« Je l’ai soulevé de la civière et son dos a littéralement flanché. Il est mort dans mes bras, et cette image ne m’a jamais quitté l’esprit. »
Pour le témoignage complet de M. Hogg, veuillez consulter en bas.
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Transcription
D’Angleterre nous sommes d’abord allés en Afrique. En 1943, nous étions en Afrique en train d’installer un hôpital sous la tente en prévision de la campagne d’Italie, la campagne sicilienne comme on l’appelle maintenant. Et on était presque, bon, on n’était pas spécialement bien préparés pour cette attaque de l’Italie et de la Sicile en particulier, mais on avait nos tentes toutes installées, et ça nous avait pris du temps d’organiser tout ça, quand le sirocco j’appellerais ça, est arrivé en Afrique et a soufflé toutes les tentes jusque dans le désert. Et la température là-bas tournait autour de 40 à 50°C et il faisait très vraiment très chaud. Mais on travaillait comme, vraiment, comme des forçats, des soldats purs et durs. Et on a réussi à avoir le marabout principal installé pour notre premier… de patients et ils arrivaient par la Méditerranée bien-sûr. Et c’était quelque chose ici, il fallait le voir pour le croire, de voir ces gens arriver.
Et encore une fois, on s’en occupait très bien en Afrique. Et puis avant de quitter l’Afrique, je me suis fait transférer dans l’Independent Machine Gun Company comme brancardier, tout à fait volontairement. Je ne crois pas qu’il y ait eu de conscription pour ça, c’était strictement volontaire. Et d’Afrique je suis allé à Avellino, je suis monté sur le bateau et on a traversé jusqu’à Avellino en Italie où nous avons en quelque sorte installé le, pas installé un hôpital, on était juste en train de faire les arrangements pour mon transfert dans le Princess Louise Fusiliers dans la 12ème brigade. C’était l’Independent Machine Gun Company. Et j’ai trouvé ça fascinant et très intéressant jusqu’à ce que je me retrouve complètement livré à moi-même, sans docteurs, seulement moi comme infirmier militaire, et on avait, je pense qu’il y avait dans les 180 hommes dans nos garnisons et groupes et j’avais une sacrée responsabilité je trouvais à être, bon, tout le monde m’appelait toubib, c’est ce que je veux dire, c’est là où je veux en venir, parce que ça été moi le docteur pendant un mois et demi à deux mois tout le temps que j’ai passé avec ces gars-là.
Et de là, on a remonté toute l’Italie en passant par la ligne gothique [position des Apennins], la ligne Hitler, les nombreuses lignes qu’on devait traverser. Et dans une de ces zones particulières, j’étais en quelque sorte, ils préparaient leurs canons et leurs mitrailleuses et leurs chenillettes pour aller au combat, parce qu’on avait ce qu’on appelait une alternance, cinq jours de repos, cinq jours de combat. Et pendant qu’on était dans la zone de repos, les 88 mm tiraient par dessus les soldats à l’avant, devant nous, et ça retombait dans notre aire de campement, si vous voulez appelez ça un campement. C’était juste un groupe d’hommes affairés à nettoyer leurs armes et autres affaires. Et bien on a eu de nombreux morts et blessés juste à ce moment-là. J’ai eu une expérience horrible avec des gars qui, quand je croyais étant gamin, là-bas au Canada quand on regardait des films de cowboys ici, quelqu’un qui se faisait tirer dessus n’importe où que ce soit sur le bras sur la jambe ou dans le dos, il était mort. Et bien, quand ces gars arrivaient encore en vie et qu’ils avaient le bras qui pendait arraché, leurs jambes écrabouillées, je me suis retrouvé dans une situation où j’étais en train de mettre des bandages partout à ce gars et voilà, et il était en mauvais, en très mauvais état. Après avoir fini de le bander complètement et de le préparer à être évacué, je l’ai soulevé du brancard et son dos est littéralement tombé en dehors et il est mort juste là dans mes bras. Et ce n’était que l’un des trop nombreux gars qui simplement… J’ai ça dans la tête tout le temps.
Mais alors on avait un jeune officier, un lieutenant était dans notre groupe, on sait dans ce cas-là, juste un peu plus au nord, pas plus de deux ou trois kilomètres au nord de là où on se trouvait et on était dans la baraque en bois. Et on était au moins une trentaine là dedans et ils étaient en train de planifier leur méthode d’attaque et ce qu’ils allaient faire. Et le lieutenant là a dit : « Ecoutez, je vais essayer de dormir un peu, je veux aller là-bas et je vais rester dans cette meule de foin. Vous savez où me trouver et voilà. Et un obus est arrivé et croyez-moi, il n’a pas explosé, mais il l’a traversé de part en part et l’a tué. Et il nous a fallu le déterrer de derrière le foin et l’enterrer dans le champ, juste une tombe peu profonde. Parce que j’ai compris plus tard qu’ils prenaient ces gens et les enterraient dans une vraie tombe dans un autre endroit. Et ça c’était une autre situation triste à laquelle je me suis trouvé mêlé.
On a continué à avancer et on a eu de nombreux accrochages et des tirs et autres, sur tout le chemin. Et pour moi j’ai toujours senti que j’étais sous la protection de la convention de Genève de 1927. Personne ne va tirer sur un infirmier avec une Croix Rouge sur mon casque, une croix rouge dans le dos de mon manteau, ma petite trousse produits que j’avais et j’avais de la morphine, j’avais des paquets et des paquets de morphine. J’avais toutes sortes de choses pour m’occuper de ces gars, là à portée de main. J’ai fait beaucoup, et j’ai même eu l’occasion de m’occuper d’une jeune fille qui, on a reçu une lettre du commandant de l’armée britannique disant que la jeune fille avait ramassé un détonateur de grenade et qu’il lui avait explosé dans la main. Je l’ai portée à mon officier et il a dit : « Qu’est-ce que tu peux faire toubib, tu peux faire quelque chose pour elle? » J’ai répondu : « Et bien, je vais voir ce que je peux faire. » Avec l’équipement que j’avais, la méthode de stérilisation que j’utilisais en faisant bouillir les instruments et autres, j’ai dû lui enlever les deux doigts de la main et je lui ai fait un pansement, parce qu’elle était enveloppée dans un morceau de papier brun ordinaire, qui était enroulé autour de sa main parce qu’ils n’avaient rien pour la soigner. Les allemands prenaient tous les docteurs et tous les hommes jeunes qu’ils pouvaient prendre avec eux comme travailleurs dans leur armée, alors ils n’avaient personne, il ne leur restait personne dans le coin.
Alors j’ai dû m’occuper de cette jeune femme. Et ça a été encore une expérience que j’ai trouvé très bonne. Je l’ai laissée avec des quantités de pansements et des trucs, de la crème et des sulfamides pour, pour… Et j’ai jamais plus entendu parler d’elle après ça alors je ne sais pas vraiment comment elle s’en est sortie. Mais on pensait souvent à elle.