Project Mémoire

A.J. Knight (source primaire)

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

A.J. Knight a servi comme pilote dans l'Aviation royale du Canada pendant la Deuxième Guerre mondiale. Lisez et écoutez le témoignage d'A.J. Knight ci-dessous.

Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.

Tim Knight a servi dans les Forces canadiennes de 1941 à 1946, et de 1956 à 1967. Il a obtenu une démobilisation honorable au rang de Caporal.
Badge d’adhésion de l’Association des pilotes et des observateurs de temps de guerre.
Cecilia Wise est rentrée au Canada avec Tim Knight. Tim et Cecilia ont célébré leur soixantième anniversaire de mariage en 2005.
Une page du carnet de bord de Tim Knight contenant les détails sur l’écrasement de son avion au Pays de Galles. Le Sgt. Gilbert et les Cadets de l’air de 1e classe, Reid et Thompson faisaient partie de l’équipe.
J’étais encore dans le cockpit, mais il s’était écrasé autour de moi, c’était comme si je me réveillais d’un mauvais rêve…

Transcription

Bonjour, je m’appelle Knight, AJ Knight, mais je préfère qu’on m’appelle Tim. En mars 1943, j’ai reçu mon diplôme de pilote à Moncton au Nouveau-Brunswick et j’ai été immédiatement posté outre-mer à Bournemouth en Angleterre. Bournemouth est situé sur la côte Sud de l’Angleterre et c’était une unité de réserve pour les pilotes canadiens qui avaient complété leur entraînement de base. Il y avait beaucoup de Canadiens à Bournemouth et le propagandiste allemand, Lord Haw-Haw, disait, ‘’Il y a vingt milles Canadiens à Bournemouth mais il n’est pas nécessaire de les bombarder parce qu’ils sont tous en train de se tuer à force de boire.’’ Bien, certains d’entre nous avons survécu ! Après quelques affectations, j’ai été posté sur l’Île de Man en tant que membre du personnel de formation de pilotage pour les étudiants navigateurs qui avaient complété leur entraînement de base et qui étaient prêts à passer à l’entraînement dans les airs. Le 30 novembre 1943, je pilotais de nuit lors d’un exercice avec deux étudiants, les Cadets de l’air de 1e classe, Reid et Thompson. Mon opérateur de sans-fil était le Sgt. Gilbert. Ce devait être un aller-retour vers Worcester. La première partie du voyage s’est bien déroulée mais sur le retour, les coordonnées qu’on m’a données ont fait que nous avons dévié au Nord du parcours projeté. Lorsque des obus se sont mis à exploser devant nous, je savais que nous nous approchions de Liverpool. Liverpool est un des plus grands ports d’Angleterre et il était défendu aux avions non-autorisées de s’y approcher. J’ai commencé à effectuer les démarches pour contourner la ville mais Reid – le navigateur intérimaire – m’a demandé de maintenir mon parcours initial d’évitement bien plus longtemps que je croyais nécessaire. Tout à coup, nous avons rencontré de gros nuages et l’avion s’est mis à s’englacer ce qui a résulté en une perte d’altitude. J’ai dit à Reid que je ne pouvais plus maintenir ce parcours, que j’allais m’enligner pour la côte pour perdre encore plus d’altitude et pour se débarrasser de la glace. Trop tard. L’avion s’est écrasé sur le flanc d’une montagne nommée ‘’Fael Grach’’. Plusieurs heures plus tard, je me suis rendu compte que je n’entendais plus les moteurs mais que j’entendais bien l’eau couler à proximité. J’étais encore dans le cockpit, mais il s’était écrasé autour de moi, c’était comme si je me réveillais d’un mauvais rêve, pris dans mes draps. J’ai pu me libérer et je me suis mis à la recherche de mes compagnons. Ce ne fut pas tâche facile ; il faisait très noir et il était difficile de les repérer. J’ai finalement trouvé Gilbert et Reid ; ils étaient aussi ébranlés que moi. Nous nous sommes rendus compte que Thompson manquait à l’appel. Nous l’avons trouvé, à tâtons dans le noir, sur le côté écrasé de l’avion. Il était en vie mais avait un pied écrasé. Nous l’avons apporté à l’intérieur de l’avion. Il faisait noir et il faisait froid alors nous nous sommes blottis les uns contre les autres, à l’intérieur de l’avion. Nous avons défait nos parachutes pour nous couvrir et nous avons attendu la lumière du jour. À la première lueur, nous étions toujours dans un nuage épais mais nous pouvions au moins se voir et se reconnaître l’un l’autre. Nous avons fait état de notre situation ; il n’y avait que Thompson qui ne pouvait pas marcher. Nous avons vérifié le contenu de la trousse de secours mais elle ne contenait pas grand chose, seulement une bouteille d’iode. Nous l’avons utilisée pour nettoyer nos plaies ; nous avions plusieurs coupures. Nos vêtements étaient couverts de sang. Mon nez avait été déplacé, repoussé d’un côté de mon visage. Nous étions très mal en point. Reid et Thompson étaient copains alors, ils sont restés ensemble sur place tandis que Gilbert et moi-même sommes partis à la recherche de secours. Nous avons escaladé la crête mais nous ne pouvions rien voir. Nous entendions couler de l’eau alors nous avons décidé de se laisser glisser jusqu’en bas de la montagne et de suivre la rivière, en aval, en pensant que nous rencontrions quelqu’un qui pourrait nous aider. Si la rivière avait eu un parcours en ligne droite, nous aurions probablement marché environ dix milles. Mais, elle était sinueuse et nous avons dû faire plein de tournants et c’est seulement qu’en fin d’après-midi que nous avons enfin entendu des voix devant nous. On nous avait avertis des dangers de se livrer à des civils en situation de débarquement sur le continent. Et, les gens que nous entendions parlaient certainement dans une langue étrangère. Alors qu’ils accouraient vers nous, nous avons jeté les bras en l’air et avons crié, ‘’Amis !’’ Lorsqu’ils nous ont répondu en anglais, nous savions que nous étions au Pays de Galles. Ils nous ont emmenés dans une maison à Gerlan – un petit village près de Bethesda. La femme qui a ouvert a été horrifiée de nous voir – nos vestes de sécurité jaunes étaient rougies de sang et gonflées par l’humidité ce qui empirait notre allure. Et moi, qui semblait manquer un nez, ça n’a pas aidé, non plus. Le remède anglais par excellence – une tasse de thé – ne m’avait jamais été aussi savoureux. L’ambulance est arrivée peu après et nous a transportés à l’hôpital de Llangerwrog. Le service de secours en montagne est ensuite passé à l’action. Nous avons tenté de leur donner des directives précises sur le lieu de l’écrasement mais ça n’a pas beaucoup aidé. Les secouristes ont effectué des recherches jusqu’à la tombée de la nuit mais ils ont dû attendre au lendemain pour continuer les recherches. Ce fut un exercice pénible qui a été décrit dans le livre d’Edward Doylerush intitulé ‘’No landing place’’. Ils ont trouvé Reid qui avait quitté l’avion à la recherche de secours. Il a pu diriger les secouristes au lieu de l’écrasement. Ils travaillèrent maintenant en mode accéléré sachant qu’il restait un survivant. Juste avant la tombée de la nuit, le brouillard s’est dissipé et ils ont aperçu l’épave dans un petit ravin. Thompson était toujours en vie, enveloppé dans son parachute. La descente jusqu’à l’ambulance a été très difficile. Entre temps, ils m’ont reconduit à un hôpital près de Warwick pour une chirurgie plastique. Je n’ai plus jamais revu Reid ni Thompson. De toute façon, ils n’auraient probablement pas voulu me revoir. Suite à ma convalescence, je suis retourné à l’Île de Man où j’ai revu Gilbert. Nous restons toujours en communication. Dans l’esprit de la tradition de l’aviation qui veut que si un sergent est assez stupide pour entrer en collision avec une montagne, il mérite une commission d’officier, j’ai complété la guerre à titre d’Officier navigateur Knight. Les faits saillants de ma vie dans l’aviation sont donc le service outre-mer, le pilotage de Lancaster, l’entrée en collision avec une montage et, le meilleur de tout, mon mariage avec une fille anglaise et au mois de février prochain, nous célébrerons ensemble notre soixantième anniversaire de mariage.