Allan David Snotty Griffith a servi comme opérateur de sous-marin pendant la Deuxième Guerre mondiale. Lisez et écoutez le témoignage d'Allan Griffith ci-dessous.
Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.
Transcription
On a tiré avec les canons jusqu’à ce qu’ils rendent l’âme et on en a fait venir trois nouveaux, il a fallu changer de canons trois fois. Et les obus qui montaient devaient redescendre et ils nous bombardaient, et les avions étaient en train d’arriver. Il y avait du sang partout. Soudain, ça s’est arrêté et la tranquillité est revenue. C’était comme si c’était la fin du monde, vous savez.
Puis les gens ont commencé à crier, hé, allez, remuez-vous et ceci et cela, remettez de l’ordre et ramassez les obus qu’ils avaient envoyés sur le pont et tous les éclats d’origines diverses qui étaient tombés. Et c’était tellement silencieux. Et tout le monde se regardait. J’avais un éclat d’obus dans le bide ici et je ne savais même pas que j’étais blessé.
On m’a emmené à Beaky Bay, à l’hôpital ; et quelqu’un a enlevé un petit bout d’éclat d’obus là. Je suis allé là-bas et ils ont dit que je souffrais d’une petite hernie ici ou quelque chose comme ça, et j’y suis retourné et j’ai rejoint un autre sous-marin. Je suis reparti et j’ai embarqué sur le (NSM) Oswald (sous-marin de la marine royale) à nouveau. Et il était prêt à reprendre la mer avec un autre skipper aux commandes.
On avançait à plein régime une nuit pour aller à Tarente (Italie), on était au large, au pied de Tarente. Et puis on a plongé, et le skipper a dit, maintenant, on est ici, a-t-il dit, au pied de Tarente et les navires sont à l’intérieur, alors on va aller là-bas et on va essayer d’attaquer ces croiseurs et ces contre-torpilleurs, et ils se cachaient là dedans. Et ils nous causaient pas mal de dégâts, parce qu’ils ravitaillaient l’Afrique du Nord.
Notre skipper a décidé d’envoyer une torpille à travers les filets et comme ça on pourrait entrer par le trou, voyez. Bon, on a entendu les torpilles atteindre le rivage ou toucher quelque chose, on a entendu ça, et on était en train de passer à travers et on a entendu des raclements et juste après on ne pouvait plus bouger. Alors il a fallu jongler avec les manœuvres en arrière et en avant et puis on s’est libérés, et ensuite on a plongé. Et on est allés aussi profond qu’on pouvait et on a entendu les navires venir au-dessus de nous puis on a entendu un contre-torpilleur et... On pouvait dire quelle sorte de navire c’était en comptant les tours, la vitesse de rotation nous indiquait si c’était un croiseur, un contre-torpilleur ou un navire ordinaire.
Et ils sont arrivés juste au-dessus de nous, voyez, mais ils ont largué des grenades sous-marines et autres et tout ce genre de trucs sur nous, et puis sont repartis quelque part en mer. Et alors on s’est débattu, débattus et, petit à petit, on s’est libérés. Alors quand on s’en est sortis, on a dû remonter à la surface de toute urgence parce que nos batteries étaient mortes ; et on a refait surface et il faisait nuit, et c’était une nuit vraiment très noire. Et il y avait des nuages. Je suis monté sur le kiosque du sous-marin (plateforme surélevée d’où on peut diriger le bateau), et c’est le seul moment où vous avez le droit d’être là-haut. Seulement trois personnes ont le droit de s’y trouver en même temps pour monter respirer un peu d’air frais. Et vous regardez alentour et certains fumaient ou moi je m’en grillais une, ou autre chose et on redescendait. Et ceci et cela.
Bon, l’artilleur, celui qui regardait vers l’arrière depuis le pont, il a crié, croiseur à l’arrière ou quelque chose, qui arrivait dans l’obscurité. Alors on s’est tous rués en bas du kiosque le plus vite possible et juste après, on s’est fait rentrer dedans par ce croiseur. Le nom du croiseur c’était le (SS Ugolino) Vivaldi (vaisseau de la marine italienne). Et puis il s’est détaché de nous en glissant et nous a envoyé des grenades sous-marines, et puis ils ont fait feu sur nous ; et je ne sais pas du tout ce qui s’est passé. Mais en tout cas, on a commencé à prendre l’eau.
Alors deux d’entre nous se sont précipités en bas, certains ont sauté tout de suite dans la mer et d’autres sont restés sur la coque et des trucs comme ça. Et puis le lieutenant s’est mis à courir à travers tout le bateau en disant, tout le monde, dehors. Et il y avait déjà quelqu’un pour remplir les ballasts, ouvrir les purges, et les ballasts pour aller en profondeur, vous les remplissez et vous descendez, vous savez. Et alors qu’il tirait dessus, il est remonté et j’y suis allé, et je les ai fermées. Et là, donne-moi une petite chance, mon pote. Et en tout cas, l’officier qui courait à travers le bateau et disait tout le monde dehors, le Lieutenant Pope, il est parti là-haut et m’a laissé tout seul, et il y avait un matelot 2ème classe, je crois.
Mais quand je suis remonté, il a fallu que je rouvre les valves aussi vite que je pouvais parce qu’il faut tout détruire dans votre bateau, les renseignements et les transmissions, et tout ce qui doit être détruit. Alors, en tout cas, quand que je suis monté à l’échelle, l’eau descendait, une bonne saucée, et j’ai pensé, oh, vous savez. Mais j’ai soudain atteint le haut, je suis sorti comme une flèche.
On était tous en pleine mer maintenant et il faisait complètement nuit, et la mer était calme, mais sombre. C’était tranquille. Et puis, le soleil s’est levé et le lendemain et on dérivait tout autour. C’était magnifique : vous auriez pu voir un insecte sur l’eau, si ça avait été possible. C’était tout calme et, on était tous en train de se dorer au soleil en quelque sorte. Et puis on a complètement séché. Vous commenciez à sécher et vous aviez le visage qui rougissait parce que le soleil était très chaud.
En tout cas, c’était la nuit à nouveau et la nuit est passée, et le lendemain matin, le croiseur est revenu et nous a récupérés. Ce sous-marin avait explosé en dessous de nous et il a vomi le pétrole à la surface de l’eau, et on était tous recouverts
de pétrole. Et un avion nous a survolés et nous a repérés, et il avait dû envoyer un message au Vivaldi qui est revenu, et nous a récupérés. Et puis on a été faits prisonniers de guerre à Tarente.
Date de l'entrevue: 15 mars 2010