Albert Billy « Alphabetical » Smith a servi comme artilleur DEMS dans la Marine royale canadienne pendant la Deuxième Guerre mondiale. Lisez et écoutez le témoignage d'Albert Smith ci-dessous.
Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.
Transcription
On a terminé cet entrainement de base, je crois que ça durait dans les quatre semaines et puis ils vous demandaient ce que vous vouliez devenir : artilleur ou chauffeur ou télégraphiste ou quelque chose dans les signaux, ou rédacteur ou d’autres branches ou fonctions dont ils avaient besoin. Et puis il y en a un qui a dit, DEMS (navire de commerce doté d’un équipement défensif) et je savais ce que c’était que le DEMS parce que j’avais un petit peu travailler sur des bateaux côtiers ici avant d’entrer dans la marine et j’avais vu ce que l’artilleur DEMS avait, un fusil sur la plupart des bateaux côtiers. C’est à peu près tout ce qu’ils avaient. Mais je ne savais pas du tout à quoi il aurait servi mais en tout cas, ils avaient l’air d’avoir une vie sympa alors quand ils ont dit qu’ils avaient besoin d’artilleurs DEMS je me suis porté volontaire pour le DEMS.
Et après m’être porté volontaire, je me suis figuré pendant tout ce temps, je vous parie que mon premier navire ça va être un pétrolier parce qu’ils étaient la cible principale de tous les sous-marins à cette époque. Bon, en fait, la majorité du temps pendant la guerre, les pétroliers ont été leur principale cible.
Le premier navire que j’ai eu, on avait un (canon) américain de 100mm sur lequel on ne s’était jamais entrainés du tout. Donc vous ne savez jamais ce que vous allez avoir. Le (SS) Point Pelee Park jusqu’à Terre Neuve, descente le long de la côte jusqu’à Boston, New York, remontée de l’Orénoque au Venezuela, traversée des Caraïbes, Trinidad, Aruba, en amont de l’Orénoque on est allés dans un endroit qui s’appelait Caripito (Venezuela), c’était juste un dépôt de réservoirs à essence au milieu de la jungle. Et il fallait remonter la rivière pendant deux jours pour l’atteindre, l’Orénoque a des piranhas dedans, des crocodiles et tout ce qui s’en suit ; des singes accrochés au gréement et des perroquets de tous les côtés. Très intéressant, très intéressant.
On avait un 1er maitre c’était la règle ou un officier marinier. Quelquefois c’était des maitres mais la plupart du temps ils étaient juste officiers mariniers. Et on avait un matelot de 1ère classe et puis les artilleurs étaient des matelots de 2ème classe et matelots de 3ème classe et bien sûr, moi comme j’étais nouveau, j’étais un matelot de 3ème classe, en fait ma dénomination c’était matelot artilleur de 3ème classe. L’officier marinier, il vous désigne l’endroit où il veut que vous soyez et moi on m’a donné l’Oerlikon (canon de 20mm) sur le pont à tribord, qui est en haut sur la passerelle supérieure, qui est juste au dessus de la timonerie. C’était là qu’on se tenait toujours pour les quarts de surveillance et les trous à canon étaient de chaque côté, il y avait un Oerlikon à tribord et un à bâbord. Et il fallait qu’on montre à un des marins marchands comment nous aider avec ce canon. Et le marin marchand était celui qui chargeait et vous étiez le tireur.
Et on était payés 50 centimes de l’heure quand on travaillait à bord du navire, c’était en plus de notre solde de la marine. Et on mettait tout ça dans un pot commun qu’on partageait quand on rentrait à notre port d’attache. Alors c’était en plus de ce que la marine nous payait, sur chaque navire, on recevait, ça arrivait quand un marin marchand tombait malade, les artilleurs les remplaçaient en général dans leurs fonctions parce que tout ce qu’on faisait à bord, notre travail normal c’était juste de la surveillance, juste parce qu’on était des vigies, c’était tout ce qu’on faisait comme travail et aussi l’entretien de nos canons.
Bon, on a eu une grosse trouille quand j’étais sur le Point Pelee Park. Un bateau neutre nous avait signalé par radio qu’il avait aperçu un sous-marin au large de Cap Hatteras. Évidemment, comme il était neutre, ils naviguaient avec toutes leurs lumières allumées et tout le reste alors que nous on était toujours en plein blackout. Mais en tout cas, on allait arriver sur cette position le lendemain matin alors le capitaine, - ce Point Pelee Park était un bateau qui fonctionnait au charbon, c’était lui, il marchait à la vapeur avec une chaudière à charbon – alors le capitaine a donné l’ordre au chef mécanicien, bon, il a demandé au chef mécanicien de faire mettre toute la vapeur et d’avancer aussi vite que possible. Et il est monté à 14 nœuds environ, ce qui était vraiment rapide pour un vieux cargo ou un vieux pétrolier. Mais il ressemblait à un cargo parce qu’à l’origine il avait été construit pour servir de cargo. Et il avait toujours ses mâts de charge et ses chambres dessus qui venaient du transport mais ensuite ses cales avaient été transformées en réservoirs profonds et ensuite il avait été converti en pétrolier parce qu’ils se servaient de tout ce qu’ils pouvaient trouver charger de l’essence à cette époque. Et on naviguait avec une flotte de pétroliers dans un convoi mais on était les seuls à ressembler à un cargo au milieu d’eux, ou à l’extérieur ou peu importe où on se trouvait dans la file, vous savez. C’était différent mais il a fait monter la pression, la vitesse a atteint 14 nœuds et on n’a jamais vu le fameux sous-marin mais ça a été la seule fois où on a fait une surveillance très pointue.
Sur le (SS) Garden Park, le dernier navire sur lequel j’ai été, on naviguait dans, on était au large des côtes de la Nouvelle-Bretagne. On était à 900 milles au nord-est de la Nouvelle-Bretagne le jour de la Victoire en Europe (8 mai 1945) et après avoir contourné l’Australie par en bas, remontée par l’Inde, la Birmanie et toutes sortes de trucs et on était sur le chemin du retour à la maison, on était à un mille de la même position en rentrant chez nous le jour de la Victoire sur le Japon (15 août 1945), ce qui était une coïncidence. Mais sur la route en descendant, on était à sec ; on n’avait pas d’alcool ou quoi que ce soit à bord. Et sur le chemin du retour à la maison, des gars avaient fait quelques provisions, alors on a eu un peu plus de quoi célébrer la Victoire sur le Japon que ce qu’on avait eu pour la Victoire en Europe.
Mais ensuite on a eu une grande séance de tirs sur toute la route du retour – pas tout le long – mais la marine avait donné l’ordre aux capitaines, avait dit aux capitaines par radio, les transmissions étant libres désormais, que toutes les munitions à bord des navires soient tirées par les artilleurs et alors on l’a fait. On en a tiré un paquet, les marins marchands se sont mis de la partie et on s’est bien amusés à tirer tout ça. Toujours à la recherche de quelque chose d’amusant à faire ; ça rompt la monotonie du bruit de martèlement permanent du moteur pound, pound, pound, pound, et qui a l’air d’aller nulle part parce que c’est comme une allumette dans l’océan au milieu des bois. Vous n’avez pas l’air d’aller quelque part.