Michael Dennis Duffy, homme de télévision, sénateur (né le 27 mai 1946 à Charlottetown à l’Île‑du‑Prince‑Édouard). Journaliste et animateur bien connu, sur CBC et CTV, Mike Duffy devient sénateur conservateur de l’Île‑du‑Prince‑Édouard en 2009. En 2012, il se trouve compromis dans un scandale de remboursements de dépenses non justifiées par le Sénat. En 2014, il est formellement accusé de 31 chefs d’accusation de fraude, abus de confiance et corruption. Cependant, après une procédure judiciaire prolongée, il est disculpé de l’ensemble des charges pesant contre lui en avril 2016 et reprend ses fonctions de sénateur.
Jeunesse
Michael Dennis Duffy est l’aîné des cinq enfants de Wilfrid F. Duffy, ancien combattant de la Marine royale canadienne et fonctionnaire, et Lillian B. Duffy, femme au foyer. Son grand‑père, Gavan Duffy, a été députélibéral à l’Assemblée provinciale de l’Île‑du‑Prince‑Édouard. Mike Duffy déclarera plus tard avoir grandi au son des discussions politiques lors des réunions familiales. Formé dans des écoles catholiques de Charlottetown, il ne fréquente aucun établissement d’enseignement supérieur, préférant quitter l’école secondaire pour embrasser directement une carrière à la radio et à la télévision. Après un passage, entre 1962 et 1964, dans le cadre d’une émission télévisée de musique et de danse destinée aux adolescents, il occupe un certain nombre de postes commerciaux à la radio à Halifax et à Amherst en Nouvelle‑Écosse.
Journaliste politique
En 1967, Mike Duffy finance de sa propre poche la couverture du congrès d’investiture du Parti progressiste‑conservateur, une manifestation politique dont il dira qu’elle a été à l’origine de sa passion pour la politique et le journalisme. En 1969, il intègre la station de télévision montréalaise CFCF dans un poste en coulisses. Son objectif reste cependant de travailler dans la capitale nationale. En 1971, il décroche un emploi de journaliste pour CFRA Radio à Ottawa. La même année, il épouse Nancy Mann, qu’il a rencontrée à Halifax. Le couple aura deux enfants, Miranda et Gavin, mais se séparera en 1979 pour divorcer ultérieurement.
Après avoir, dans un premier temps, travaillé à la CFRA sur l’actualité municipale, Mike Duffy est affecté à la Colline du Parlement et joue rapidement un certain rôle sur la scène politique nationale. Ultérieurement, il intègre la Tribune de la presse parlementaire dont il devient un membre de premier plan et couvre toutes les élections fédérales ainsi que de nombreux congrès politiques entre 1972 et 2008.
CBC
Mike Duffy intègre la CBC en 1974 en tant que journaliste de radio au bureau parlementaire. Dans ce cadre, il couvre la politique quotidienne en s’appuyant souvent sur des sources anonymes. « Old Duff », comme on le surnomme, est connu pour son style direct, populaire et sans prétention sensé donner aux auditeurs une vision « de l’intérieur » de la politique nationale. Il est également régulièrement invité par Peter Gzowski dans l’émission de CBC Radio Morningside pour discuter des affaires politiques nationales et des derniers bruits de couloir de la Colline parlementaire. Il est brièvement affecté à Saïgon en 1975, alors que la guerre du Vietnam touche à sa fin.
En 1977, Mike Duffy passe à la télévision et travaille comme journaliste dans le cadre de The National, le journal télévisé vedette de CBC. Durant toute cette période, qui s’étend de 1977 à 1988, il couvre, pour The National, les négociations constitutionnelles, les changements de gouvernement et la vie des partis politiques.
En novembre 1981, Mike Duffy propose un reportage sur l’« accord de la cuisine » conclu entre le ministre fédéral de la Justice, Jean Chrétien, le procureur général de l’Ontario, Roy McMurtry, et celui de la Saskatchewan, Roy Romanow. Il s’agit d’un épisode de première importance puisqu’il va permettre d’effectuer une percée décisive à l’occasion des négociations constitutionnelles (voir La canadianisation de la Constitution).
En 1984, il couvre la transition entre le premier ministre sortant Pierre Elliott Trudeau et son successeur John Turner puis les élections générales fédérales qui suivent, le 4 septembre 1984, remportées par les progressistes‑conservateurs de Brian Mulroney. À cette époque, ce dernier plaisante sur les manœuvres de Mike Duffy et sur l’insistance dont il fait preuve en vue d’obtenir une nomination au Sénat. En 1986, le journaliste remporte un prix ACTRA pour la couverture en direct d’une attaque terroriste à l’ambassade turque à Ottawa. L’année suivante, il couvre les négociations constitutionnelles du lac Meech.
Baton‑CTV
En août 1988, Mike Duffy quitte la CBC pour animer sa propre émission d’information et de sujets d’actualité sur la chaîne d’Ottawa CJOH‑TV, affiliée à CTV, détenue par Baton Broadcasting. Sunday Edition with Mike Duffy est retransmise en direct pour la première fois en septembre avec, au programme, des entrevues de personnalités politiques, de journalistes et d’experts.
En 1992, Mike Duffy subit une crise cardiaque sans gravité et est hospitalisé à Ottawa. Lors de son séjour à l’hôpital, il épouse Heather Collins en secondes noces. Deux ans plus tard, en 1994, il est intronisé au Temple de la renommée de l’Association canadienne des radiodiffuseurs pour ses contributions au journalisme à la radio et à la télévision.
À peu près à la même période, Mike Duffy rencontre certaines difficultés avec l’Agence du revenu du Canada : en 1995, un tribunal le condamne à rembourser 20 989 $ d’impôts à l’occasion d’un jugement sur un différend avec l’organisme fiscal fédéral portant sur des dépenses remboursées par son entreprise, Mike Duffy Media Services.
L’émission Sunday Edition s’arrête en 1999 et Mike Duffy passe sur CTV Newsnet pour animer des émissions sur la politique et la vie parlementaire. Ses deux émissions, COUNTDOWN: With Mike Duffy et Mike Duffy Live, vont être diffusées de 1999 à 2008. Souvent tournées dans le foyer à l’extérieur de la Chambre des communes, elles proposent des entrevues avec des politiciens et des personnalités en vue de l’actualité ainsi que des commentaires, des analyses et des débats.
Mike Duffy Live couvre les élections de 2004, extrêmement disputées, qui débouchent sur un gouvernement libéral minoritaire conduit par Paul Martin, ainsi que celles de 2006 qui portent au pouvoir un gouvernement conservateur, également minoritaire, sous la houlette de Stephen Harper. C’est toutefois du traitement, par l’émission, des élections de 2008 que va naître une controverse. Le 7 septembre 2008, le gouvernement conservateur minoritaire est dissous et des élections sont déclenchées pour le 14 octobre. Cinq jours avant les élections, Mike Duffy diffuse, à plusieurs reprises, une vidéo d’une entrevue particulièrement maladroite du chef libéral Stéphane Dion provoquant des plaintes de téléspectateurs et du Parti libéral accusant l’animateur de parti pris. En 2009, le Conseil canadien des normes de la radiotélévision rend une décision dans laquelle il critique aussi bien le journaliste que CTV pour leur gestion de l’incident Stéphane Dion.
Nomination au Sénat
Le 22 décembre 2008, le premier ministre Stephen Harper annonce la nomination de Mike Duffy et de 17 autres personnes au Sénat en tant que sénateurs conservateurs. Dans le passé, l’homme de télévision avait ardemment défendu sa cause auprès des premiers ministres John Turner, Brian Mulroney, Jean Chrétien et Paul Martin pour obtenir un siège au Sénat, expliquant à ce dernier qu’il « serait fier de porter la couleur rouge » du Parti libéral. Toutefois, sa nomination comme sénateur conservateur représentant l’Île‑du‑Prince‑Édouard déclenche une controverse immédiate puisque, de fait, il vit en Ontario depuis le début des années 1970. Le nouveau sénateur oppose toutefois une fin de non‑recevoir à ces critiques et occupe effectivement son siège au Sénat le 26 janvier 2009. Il désigne son chalet de Cavendish dans l’Île‑du‑Prince‑Édouard comme sa résidence principale et commence à se faire rembourser des frais de repas et d’hébergement pour une résidence secondaire à Kanata, une banlieue d’Ottawa, qui était en fait son domicile habituel.
Parallèlement à ses fonctions au Sénat, Mike Duffy assume une charge supplémentaire de collecteur de fonds pour le Parti conservateur dans le cadre de laquelle il intervient lors d’activités de ce type un peu partout au pays.
Scandale des dépenses au Sénat
Le 13 juin 2012, le vérificateur général du Canada, Michael Ferguson, publie des rapports concernant les dépenses à la Chambre des communes et au Sénat. Le rapport concernant la « Chambre haute » soulève notamment la question de remboursements effectués pour des frais relatifs à des résidences secondaires dans la région d’Ottawa.
Le 8 février 2013, le Comité de régie interne du Sénat annonce une enquête portant sur les remboursements reçus par les sénateurs conservateurs Mike Duffy, Pamela Wallin et Patrick Brazeau, ainsi que par le sénateur libéral Mac Harb. Le 22 février 2013, Mike Duffy annonce à la télévision qu’il souhaite rembourser les sommes indûment perçues pour « mettre tout ça derrière lui » et « ne pas se laisser distraire dans sa tâche de sénateur ». Cependant, le 14 mai, le chef du bureau d’Ottawa de CTV, Robert Fife, révèle que cet argent a en fait été, indirectement, payé par Nigel Wright, le chef de cabinet du premier ministre, qui a émis pour ce faire un chèque d’un montant de plus de 90 000 $ à l’ordre du sénateur Duffy. Cette information est confirmée dès le lendemain par le Cabinet du premier ministre (CPM). Le 16 mai, le sénateur démissionne du caucus conservateur pour siéger comme indépendant.
Le 13 juin, la GRC annonce l’ouverture d’une enquête criminelle sur le scandale du Sénat. Le 17 octobre, le leader conservateur au Sénat, Claude Carignan, présente des motions de suspension des sénateurs Duffy, Wallin et Brazeau (le sénateur Harb avait démissionné en août). Les trois parlementaires dénoncent ces motions comme injustes et antidémocratiques. L’ancien journaliste devenu sénateur prononce deux discours passionnés pour sa propre défense, accusant le CPM d’avoir mis en œuvre un « stratagème […] monstrueux » pour se débarrasser de lui pour des motifs politiques. Toutefois, cela n’empêche pas le Sénat de voter, le 5 novembre, la suspension sans traitement des trois sénateurs.
Après une longue enquête, Mike Duffy est formellement inculpé, le 17 juillet 2014, de 31 chefs d’accusation de fraude, abus de confiance et corruption. Le procès débute le 7 avril 2015 et se poursuit pendant plusieurs mois, durant une période qui voit la tenue d’élections fédérales le 19 octobre 2015 et la défaite du gouvernement conservateur de Stephen Harper. Le 21 avril 2016, Mike Duffy est acquitté de toutes les accusations portées contre lui et est immédiatement réintégré dans ses fonctions de sénateur avec l’intégralité de son traitement et de ses privilèges. Il reprend ses fonctions de sénateur indépendant représentant l’Île‑du‑Prince‑Édouard le 2 mai 2016.