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Maud Lewis

Maud Kathleen Lewis (née Dowley), artiste (née le 7 mars 1901 ou 1903 à Yarmouth, en Nouvelle-Écosse; décédée le 30 juillet 1970 à Digby, en Nouvelle-Écosse). Maud Lewis était une peintre d’art naïf canadienne. Ses talents artistiques sont restés pratiquement méconnus au cours de sa vie – conséquence de la pauvreté, de la timidité et de l’anxiété résultant de graves anomalies congénitales. Souvent surnommée la Grandma Moses canadienne, Maud Lewis a acquis une notoriété nationale au milieu des années 1960, quelques années seulement avant sa mort. Ses peintures, qui ont été vendues dans des encans et ont figuré sur des timbres-poste, sont devenues très populaires. La petite maison où elle vivait est exposée en permanence dans le Musée des beaux-arts de la Nouvelle-Écosse.

Jeunesse

Maud Lewis, fille de John et Agnes Dowley, naît au tournant du 20e siècle dans la campagne de la Nouvelle-Écosse. Elle a un frère plus âgé, Charles, né en 1897. Elle passe presque toute sa vie dans les comtés de Digby et Yarmouth. Née à l’hôpital de Yarmouth, elle passe ses premières années près de South Ohio et sa vie adulte dans le village de Marshalltown, près de Digby. Dans une interview de 1965 pour la CBC, Maud Lewis révèle qu’au cours de sa vie elle n’a jamais voyagé plus loin que Halifax.

Maud Lewis naît avec plusieurs anomalies congénitales graves. Elle est chétive et de petite taille, avec des épaules voûtées, un dos courbé et un menton excessivement rétracté. Ses mains et ses doigts sont aussi déformés. Ses troubles physiques sont mal compris ou diagnostiqués au cours de sa vie; on croit aujourd’hui qu’elle souffrait d’arthrite rhumatoïde juvénile. Cette maladie s’est aggravée au cours de sa vie et elle en souffrait probablement beaucoup.

Maud Lewis grandit dans un confort relatif. Son père est forgeron et fabricant de harnais, deux métiers qualifiés qui permettent à la famille Dowley d’échapper en grande partie aux cycles de pauvreté endémiques dans la région. Elle fait ses études dans une petite école de rang à South Ohio. Elle apprend la peinture, la couture, le crochet et plusieurs autres passe-temps artistiques et décoratifs considérés comme appropriés pour les filles à son époque. Sa mère lui enseigne aussi à jouer du piano, avant que ses doigts ne soient déformés par l’arthrite.

En 1914, la famille déménage à Yarmouth, en Nouvelle-Écosse. Son père tient un magasin de harnais prospère durant les trois décennies suivantes. Son frère Charles, qui s’est installé dans la ville auparavant, dirige un théâtre local. Maud complète sa 5e année à 14 ans, bien qu’on ignore pourquoi. Durant sa jeunesse, elle est victime d’intimidation en raison de ses infirmités. Bien que ses limitations l’empêchent d’obtenir un emploi, cela ne l’empêche pas de contribuer au revenu familial. Encouragée par sa mère, elle peint et vend des cartes et des décorations de Noël de porte-à-porte.

Maud Lewis vit avec ses parents à Yarmouth jusqu’à l’âge adulte, et demeure le plus souvent à la maison. Néanmoins, en 1928, elle donne naissance à une fille, Catherine Dowley, dont le père est probablement un homme du nom d’Emery Allen. Celui-ci abandonne Maud peu après la naissance de Catherine, dont il ne reconnaîtra jamais la paternité, malgré les efforts de Maud pour reprendre contact avec lui. Il n’expliquera jamais pourquoi.

Vie adulte et mariage avec Everett Lewis

Le père de Maud meurt en 1935, puis sa mère en 1937. Ses parents ne pouvant plus prendre soin d’elle, elle vit un temps avec son frère Charles et son épouse. Selon les conventions de l’époque, l’héritage revient entièrement à son frère, ne laissant rien à Maud. Quand son frère se sépare de son épouse, Maud va vivre chez une de ses tantes à Digby. Elle demeure dans le comté de Digby pour le reste de sa vie.

En 1938, Maud répond à l’annonce d’un homme nommé Everett Lewis qui cherche une femme de ménage. Ils tombent amoureux et s’épousent en 1938. Everett Lewis est un vendeur de poisson itinérant, qui possède un modeste cottage dans la petite communauté de Marshalltown. Il a grandi dans l’Alms House (orphelinat) de Nouvelle-Écosse, car son père l’a abandonné, lui et sa mère. Il a peu fréquenté l’école et ne sait ni lire ni écrire. Le couple vit dans son humble propriété. Elle est à peine plus grande qu’une cabane et ne possède ni l’électricité ni l’eau courante.

Bien que Maud ait d’abord rencontré Everett parce que celui-ci cherchait une femme de ménage, son arthrite ne fait que s’aggraver avec l’âge, et Everett doit prendre en charge toutes les tâches quotidiennes de la maison. Maud contribue au revenu du ménage en vendant ses peintures directement dans leur maison, qui se trouve près de la principale route reliant Digby et Yarmouth. Située près des gares de traversiers, la maison voit défiler un important flot de touristes pendant la plus grande partie de l’année. Avec le temps, Everett en arrive à consacrer tout son temps à la vente des peintures de Maud. Au début, Maud vend ses peintures aux voisins et aux gens de la région. Mais à mesure que sa réputation grandit, elle vend de plus en plus de ses œuvres à des touristes de passage ou à des amateurs qui sont déplacés pour la rencontrer. Elle peint aussi l’intérieur et l’extérieur de sa maison, ainsi que certains de ses meubles, et peint elle-même à la main l’affiche annonçant : « PEINTURES À VENDRE. M. LEWIS ».

Expositions et célébrité

Maud Lewis n’obtient une renommée internationale que dans les cinq dernières années de sa vie. En 1965, elle est le sujet d’une émission télévisée de CBC et d’un article du Toronto Star. L’intérêt pour son œuvre est tel que l’on retrouve parmi ses clients le président américain Richard Nixon, dont le bureau lui commande deux œuvres.

Maud Lewis meurt de pneumonie en 1970. Elle est enterrée dans un cercueil d’enfant dans une fosse commune du North Range Cemetery au sud de Marshalltown. Everett Lewis meurt tragiquement en 1979, assassiné pendant le cambriolage de sa maison.

Après la mort d’Everett, des habitants de la région fondent la Maud Lewis Painted House Society afin de préserver la maison en tant que bien culturel. En 1984, la maison est vendue au Musée des beaux-arts de la Nouvelle-Écosse à Halifax. Elle est soigneusement démontée puis reconstruite dans le musée, où elle est exposée en permanence depuis 1998.

Style artistique

Les œuvres de Maud Lewis montrent des scènes de la vie quotidienne dans les campagnes du comté de Digby et des paysages du sud-ouest de la Nouvelle-Écosse. Ce sont des scènes joyeuses caractérisées par des couleurs vives. Son style très personnel est marqué par son absence de formation académique. En matière de style, de forme, de couleurs et de composition, ses œuvres évoquent des dessins d’enfants, mais elles sont plus cohérentes et réalistes, parfois presque impressionnistes.

Maud Lewis a peint sur une grande variété de matériaux, incluant du carton, du panneau aggloméré, des coquilles de palourdes, et même des porte-poussière. Elle peignait souvent des scènes de la vie à la ferme : équipages de bœufs ou de chevaux tirant des charrues, traîneaux parcourant les champs, poules, coqs et poussins. Elle a aussi peint une grande variété de paysages, dans toutes les saisons, incluant souvent des animaux dans ses compositions. Elle n’a pas peint de scènes d’intérieur, ni de scènes de vie urbaine. On a dit que ses scènes ne comportaient pas d’ombres ni de nuances, alors qu’en fait on y retrouve l’un et l’autre.

Ses peintures comprennent parfois des éléments surréalistes, comme des pins poussant dans des fleurs ou des scènes hivernales intégrant des feuilles d’automne multicolores. Le caractère joyeux, léger et lumineux de ses œuvres contraste avec la souffrance physique qu’elle a éprouvée tout au long de sa vie. Son œuvre a souvent été comparée à celle de la peintre américaine Anna Marie Robertson (surnommée Grandma Moses).

Honneurs

Quand la maison de Maud et Everett a été déménagée dans le musée, une réplique a été construite sur son site original par l’architecte Brian MacKay-Lyons, qui aurait semble-t-il utilisé l’acier gris pour « évoquer la sombre réalité de la vie de Maud ». Le monument fait maintenant partie du site commémoratif de Maud Lewis. Une autre réplique de la maison de Maud Lewis a été construite tout près, à Seabrook, par un résident de la région, Murray Ross, à la fin des années 1990.

En 2019, la province de Nouvelle-Écosse a rendu hommage à Maud Lewis en lui consacrant la journée du patrimoine de Nouvelle-Écosse. Cette fête provinciale honore chaque année « une personne, un lieu ou un événement qui a contribué à façonner l’histoire et l’identité de la province ». Maud Lewis figure aussi sur un timbre commémoratif de Postes Canada. La Société des postes a également émis en 2020 trois timbres où figurent ses peintures Family and Sled, Team of Oxen in Winter et Winter Sleigh Ride.

Œuvres mises aux enchères

À mesure que l’intérêt envers Maud Lewis a grandi, la valeur marchande de ses œuvres s’est accrue. En 2009, sa peinture The Family Outing a été vendue pour 22 000 $ dans une vente aux enchères de Toronto. La peinture Portrait of Eddie Barnes and Ed Murphy, Lobster Fishermen, Bay View, N.S., qui a été découverte dans une friperie d’Ontario en 2017, a été vendue pour 45 000 $ dans une vente aux enchères en ligne la même année. Sa peinture Black Truck, que l’artiste John Kinnear a échangé à un restaurateur ontarien contre un grilled cheese artisanal en 1973, a atteint le prix époustouflant de 350 000 $ (272 000 USD) en 2022. Trois lettres manuscrites de Maud Lewis à John Kinnear, dans lesquelles elle le remerciait pour son soutien, ont été vendues pour 70 000 $.

Dans la culture populaire

Cet important regain d’intérêt pour les œuvres de Maud Lewis – de même que l’augmentation de leur valeur au cours des dernières années – est en grande partie attribuable à la sortie du film Maudie (2016). Mettant en scène Sally Hawkins dans le rôle de Maud Lewis et Ethan Hawke dans celui d’Everett, le film a été présenté en première canadienne au Festival international du film de Toronto et a connu un certain succès en Amérique du Nord et dans le monde. Il a aussi remporté plusieurs Prix Écrans canadiens.

Maud Lewis a aussi été le sujet de deux documentaires de l’Office national du film : Maud Lewis: A World Without Shadows (1976) et I Can Make Art … Like Maud Lewis (2005). Sa biographie intitulée The Illuminated Life of Maud Lewis, de Lance Woolaver, a été publiée en 1996. Elle a servi de base à un documentaire du même nom lancé en 1998. Aussi en 1998, le compositeur Nikolai Korndorf a créé la pièce pour orchestre The Smile of Maud Lewis. En 2009, le Musée des beaux-arts de la Nouvelle-Écosse a produit la pièce de théâtre de Greg Thompson A Happy Heart: The Maud Lewis Story.