Allan Gordon McPhail (source primaire) | l'Encyclopédie Canadienne

Project Mémoire

Allan Gordon McPhail (source primaire)

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Allan Gordon McPhail a servi dans l'armée au sein du Royal Regiment of Canada pendant la Deuxième Guerre mondiale. Lisez et écoutez le témoignage d'Allan McPhail ci-dessous.

Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.

Allan McPhail
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Monsieur McPhail peu de temps après son engagement dans Le Régiment Royal du Canada en novembre 1943.
Allan McPhail
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McPhail en janvier 1945 à Bruxelles en Belgique. Il était en permission de 48heures.
Allan McPhail
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Beachy head, sur la côte sud de l'Angleterre en août 1942. Monsieur McPhail est le deuxième à droite.
Allan McPhail
Ils avaient mon buste pour cible et ils m’ont touché, oh, en plein dans la poitrine. Mais par chance, ils ont tout manqué. C’est passé à travers de moi.

Transcription

J’ai été blessé le 18 juillet à un endroit qui s’appelait Les Vignes. Et c’était assez intéressant parce que c’était une attaque de nuit et on est entrés dans, c’était juste aux alentours de Caen. Je suis parti en France; et on est arrivés là-bas comme troupes de démarrage avec la 2ème Division (d’infanterie canadienne), la 4ème Brigade (d’infanterie canadienne), le Royal Highland Light Infantry, le Essex Scottish (Regiment) et nous-mêmes le 2ème Régiment d’artillerie antiaérienne lourde. On est restés à un endroit qui s’appelait Auderville pendant cinq jours. On est partis pour entamer la première attaque, on a traversé un champ de blé et je pouvais voir et entendre, le blé était très haut à ce moment-là, c’était le mois de juillet, (les balles) frôlaient les épis de blé. Et sur ma gauche il y avait un gars que je connaissais très bien, un gars qui s’appelait Augustine, je l’ai vu tomber. Je ne suis jamais arrivé à savoir… Je me demandais ce qui lui était arrivé. Et j’ai appris plus tard qu’il avait été blessé le 18, qu’il était mort le 25, je ne suis jamais arrivé à trouver là où il était enterré, mais il y a cinq ans environ j’ai découvert qu’il était dans un endroit nommé Bayeux. Il avait été envoyé dans un hôpital anglais et était mort là-bas, et avait été enterré dans un cimetière anglais. Ça, c’était un des moments forts.

Et le fait est que je suis parvenu à survivre à cette journée. J’étais blessé à la poitrine. Il y avait un gros trou d’obus à l’extérieur du verger. Je suis allé dans ce trou et il y avait quatre ou cinq autres gars là-bas, mais ils étaient morts. Et comme l’attaque avait commencé vers 6, 7 heures du soir, il était à peu près 11 heures minuit, il faisait sombre, j’ai pensé que je ferais mieux de ne pas m’éterniser là. Alors j’ai pris la décision de me lever et j’ai réussi à rentrer en marchant. Et ce à quoi il fallait faire très attention c’était de ne pas marcher sur des mines anti-personnelles, ou des mines. Alors vous faisiez le chemin du retour, j’ai pris la décision de rentrer et sans décoller du tarmac, sur la surface dure, et de rentrer à pied. Et un gars en jeep s’est approché et m’a pris, et m’a emmené au poste d’évacuation sanitaire.

Mais sur le chemin, il y avait un gars qui s’appelait Capitaine Rankin, Compagnie A, c’était un bon gars. Et j’étais un messager de la compagnie, et quand on est allé au premier endroit où on a combattu, ma tranchée étroite était juste à l’extérieur du quartier général de la compagnie; et je me souviens de lui en train de me dire, lui étant là et on nous arrosait de mortiers. Et un obus de mortier est tombé sur le bord de ma tranchée, a effondré le côté et j’étais en partie recouvert, mais pas tant que ça, j’ai pu sortir. Et il est sorti et c’était un homme de 32 ans à peu près et moi j’avais, la vingtaine je suppose. Et il est sorti et il a dit, ça va McPhail? Et j’ai répondu oui, ça va. Il a dit, tu restes avec moi et je te ferai sortir de là vivant. Je me souviens très bien de ces mots.

Pendant que je marchais pour aller au poste d’évacuation sanitaire avant même d’avoir été pris par la jeep, je suis tombé sur la chenillette dans laquelle il se trouvait, qui apportait des provisions de munitions, et il était mort. Ils avaient heurté une mine Teller (mine allemande antichar) et elle avait fait sauter la chenillette et il était mort. Et à ce moment-là j’ai une pensée qui m’a traversé l’esprit, je suis content de ne pas l’avoir suivi, je ne vais pas pouvoir rester avec vous maintenant.

Quand on allait au combat, on prenait toujours un rouleau de fil avec nous sur un tuyau et on le déroulait, et ensuite on le raccordait à un téléphone de campagne. Alors on était la troisième ligne de communication. Si les deux autres tombaient, alors ils vous appelaient pour faire passer les messages. Mais les communications étaient toujours très bonnes. Ils avaient la radio aussi. Alors en réalité, vous les accompagniez en tant qu’observateur plutôt, pour voir ce qui se passait. Très difficile de voir ce qui se passait sur un champ de bataille en fait, c’est une très, un horizon très raccourci. C’est juste que vous n’y voyez rien. Vous avez conscience des bombardements au canon et au mortier; et ils avaient aussi ces lance-roquettes multitubes les moaning minnies – c’était des horreurs. Mais en tout cas, c’était comme ça.

La première position qu’on a occupée, il fallait que je, il me semble toujours qu’on accentue le côté anal, mais quoi qu’il en soit, il fallait que j’y aille et je n’étais pas, vous savez, il n’y avait pas de toilettes dans le coin ou quoi que ce soit. Alors j’ai pris un grand bocal et je me suis assis dessus et pendant que je faisais, ils ont commencé à pilonner la position au mortier. Bon, voyez-vous, il fallait vous lever et ficher le camp de là, alors j’ai essayé de me lever et de courir; et ce satané truc m’est resté collé au cul. Alors me voilà, à sautiller dans le champ pendant que tous les gars dans leur tranchée m’encourageaient. Et j’ai finalement réussi à rejoindre une tranchée et ça allait bien.

Et j’ai été blessé à nouveau le 8 mars 1945. Les deux fois j’ai été blessé à la poitrine. La deuxième fois c’était plus sérieux que la première, mais encore une fois, grâce à mon expérience de la première fois où j’ai été blessé, je savais, je veux dire, si vous n’étiez pas dans un état critique, bon là, il n’y avait rien que vous puissiez faire alors, mais une fois que j’étais, qu’est-ce que je faisais? On allait attaquer un endroit, c’est une vieille ville romaine sur le Rhin. C’était la dernière poussée de l’armée canadienne vers le Rhin, le 8 mars 1945. Je me souviens d’être en train de traverser le champ et je voyais les lance-flammes à ma gauche. Ils avaient une chenillette Bren qui avait un projectile Wasp, je crois que ça s’appelait comme ça, un lance-flammes. Et je pouvais voir et entendre les mitrailleuses; j’arrivais à entendre l’artillerie et les mortiers. Donc nous avons avancé; et pendant qu’on avançait, un des signaleurs a été frappé à la jambe.

Donc qu’est-ce que je faisais, et j’étais bête, mais bête, je mettais un bandage dessus, mais au lieu je m’allonger par terre, j’étais agenouillé. Ils avaient la partie supérieure de mon corps comme cible et ils m’ont touché, oh, juste au milieu de la poitrine. Mais heureusement, ils ont tout manqué. C’est passé tout droit à travers et, bien sûr, en passant à travers, la balle brûlante a cautérisé la plaie et elle est passée à travers. Cependant, j’avais une hémorragie interne et j’ai essayé de monter à bord d’une, il y avait une jeep qui est arrivée. Oh, et c’était épouvantable, c’était tout boueux; et c’était au mois de mars et c’était boueux, et terrible. Vous ne pouviez pas sortir. Ah, c’était tout simplement…

En tout cas, la jeep est arrivée et je suis monté dedans. Je me suis levé. Je savais qu’il fallait que je parte de là et que j’aille dans un poste d’évacuation sanitaire parce que j’avais une hémorragie interne. Alors je me suis levé et suis allé à la jeep, et suis monté dedans; et pourvu qu’elle ne se fasse pas coincer. Et ils ont commencé à lancer des mortiers dessus, alors il a fallu que je descende. Bon, pendant que j’étais étendu dans le champ là-bas, je perdais connaissance régulièrement, et la chenillette du Essex Scottish est venue; et je me souviens du gars qui disait, qu’est-ce qu’on fait de lui? Le gars a dit, oh je pense qu’il est mort. J’ai dit, bon Dieu, sortez moi de là.

Alors c’est ce qu’ils ont fait; ils m’ont mis sur un brancard. Je suis retourné au poste d’évacuation sanitaire et on m’a opéré sur place dans un vieux cellier; et on ne m’a pas fait d’autre opération importante après ça, ils ont tout fait sur place. Et ensuite ils m’ont emmené en ambulance dans un hôpital hollandais. Bon sang je ne sais même pas où c’était. Mais on est arrivé à l’hôpital et on était quatre dans une chambre – un allemand, deux irlandais et moi. Bon, le garçon de salle est entré avec une seringue et s’est dirigé vers l’allemand. L’Allemand a cru qu’il allait l’exécuter, vous savez, simplement le tuer avec la piqûre. Alors il a sauté du lit. Il était grièvement blessé. Il a sauté hors du lit et tournait en rond dans la chambre, faisait le tour de la chambre. Et les deux Irlandais qui disaient, attrapez-le, attrapez-le, bon sang de bonsoir, il va nous tuer, attrapez-le, attrapez-le. Et moi j’étais allongé sur mon lit et je me disais, bon sang, qu’est-ce que c’est que ça? Je traverse toute cette folie, je me fais opérer et j’imagine que je suis relativement à l’abri, et voici que je vais mourir à cause d’un marteau d’Allemand et deux Irlandais qui se font la guerre ici dans l’hôpital. En tout cas, ils ont réussi à se comprendre et l’Allemand s’est fait faire sa piqûre et tout allait bien.