Albert Nelson a servi dans l’armée pendant la Deuxième Guerre mondiale. Voici son témoignage.
Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.
Transcription
Nous avons embarqué à bord d’un liberty ship [cargos construits aux États-Unis pendant la Deuxième Guerre mondiale] et avons traversé la Manche. Ensuite, nous avons déchargé tous les véhicules et toutes les armes. Le premier endroit où nous avons tiré une balle en colère, comme on disait, était à [Bernières-sur-Mer] en France. Peu après le jour J [l’invasion de la Normandie le 6 juin 1944], les Canadiens se sont emparés du village. Les Allemands ont contre-attaqué, les ont repoussés hors du village et ont tué beaucoup de soldats. Je pense que la compagnie était les North Shore Highlanders [le North Shore Regiment]. Je ne suis plus sûr de son nom exact. Nous avons repris le village et nous nous y sommes installés pour tirer avec nos armes, ce que nous appelions le « tir de colère ». Je me souviens que nous avons repris le village. On vient à en manquer beaucoup en situation de bataille. Il est difficile de savoir si on a vaincu l’ennemi ou non tant qu’on ne prend pas possession du terrain qu’il occupait. C’est une drôle de réalité dans la guerre : on peut certainement voir l’ennemi abattu tomber au sol par moments, mais le plus souvent, les balles font mouche sans qu’on s’en rende compte. L’autre endroit dont je me souviens très bien est la grande crête de [Verrières]. C’était une grosse bataille, l’une des plus importantes que nous ayons livrées. Les Allemands occupaient une grande crête devant nous et ils pouvaient nous voir, mais nous ne pouvions pas les voir parce qu’ils étaient beaucoup plus haut que nous. Nous avons finalement remporté la bataille et nous avons pris [la crête de Verrières], puis nous sommes allés sur le corridor de Falaise. Le corridor de Falaise est l’endroit où les armées canadienne, britannique et états-unienne ont piégé l’armée allemande. Nous avons encerclé l’armée allemande [pendant la bataille de la poche de Falaise, du 12 au 21 août 1944] et, dans certains cas, nous avons tiré au-dessus de champs ouverts et non sur ces champs. Dès qu’on voyait des Allemands, on pointait l’arme sur eux et on les éclatait. Le pire que j’ai vu dans le corridor de Falaise, c’est tous les chevaux morts qui jonchaient les routes que nous traversions. C’est moi qui les repérais. Je pouvais supporter de voir des Allemands et des Canadiens morts, mais j’avais pitié de ces pauvres chevaux, de vraies bêtes de somme, qui n’avaient aucune idée de ce qui se passait et qui sont morts. Les Allemands faisaient beaucoup tirer leur équipement par des chevaux. Ça m’a attristé de les voir morts. Le 8 mai 1945, nous étions toujours en combat et nous avons reçu un avis de cessez-le-feu vers 11 heures. On donnait deux types d’ordres dans l’artillerie. L’un d’eux est un cessez-le-tir, soit s’arrêter quand on tire sur quelqu’un, mais reprendre les hostilités s’il le faut. L’autre ordre est un cessez-le-feu. Quand vient un tel ordre, ça veut dire que l’armistice a été signé. Nous avons donc tiré après coup, mais seulement pour tracer un chemin sur le sol en forme de V pour victoire. Nous n’avons plus jamais tiré par la suite.