Alexander Bramson a servi dans la marine pendant la Deuxième Guerre mondiale. Voici son témoignage.
Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.
Transcription
Après l’instruction, j’ai intégré le NCSM Ettrick, E-T-T-R-I-C-K, une frégate, à l’origine un navire de la Royal Navy, qui a été transféré à la marine canadienne en janvier 1944. C’est à ce moment-là que je suis arrivé dans le décor. Le navire n’avait été mis en fonction que six mois auparavant. Il était en piètre état : il n’avait pas été entretenu et nous avons passé environ trois mois à le réparer et à le nettoyer. C’était l’enfer! On se demandait en fait si on allait le garder, le retourner ou le couler. Quoi qu’il en soit, nous avons tout réparé et avons pris la mer. Nous étions le seul navire de la marine, la seule frégate équipée de moteurs à turbine. À l’origine, nous avions rejoint le [groupe d’escorte] C3, qui accompagnait un convoi jusqu’à Londonderry. Nous en avons pris trois et les avons rejoints pour former le EG27, un groupe d’escorte ou un groupe de chasse avec une force de frappe. Nous étions dans ce groupe avec quatre autres frégates. Nous avons patrouillé dans l’Atlantique Nord et nous avons aidé les convois attaqués qui tentaient de traverser. Puis c’était la recherche de sous-marins allemands. Nous n’en avons trouvé aucun. Le seul que nous ayons trouvé est en octobre 1944 : nous avons été piégés dans la queue d’un ouragan au large de Terre-Neuve et nous sommes rentrés pour faire réparer le bateau. Puis nous sommes partis avec quatre autres frégates, je crois, pour aider les convois et les groupes d’escorte et nous avons finalement terminé en janvier 1945. Nous avons quitté le port et avons rejoint un convoi qui allait de Boston à Halifax, le BX141. En arrivant à Halifax, on a été attaqué par le U1232 et trois navires ont été coulés. Une torpille est allée dans notre direction. Nous avions un appareil ASDIC [appareil de détection anti-sous-marins de la Commission commune franco-britannique de lutte anti-sous-marine] très sensible qui nous a prévenus et le capitaine est revenu. Nous avons fait un virage et écrasé le sous-marin tout près d’Halifax. Nous avons enlevé toutes ses commandes, ses périscopes, ses affûts d’arme, son équipement radio, ses antennes. Nous ne l’avons pas coulé; il s’est échappé et s’est retrouvé dans les eaux peu profondes au large d’Halifax. Il a mis environ trois semaines à rentrer en Allemagne et on a découvert plus tard, grâce à un de nos amis qui était aussi un ancien officier de la marine allemande, que ce sous-marin avait un capitaine à bord, ce qui était inhabituel. D’habitude, lorsqu’un sous-marin allemand revenait, il était accueilli par un destroyer et un groupe de bateaux. Le capitaine était mécontent parce qu’il a été accueilli par un remorqueur. Vivre à bord d’un navire n’est pas ce qu’il y a de plus aisé. Les navires étaient bondés. La première chose qu’on faisait en quittant le port était de couper l’eau. Il n’y avait pas d’eau pour se laver, boire ou quoi que ce soit d’autre, ni pour laver ses vêtements. On dormait donc dans les mêmes vêtements pendant les deux ou trois semaines au large. On avait peut-être l’occasion de se laver le visage tous les deux ou trois jours. Sur le plan alimentaire, je pense que les refuges pour sans-abri offrent de meilleurs plats. Je connais un homme que j’ai rencontré il y a de nombreuses années alors que je skiais, c’était un prisonnier de guerre allemand; il faisait partie d’un groupe qui a été ramassé dans l’Atlantique et qui s’est retrouvé dans un camp de prisonniers de guerre dans l’ouest du Canada. Il nous a dit qu’il avait eu du rosbif le dimanche, du porc le mercredi, des films et tout le reste. Notre nourriture n’était que des restes pour notre part. Le gouvernement n’était pas très doué pour nous nourrir. Je ne voudrais pas que quelqu’un d’autre vive la même chose. La marine, c’est bien, tant que ce n’est pas en temps de guerre, car, là, ça devient difficile. La plupart des gens n’avaient aucune idée de ce que faisait la marine. Comme j’ai déjà dit, il n’y a pas de différence entre la marine et l’armée de l’air. Autrement dit, quand l’armée de l’air effectuait un raid, elle calculait son temps. Lorsque la marine quittait le port pour un convoi, elle regardait le calendrier. Traverser l’Atlantique prenait de deux à trois semaines à l’époque. Aujourd’hui, ça se fait en six ou huit heures.