Project Mémoire

Anthony Paul Farr (source primaire)

Ce témoignage fait partie de l’archive du Projet mémoire

Pour le témoignage complet de M. Farr, veuillez consulter en bas.

Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.


Transcription

J’ai été envoyé dans le 142ème LCT [Barge de débarquement de char d’assaut], qui est une barge de débarquement et je suis monté à son bord en Ecosse. On se préparait pour Dieppe à ce moment-là. Notre bateau a été séparé de la flottille pour installer un câble dans le détroit de l’estuaire de la Severn, au pays de Galles. On a posé ce câble, de huit kilomètres de long, et ça marchait. Après ça ils ont entrepris de faire la même chose avec un plus gros bateau et un plus long câble, et il a été installé dans la Manche pour Dieppe, transportant de l’essence, à la place du câble, les filins qui devaient être utilisés pour le transport à l’origine. Mais on n’est pas allés à Dieppe à cause de ça. Parce qu’on était à 400 mètres environ au large de la côte, on supposait que les troupes qu’on devait soutenir étaient arrivées à cet endroit. Mais elles n’y étaient pas encore là. C’est pourquoi, les allemands avaient une batterie de canons de 88 en place dans les collines. Et ils ont fait feu en premier. Donc on n’a pas commencé le combat avant d’être touché par un obus, avec deux hommes tués et quatre autres blessés. Dès qu’on a été touchés, on a tourné nos canons dans l’autre sens et on a tiré sur le rivage, sans pouvoir voir quoi que ce soit, mais c’était le bon endroit et on a mis toute cette batterie de canons allemands hors service. Le capitaine a reçu l’Ordre du service distingué pour ça. Bon, on a passé Noël à Capri [Italie], en tant qu’invités des américains, qui avaient repris le cantonnement, c'est-à-dire l’île de Capri. Et on est allés et on a vu la maison de Gracie Field, qui était vide à ce moment-là. Elle était en Amérique, c’était un très joli endroit. Bon, c’était la coutume dans la marine de s’habiller en commandant, deux hommes se sont pris à nous habiller, les deux officiers qu’on avait à ce moment-là. Oh, on avait deux officiers de marine et un marine. Ils portaient leurs uniformes, pas leurs vrais uniformes, et ils ont servi le repas de Noël aux troupes. Et sur le bateau, il y avait 45 hommes. Ca a été un grand succès. J’étais guide sur le vaisseau amiral de Nelson, le Victory en janvier 1946. Le bateau est en cale sèche avec du béton tout autour de lui. Pendant le grand raz de marée de 1941, une bombe était tombée entre le bateau et le côté du dock, faisant un trou dans ses allonges, par lequel le vent glacé de février s’infiltrait sur le pont inférieur. Les autres guides et moi-même on accompagnait des groupes de visiteurs sur le bateau et on les reconduisait à terre, en faisant très attention de nous placer de manière à cacher le côté qui avait été endommagé. Le 3 mars 1946, j’ai repris la mer avec la flotte métropolitaine sur sa première croisière après-guerre. On l’appelait Gibraltar, et je me suis porté volontaire pour être l’un des neuf marins invités par le magazine Illustrated, à visiter Tanger. C’est un événement qui n’a pas fait la une aux informations. On est allé dans la Casbah, qui est bien plus propre que la Casbah d’Alger, et on a été reçus par un artiste britannique dans sa maison mauresque. Il nous a montré une Victoire ancienne qui se trouvait dans sa cour intérieure et sous laquelle Samuel Pepys s’était assis quand Tanger était sous contrôle britannique. On a regardé un charmeur de serpent qui était censé charmer deux serpents d’un mètre trente de long, mais l’un d’entre eux a essayé de s’échapper. Puis dans le palace du sultan, qui est aujourd’hui un musée, où on nous a servi du thé à la menthe pendant qu’un groupe local jouait de la musique rustique avec des instruments bizarres. J’ai remarqué que ça ressemblait au Boléro de Ravel, mais en pire. Quand on est reparti sur le Nelson, on a jeté l’ancre à Spearhead à l’extérieur de Portsmouth. L’officier de quart, le premier lieutenant, le garde de la passerelle, le planton du gaillard d’arrière et moi-même qui était quartier-maitre étions tous accroupis autour d’un feu à l’extrémité du gaillard d’arrière, avec un grand plat de saucisses en train de grésiller dessus. On se tenait le plus loin possible de la cabine du commandant pour éviter que les odeurs de cuisine arrivent jusque là. Ces saucisses avec un œuf ou deux, des tomates, des haricots secs, du pain et du cacao, ont fait de ce guet quelque chose de très plaisant. C’était ma dernière garde avant de retourner à terre pour de bon. On m’avait donné un costume de démobilisation et une paire de chaussures. Le costume n’était pas de très grande qualité, mais les chaussures étaient très bien, elle ont duré une vingtaine d’années.