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Ralliement national des Métis

Le Ralliement national des Métis représente plus de 350 000 membres de la nation métisse, dont la population se trouve en Alberta, au Manitoba, en Saskatchewan et dans certaines parties de l’Ontario, de la Colombie-Britannique et des Territoires du Nord-Ouest. Il naît au début des années 1980 pendant le débat constitutionnel intense sur les droits ancestraux. Le Ralliement national des Métis continue de défendre la cause d’une nation métisse culturellement et politiquement à part, ancrée dans l’Ouest canadien, qui continue à revendiquer l’autonomie gouvernementale, des territoires et d’autres droits ancestraux.

Ceintures métisses

Histoire

En 1982, suite au rapatriement de la Constitution, les Métis obtiennent la protection de leurs droits et titres ancestraux en tant que l’un des trois peuples autochtones désignés à l’article 3 de la Loi constitutionnelle de 1982. Cependant, ces droits constitutionnels sont pour la plupart mal définis.

Au début des années 1980, le Conseil national des Autochtones du Canada (désormais appelé le Congrès des Peuples autochtones) se charge de représenter les intérêts des Métis et des Indiens non inscrits. En 1983, au cours des mois précédant une conférence des premiers ministres destinée à clarifier les droits des Autochtones, les chefs métis s’inquiètent de plus en plus du fait que la structure panautochtone du Conseil national des Autochtones cantonne les Métis dans une minorité et ne représente pas suffisamment leurs intérêts dans les débats constitutionnels.

En mars 1983, des représentants des trois organisations métisses des Prairies, soit la Manitoba Métis Federation, l’Association of Métis and Non-Status Indians of Saskatchewan et la Métis Association of Alberta quittent le Conseil national des Autochtones pour former le premier organisme national représentatif des Métis. Le Ralliement national des Métis (RNM) est fondé le 8 mars 1983 à Regina. Clément Chartier est désigné comme représentant du RNM pour les débats constitutionnels à venir.

Selon Clément Chartier, la création du RNM commence à concrétiser l’idée d’une identité métisse « non pas des Métis hors réserve, mais d’un peuple et d’une nation à part entière, avec une histoire, une culture, une langue, un territoire communs et la volonté politique d’être autonomes d’un point de vue administratif ».

Après les débats constitutionnels de 1983, le RNM élargit son champ géographique en ouvrant l’organisation aux Métis de Colombie-Britannique et du nord-ouest de l’Ontario. Il en existe toujours une antenne à Ottawa. En 1988, les conseils des membres affiliés élisent le Manitobain Yvon Dumont comme premier président du RNM.

Dans les années qui suivent, le RNM soutient les travaux régionaux des organisations métisses provinciales et intervient dans plusieurs dossiers juridiques et constitutionnels importants pour clarifier les droits des Métis. L’affaire R. c. Powley permet, par exemple, de créer un critère juridique de l’identité métisse qui se rapproche fortement de la définition du RNM.

En avril 2016, la Cour suprême reconnaît les Métis comme des Indiens conformément à la Constitution. Cependant, cette décision ne permet pas de résoudre entièrement les problèmes de longue date concernant les droits et l’identité des Métis.

Nation métisse et citoyenneté

En 2002, après un vote du conseil de gestion du RNM, un Métis est défini comme « une personne qui s’identifie elle-même comme Métis, qui descend de Métis de souche, qui se distingue des autres peuples autochtones et qui est acceptée par la nation métisse ». Sur la foi de cette définition, le RNM estime que la population de Métis au Canada s’élève à 350 000.

Cette définition est majoritairement adoptée une année plus tard par la Cour suprême du Canada dans ce qu’il est convenu d’appeler le test Powley. Depuis 2004, sur la base de cette définition, le RNM et la plupart des organisations métisses provinciales œuvrent à la création d’un processus « objectivement vérifiable » visant à déterminer qui fait partie ou non de la communauté métisse, dans le cadre des négociations avec le gouvernement fédéral sur les droits des Métis. Le processus prévoit la réinscription de milliers de Métis membres des organisations provinciales avant 2004.

Cependant, la définition des Métis par le RNM, qui sous-entend normalement un lien ancestral avec le territoire des Métis des prairies, suscite la controverse, notamment entre les Métis de la rivière Rouge et ceux du Québec et des Provinces maritimes (voir Les Métis sont un peuple, pas un processus historique et Les « autres » Métis).

Structure et fonctionnement

L’objectif affiché du RNM est de « garantir aux Métis un endroit sain leur permettant de survivre à long terme au sein de la fédération canadienne ».

Les quatre nations actuellement affiliées au RNM sont la Métis Nation of Ontario, la Métis Nation-Saskatchewan, la Métis Nation of Alberta et la Métis Nation of British Columbia.

Le RNM crée également l’association Women of the Métis Nation, qui offre une plateforme visant à aider les femmes métisses à promouvoir et à préserver leurs intérêts sociaux, politiques et économiques.

La gestion du RNM est assurée par un conseil des gouverneurs constitué du président national et des présidents de chacune des cinq organisations provinciales affiliées.

Le président national est élu tous les trois ans par des délégués de chacune des quatre associations affiliées au cours de l’assemblée générale du RNM. L’actuelle présidente, Cassidy Caron, a été élue pour la première fois en 2021. Le bureau du RNM se trouve à Ottawa.

Controverse

Bien que le RNM représente la voix des Métis à l’échelle nationale, l’organisation est souvent éclipsée par des organisations provinciales affiliées qui font plus de bruit, comme la Manitoba Métis Federation. Dans les dernières années, le RNM connaît des controverses, des luttes internes et des poursuites judiciaires qui freinent son action.

En 2003, le président en fonction, Gérald Morin, est suspendu après avoir été accusé d’agression sur une femme et reconnu une dépendance à l’alcool. En 2007, un litige complexe entre les organisations métisses provinciales concernant les droits de vote et la prolongation du mandat du président Clément Chartier entraîne plusieurs poursuites et laisse le RNM sans dirigeant à sa tête pendant plusieurs mois. En 2008, le litige prend fin avec la réélection de Clément Chartier à la présidence de l’organisation.

En 2014, les conclusions d’une vérification fédérale de 2012 soulèvent des interrogations sur les pratiques financières et de gestion du RNM, ravivant les querelles entre plusieurs organisations métisses provinciales d’un côté, et le président Chartier et la Manitoba Métis Federation de l’autre. Cette querelle menace pendant un temps la présidence de Clément Chartier.

En 2021, la Manitoba Métis Foundation (MMF) choisit de quitter l’organisation en raison de différends avec la Métis Nation of Ontario (MNO). Le différend porte sur la liste des membres de la MNO, qui ne répond pas aux exigences du RNM. En 2018, la MNO a été mise à l’épreuve pendant un an à la suite de ce problème. La MNO a été suspendue en 2020 pour la même raison. Toutefois, certains remettent en question la validité de cette suspension. À la suite de ce départ, le président de la MMF, David Chartrand, a déclaré qu’il refuserait de reconnaître le RNM. Après son élection, Cassidy Caron a déclaré qu’elle accueillerait à nouveau le MMF au sein du RNM s’il le souhaitait.

Problèmes récurrents

En parallèle des victoires juridiques importantes qui permettent de confirmer et d’étendre les droits des Métis, un nouveau débat soulève les questions des revendications territoriales et de l’autonomie administrative des Métis.

Depuis 2010, le RNM travaille à l’élaboration d’une constitution comme fondement de l’autonomie administrative, qui comprendra une proposition destinée au gouvernement du Canada visant à déléguer certains pouvoirs (et les financements fédéraux associés) aux institutions métisses nationales et provinciales. La proposition comprend également un scrutin à l’échelle du pays pour l’élection du président national qui s’appuie sur une liste centrale de citoyens tenue à jour par le RNM.

Après des décennies d’exclusion du processus de résolution des revendications territoriales du gouvernement fédéral, plusieurs décisions de justice, y compris celle de la Cour suprême de 2016, relancent les négociations. En collaboration avec les organisations métisses provinciales, le RNM prône la clarification des emplacements historiques des établissements Métis, en particulier dans les Prairies, en vue de créer une assise territoriale pour les Métis, de protéger leurs droits de récolte et d’être consultés et pris en charge préalablement au développement.

Accords historiques sur les droits des Métis et l’autonomie gouvernementale

Le 27 juin 2019, la Métis Nation of Alberta (MNA), la Métis Nation of Ontario (MNO) et la Métis Nation-Saskatchewan (MN-S) signent des accords d’autonomie gouvernementale historiques avec le gouvernement du Canada. Les « Accords Ottawa-Métis » représentent une étape importante de l’histoire des Métis, étant les premières ententes d’autonomie gouvernementale entre des nations métisses et le gouvernement fédéral. La cérémonie de signature historique des accords a lieu à Ottawa et réunit la ministre des Relations Couronne-Autochtones, Carolyn Bennett, la présidente de la MNA, Audrey Poitras, la présidente de la MNO, Margaret Froh, et le président de la MN-S, Glen McCallum.

Ces accords sont le résultat de plusieurs décennies de lutte des peuples métis pour être reconnus et obtenir une autonomie gouvernementale de la part du gouvernement fédéral. Les accords de 2019 représentent le plus grand progrès pour les droits métis depuis les droits à la chasse, à la reconnaissance et à l’identité accordés en 2003 (voir Affaire Powley) et en 2016 (voir Affaire Daniels). Les accords de 2019 seront suivis de négociations visant à donner aux nations métisses le contrôle sur leurs domaines de compétence, comme la garde des enfants, la sélection des dirigeants, les activités gouvernementales et la citoyenneté. De façon encore plus importante, les accords donnent aux Métis le contrôle quant à la création éventuelle de constitutions pour leurs nombreuses nations.

Carolyn Bennett, s’exprimant au nom du gouvernement fédéral, considère que les accords marquent le début d’une meilleure relation entre le Canada et les trois nations métisses impliquées : « Ce que nous signons aujourd’hui est une vraie reconnaissance de la nation métisse et de la relation que nous aurons à l’avenir, d’un gouvernement à un autre. Nous sommes ici pour signer non pas un, ni deux, mais bien trois accords d’autonomie gouvernementale historiques et pour reconnaître que vous, les Métis, avez le contrôle sur votre propre gouvernance. »

La présidente de la Métis Nation of Alberta, Audrey Poitras, croit quant à elle que les accords représentent un « changement majeur de l’attitude du Canada » envers son peuple et que la signature est un moment historique pour les Métis : « Nous n’exagérons pas en disant que cela fait près d’un siècle que nous nous battons pour les accords que nous avons signés aujourd’hui. Le Canada a enfin reconnu notre droit à l’autonomie gouvernementale. »