Alec Frederick Gabany (source primaire) | l'Encyclopédie Canadienne

Project Mémoire

Alec Frederick Gabany (source primaire)

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Alec Frederick Gabany a servi dans la marine pendant la Deuxième Guerre mondiale. Voici son témoignage.

Prenez note que les sources primaires du Projet Memoire abordent des temoignages personnels qui refletent les interpretations de l'orateur. Les temoignages ne refletent pas necessairement les opinions du Projet Memoire ou de Historica Canada.

Alec Gabany
Alec Gabany
Alec Gabany, 1944.
Alec Gabany
Alec Gabany
Alec Gabany
Alec Gabany, 1944.
Alec Gabany
Alec Gabany
Alec Gabany
L'équipage du navire de Classe 115 NCSM Cornwallis. Alec Gabany se trouve sur la première rangée à droite.
Alec Gabany
Alec Gabany
Alec Gabany
La vie en mer à bord du navire NCSM Royal Mount; Alec Gabany se trouve sur la photo en bas à droite.
Alec Gabany
Alec Gabany
Alec Gabany
"En route afin de rejoindre un convoi au large de Terre-Neuve."
Alec Gabany
Mon temps passé sous les drapeaux fut joyeux. Je l'ai accepté comme tel, comme j'ai accepté toutes les difficultés que nous avons eues comme un fait.

Transcription

J’ai décidé de vivre dans ma terre d’adoption, un pays auquel j’étais attaché vu les avantages qu’il avait par rapport à l’Europe centrale, qui souffrait encore des ravages de la Première Guerre mondiale. J’y suis resté loyal depuis ce moment jusqu’à aujourd’hui. Mon frère s’était enrôlé dans l’armée de l’air et je me suis dit que c’était son choix, il avait le droit. Puis je me suis convaincu que je devais y aller à mon tour vu qu’on finirait par tirer mon nom de toute façon. Ma décision était prise. J’avais passé trois mois et demi ou quatre mois sur les Grands Lacs et j’avais adoré. J’aimais bien être sur l’eau, et c’est ce qui m’a poussé à choisir la marine, sans oublier mon patriotisme! Aux Bermudes, nous avons suivi un entraînement d’une semaine, une semaine et demie à jouer à cache-cache avec un sous-marin italien capturé, et nous avons ainsi acquis de l’expérience dans la recherche de submersibles. Nous sommes partis de Terre-Neuve, notre lieu d’attache, à bord d’un navire de munitions et on nous a affectés d’un convoi pour aller à Londonderry, en Irlande (Derry pour les intimes). C’était toute une expérience. Il y avait environ 40 ou 50 navires dans le convoi et on les guidait, eux et cinq à sept autres navires de guerre. L’Irlande est aussi en Europe : mes jeunes années me sont donc revenues en mémoire. On a aperçu des enfants monter à bord du navire avec un sac de pain frais qu’ils voulaient échanger contre un paquet de cigarettes Players. Le plus jeune d’entre eux, et je ne plaisante pas, avait un short et était pieds nus alors que le sol était recouvert de cinq centimètres de neige. J’ai vu ses jambes, elles étaient rouges jusqu’aux genoux. C’étaient vraiment de bons enfants, ils ont fait une petite gigue irlandaise et ont chanté un peu, puis on leur a lancé de la monnaie que nous avions dans leur chapeau pour leur grand bonheur. Nous sommes arrivés à Halifax [Nouvelle-Écosse] la veille du jour de la Victoire en Europe [8 mai 1945]. Nous nous y sommes amarrés et nous avons assisté à la grande célébration du jour de la Victoire, qui ne s’est pas très bien passé. J’ai été atterré de voir qu’on peut causer de tels dégâts à une ville [lors des émeutes d’Halifax le jour de la Victoire en Europe, les 7 et 8 mai 1945]. Heureusement, nous n’y sommes restés qu’un jour et demi ou deux et nous avons dû nous rendre à Sydney, en Nouvelle-Écosse, en vue de nous rééquiper parce que nous avions pris l’engagement de participer aux combats du théâtre de l’océan Pacifique. Nous étions donc en train de nous rééquiper et à côté de nous étaient amarrés deux sous-marins allemands qui venaient de se rendre et d’être escortés. C’était vraiment tout un spectacle. Nous avons ainsi pu en étudier tous les recoins, autant les parties émergées que celles sous l’eau, de même que l’intérieur. La guerre contre le Japon s’est terminée [en août 1945] et nous avons dû retourner à Halifax pour attendre l’ordre de démobilisation. Avant de venir au Canada, je jouais souvent avec mes deux cousins. L’un d’eux avait environ 17 jours de moins que moi et je me souviens très bien de lui et de son frère. Je me suis souvent demandé si l’un d’entre eux était à bord de ce sous-marin. En effet, les Allemands ont pris plusieurs [sous-marins] de leurs alliés et les ont placés là où ils pouvaient servir dans l’effort de guerre. On se disait souvent qu’on se tirait dessus mutuellement, mais qu’il n’y avait rien de mal à ça. C’était lui ou c’était moi, c’est ainsi que le voulaient les politiciens. C’est ce qui ressort du bilan historique qu’on peut en dresser. Est-ce qu’on aimait ça? Non, mais ainsi était la vie. Bien sûr, les deux cousins en question avaient péri sur le front russe. Ils n’ont donc même pas pu voir la fin de la guerre. Le temps que j’ai passé dans le service militaire, j’ai voulu privilégier la bonne humeur en acceptant les épreuves qui ont été mises sur notre chemin. J’ai appris à accepter ce que la vie me donnait et les choses pour lesquelles je n’ai aucun pouvoir. Je vois ainsi la vie d’un bon œil et je suis content de ce que j’ai dans mon assiette.