et distinctions

Marie-Claire Blais est l’une des rares écrivaines canadiennes à avoir remporté quatre prix littéraires du Gouverneur général (1968, 1979, 1996, 2008) et la première et seule francophone à avoir remporté le prix Matt-Cohen de la Société d’encouragement aux écrivains du Canada (2006). On lui a décerné plusieurs prix importants, dont le prix Gilles-Corbeil de la Fondation Émile-Nelligan (2005), attribué tous les trois ans pour l'ensemble d'un œuvre.

Membre de l'Ordre du Canada et de l'Ordre national du Québec, chevalier de l'Ordre des Arts et des Lettres de France, elle est la première auteure nord-américaine à avoir été invitée à se joindre à la prestigieuse Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique.

Marie-Claire Blais

Depuis 2005, elle parraine le Prix littéraire Québec-France Marie-Claire-Blais, qui récompense un auteur francophone pour un premier roman. Une photographie de l’écrivaine prise en 1978 par le photographe Canadien Sam Tata est exposée dans une collection permanente du Musée des beaux-arts du Canada.

Prix

  • Prix de la langue française de l’Académie française (1961)
  • Bourse Guggenheim, Fondation John-Simon-Guggenheim (1963, 1965)
  • Prix Médicis (Une saison dans la vie d’Emmanuel) (1966)
  • Prix Jean-Hamelin, aujourd’hui le prix France-Québec (Une saison dans la vie d’Emmanuel) (1966)
  • Prix littéraire du Gouverneur général, catégorie Romans et nouvelles en français (Manuscrits de Pauline Archange) (1968)
  • Compagnon, Ordre du Canada (1972)
  • Prix Canada-Communauté française de Belgique (1976)
  • Prix littéraire du Gouverneur général, catégorie Romans et nouvelles en français (Le sourd dans la ville) (1979)
  • Prix Athanase-David, Prix du Québec (1982)
  • Prix Anaïs-Ségalas (Visions d’Anna), Académie française (1983)
  • Membre, Société royale du Canada (Académies des arts, des lettres et des sciences du Canada) (1986)
  • Prix Ludger-Duvernay, Société Saint-Jean-Baptiste (1989)
  • Prix international Nessim Habif (pour l’ensemble de son œuvre), Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique (1990)
  • Médaille commémorative du 125e anniversaire de la Confédération du Canada (1992)
  • Membre, Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique (1992)
  • Officière, Ordre national du Québec (1995)
  • Prix littéraire du Gouverneur général, catégorie Romans et nouvelles en français (Soifs) (1996)
  • Chevalier, Ordre des Arts et des Lettres de France (1999)
  • Prix international de l’Union latine des littératures romanes (pour l’ensemble de son œuvre) (1999)
  • Prix W.O.-Mitchell (pour l’ensemble de son œuvre) (2000)
  • Grand Prix littéraire international Metropolis bleu (pour l’ensemble de son œuvre) (2000)
  • Prix Prince-Pierre-de-Monaco (Dans la foudre et la lumière) (2002)
  • Médaille du jubilé d’or de la Reine Elizabeth II (2002)
  • Prix Gilles-Corbeil (pour l’ensemble de son œuvre), Fondation Émile-Nelligan (2005)
  • Prix Matt-Cohen (pour l’ensemble de son œuvre), Société d’encouragement aux écrivains du Canada (2006)
  • Prix littéraire du Gouverneur général, catégorie Romans et nouvelles en français (Naissance de Rebecca à l’ère des tourments) (2008)
  • Chevalier, Ordre national du Mérite de France (2008)
  • Médaille du jubilé de diamant de la reine Elizabeth II (2012)
  • Grand Prix du livre de Montréal (Le jeune homme sans avenir), Ville de Montréal (2012)
  • Gagnante du Combat des livres de Radio-Canada (La belle bête) (2014)
  • Prix Molson, Conseil des arts du Canada (2016)
  • Compagne, Ordre des arts et des lettres du Québec (2016)

Doctorats honorifiques

Publications

Fictions

  • La belle bête (1959)
  • Tête blanche (1960)
  • Le jour est noir (1962)
  • Une saison dans la vie d’Emmanuel (1965)
  • L’insoumise (1966)
  • David Sterne (1967)
  • Manuscrits de Pauline Archange (1968)
  • Vivre ! Vivre ! (suite des Manuscrits de Pauline Archange, 1969)
  • Les Apparences (1970)
  • Le loup (1972)
  • Un Joualonais sa Joualonie (1973)
  • Une liaison parisienne (1975)
  • Les nuits de l’underground (1978)
  • Le sourd dans la ville (1979)
  • Visions d’Anna ou Le vertige (1982)
  • Pierre ou La guerre du printemps 81 (1984)
  • L’ange de la solitude (1989)
  • Un jardin dans la tempête (1990)
  • Soifs (1995)
  • Dans la foudre et la lumière (2001)
  • Augustino et le chœur de la destruction (2005)
  • Naissance de Rebecca à l'ère des tourments (2009)
  • Mai au bal des prédateurs (2012)
  • Le jeune homme sans avenir (2012)
  • Aux Jardins des Acacias (2014)
  • Le festin au crépuscule (2015)
  • Des chants pour Angel (2017)
  • Une réunion près de la mer (2018)

Poésie

  • Pays voilés (1963)
  • Existences (1964)
  • Œuvre poétique : 1957–1996 (1997)

Pièces de théâtre

  • L’exécution: pièce en deux actes (1968)
  • Fièvre et autres textes dramatiques; théâtre radiophonique (1974)
  • L’océan suivi de Murmures (1977)
  • La nef des sorcières (avec Marthe Blackburn, Odette Gagnon, Luce Guilbeault, Pol Pelletier et France Théoret, 1976)
  • Sommeil d’hiver (1984)
  • L'île (1988)
  • Théâtre (1998)
  • Textes radiophoniques (1999)
  • Noces à midi au-dessus de l’abîme suivi de Désir et Petites éternités perdues (2007)
  • Autres publications
  • Les voyageurs sacrés (1966)
  • L'exilé (nouvelles) suivi de Les voyageurs sacrés (1992)
  • Parcours d’un écrivain : notes américaines (1993)
  • Des rencontres humaines (autobiographie, 2002)
  • Passages américains (2012)

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